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Full text of "Mémoires et procès-verbaux"

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MÉMOIRES 


ET 


PROCÈS-VERBAUX 


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SOCIÈTÉ AGRICOLE & SCIENTIFIQUE 


DE LA HAUTE-LOIRE 


MÉMOIRES 


ET 


PROCÈS-VERBAUX 


1896 


TOME NEUVIÈME 


L 


LE PUY 
RÉGIS MARCHESSOU, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ 
Boulevard Carnot, 23. 


M DCCC XCVII 


PROCÈS-VERBAUX 


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PROCÈS -VERBAUX 


EXTRAIT DEN PROCES-VERBAUX 


DES SÉANCES 


DE [LA 


SOCIÉTÉ AGRICOLE ET SCIENTIFIQUE 
DE LA HAUTE-LOIRE 


SÉANCE DU 2 JANVIER 1896. 


PRÉSIDENCE bE M. LE Dr MOREL. 


mes 


Présents : MM. Bernard, Blanc-Marthory, Joseph Royer, Gazanion, 
Ed. Gueyffier, Hedde, Hérisson, Lascombe, Leblond, Marlin, institu- 
leur, D° Morel, O'Farrell, Samard, Sklénard, Valléry-Michel, Vignon. 


M. Lascombe donne lecture du procès-verbal de ia dernière 
sance qui est adopté. | 
M. Leblond, devant se rendre prochainement à Paris, offre son 
tOncours à l'effet d’activer les démarches qui ont été faites par la 

Svciélé en vue d’obtenir la déclaration d'utilité publique. 

M. le Président remercie M. le Préfet de son obligeant concours et 
de ses bonnes dispositions en faveur de notre Société. 

M. le Président procède ensuite au dépouillement de la correspon- 
dance qui comprend : 


x | PROCÈS-VERBAUX 


Une lettre de remerciements de notre nouveau collègue, M. de 
Brun, surnuméraire de l'enregistrement et des domaines. 

Le Bulletin ofliciel de la Ligue nationale bimétallique. 

La Nouvelle agricole, de Toulouse. 

Un Mémoire sur les Dominicains de Pradelles, envoyé par M. F. 
Mosnier, instituteur à Monistrol ; M. Lascombe est chargé de rendre 
compte de ce mémoire à une prochaine séance. 

Enfin, une circulaire ministérielle relative à la réunion du Congrès 
des Sociétés savantes, qui se tiendra à la Sorbonne du 7 au 11 avril 
189%. 

MM. de Cailleux, secrétaire général de la Préfecture, et Chacor- 
nac, professeur-agrégé au Lycée du Puy, sont élus membres titu- 
laires de notre Société. 

M. Joseph Vignon, avocat, est nommé membre du Conseil d’admi- 
nistration, en remplacement de M. Louis Paul décédé. 

Venant à la question à l’ordre du jour du concours d’animaux 
gras, M. le Président expose à l'assemblée les considérations. con- 
tradictoires relatives à la date de ce concours. D’un côté, le conseil 
municipal désire changer la date adoptée jusqu'ici, en vue d'éviter 
la cuincidence avec la foire de Saint-Agrève, qui empêche un certain 
nombre d’exposants de venir au Puy ; d'autre part, il y aurait grand 
inconvénient à adopter brusquement une date différente de celle 
qui a été consacrée par un usage déjà très ancien. 

M. Hérisson propose de conserver encore dès à présent la date du 
mardi de la Passion, mais, en vue de donner satisfaction au désir du 
conseil municipal, il propose de consulter, lors de la réunion qui 
suivra le concours, les acheteurs el les exposants sur ce changement 
de date, 

L'assemblée adopte cet avis el décide qu’on proposera, à la réunion 
* du concours prochain, qui aura lieu comme d’habitude le mardi de 
la Passion, le choix entre ce même jour ou bien le samedi précédant 
la Passion. ) 

La situation financière de la Société est présentée par M. le Tré- 
sorier. 

MM. Hedde et Breschet sont désignés pour examiner ses comptes 
et présenter un rapport à la prochaine séance, au nom du Conseil 
d'administration. 

M. Martin donne lecture d'une notice préconisant l'emploi du 
sulfate de fer (vitriol vert ou couperose verte) comme adjuvant des 
engrais et comme insecticide en arboriculture; en certains cas. 
l'action de cet insecticide peul étre rendue plus énergique par l’addi- 
tion d'uue petile dose d'acide sulfurique. 


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DES SÉANCES J 


MM. les professeurs d’agricullture présents à la séance protestent 
contre l'affirmation de pareilles doctrines que ne saurait propager 
notre Société : ils pensent que l'emploi du sulfate de fer ne peut 
guère être recommandé que pour combatre la chlorose des plantes 
(couleur pâle des feuilles) et pour la destruction des mousses. 

L'étude du projet de création d’une école de laiterie est renvoy ée 
à une prochaine séance. 

ll en est de même du projet du Herd-Book . 


L'un des secrétaires, 
Pa. HEDDE. 


SÉANCE DU G FÉVRIFER 1896. 


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PRÉSIDENCE DE M. LE D' Morr1. 


an 


Présents : MM. Antier, André Boyer, D: Boyer, Florimond Boyer, 
Breschet, de Brun, Cellérier, Chacornac, Chaudier, Dr Coiflier, Espe- 
nel, Ed. Gazanion, Habriat, Hedde, Hérisson, Lascombe, Leblond, 
Mallat, Martin instituteur, D' Morel, Richard de Ribains, Sklénard, 
Vallery-Michel, Vialla, Vignon. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le Président procède ensuite au dépouillement de la SORRESDQLE 
dance qui comprend : 

Deux lettres de MM. de Cailleux et Chacornac, adressant à la 
Sociélé des remerciements pour leur admission. 

Une lettre ministérielle transmise par M. le Préfet, relative aux 
formalités que doit remplir notre Société à l’appui de sa demande de 
déclaration d'utilité publique. 

Une seconde lettre ministérielle allouant à notre Société, en vue 
du concours d'animaux gras, une subvention égale au tiers de 
l'ensemble des subventions que réunira par ailleurs notre Société. 

Une circulaire de M. Méline, président de l'Association de l’indus- 
ie et de l’agriculture françaises, demandant l'avis de notre Société 
Sur un certain nombre de vœux économiques. 


6 PROCÈS-VERBAUX 


Une commission, composée de MM. Mallat, Vignon, Hedde el de 
Brun, est nommée à l'effet de présenter un rapport sur ce sujet à la 
prochaine séance. 

Il sera stalué, à la prochaine séance, sur l’admission de MM. le 
frère Pierre Triouleyre, directeur de l'institution des Sourds-Muets, 
présenté par MM. Chaudier et Vialla, et de M. Canard Auguste, pré- 
senté par MM. Vialla et Edouard Gazanion. 

M. le docteur Coitlier appelle l'attention de notre Société sur 
l'importante découverte de M. le professeur Ræœntgen, de l’Univer- 
sité de Wurzbourg, qui permet de photographier à travers certains 
corps opaques. Il propose de nommer une commission à l'effel 
d'étudier cette découverte et d’en faciliter les applications. 

L'assemblée nomme, à cet effet, une commission composée de 
MM. D: Morel, D: Coiflier, Dreyfus, André Boyer, Vazeille et Canard. 

Au nom de M. Henry Mosnier, M. Lascombe donne communication 
de la note suivante sur l’industrie dentellière en Auvergne, en 178. 

« Le rapport suivant, adressé au Conseil supérieur du commerce, 
doune un succinet, mais fidèle aperçu de l’industrie dentellière en 
Auvergne, à la fin du xvui' siècle. Les détails qu'il contient et dont 
quelques-uns se réfèrent au Velay, pourront être utilisés par le futur 
historien de cette industrie, laquelle après l’agriculture fut si long- 
temps la grande nourricière de notre coin de terre. 

« Son auleur, M. Jubié, exerca de longues années les fonclions 
d’inspecteur des manufactures de la province d'Auvergne, et nous 
a laissé d’intéressants rapports de ses missions. 

« On ne connail en Auvergne aucun arrêt, aucune loi concernant 
la fabricalion des dentelles, quoique cette industrie y ait été établie 
depuis plus d’un siècle. Mais elle a souffert des variations, tantôl 
celte industrie a eu quelque prospérité, tantôt elle a été au moment 
de s’éteindre. Depuis quelques années, elle paraît reprendre un peu 
de consistance el, si dans cet instant, elle recevait quelque marque 
d'attention du conseil, elle pourrait devenir un objet important pour 
la province. 

« On fabrique à Aurillac et à Murat les plus belles ; elles sont du 
prix depuis six sols, jusqu’à douze livres l’aune. On y en a fabriqué 
autrefois de plus précieuses et ce temps pourrait bien revenir 
encore, si l’on pouvait avoir des dessins, suivant le genre du temps. 
Il n'v a point de dessinateurs dans toute la province, qui ait quelque 
connaissance de cet art. On fabrique toujours sur des vieux dessius 
ou bien sur quelques dentelles que le hasard fait parvenir dans ces 
villes, au moyen de quoi le goût des modes, qui est ce qui anime le 
commerce, ne peut pas changer, ce qui arrête le progrès de celle 


DES SÉANCES 7 


industrie. On tire les fils de Hollande et des Flandres. On en fait 
aussi à Saint-Flour et à Mauriac, mais d’une qualité plus commune. 
Leur prix est de quinze sols jusqu’à trois livres la pièce de 12 aunes. 
On ne doit point juger, par ce vil prix, de l'importance de cet objet. 
I est d'autant plus précieux que la matière première, la filature et 
l'emploi du fil sont tout de la production de la province. Le lin se 
cueille à Salers et aux environs, à Besse el aux environs. On le pré- 
pare, on le file, on blanchit le fil et on l’'emploie à:-la fabrication des 
dentelles dont la majeure partie passe à l'étranger. La filature n'est 
point portée à un certain degré de perfection; cependant, on a vu du 
fil de 24 francs la livre. 

« Les colporteurs, les marchands du pays achètent de ces dentelles 
qui se vendent dans les provinces entourant l'Auvergne, mais on en 
porte beaucoup en Amérique, à la Martinique et dans les possessions 
de l'Espagne. 

«On fait, dans une autre partie des montagnes de la province, qui 
sont à l’ouest et au midi, des dentelles d’une autre espèce. Elles sont 
failes avec de la soie et on les appelle blondes. Il y en a de noires 
et de blanches. La soie blanche vient de Nankin, la soie noire se tire 
de Lyon. On fait encore de la dentelle de fil qu’on tire des Flandres et 
de Lyon. C'est un petit objet respectivement au commerce des 
blondes. 

« Le même défaut, qui arrête le progrès du commerce des dentelles 
d'Auvergne, empêche aussi l'accroissement de celui des blondes, le 
défaut de dessin. Cependant, ce commerce ne laisse pas que d’être 
d'une certaine considération dans les villes d’Arlanc, La ChaiseDieu, 
Marsac, Chaumont, Dore-l'Église, Langeac. On ne cite que les prin- 
cipaux lieux. Cette industrie est répandue dans les villages el 
hameaux des environs de ces endroits, industrie d’autant plus 
précieuse qu’elle est entre les mains du plus menu peuple; que les 
personnes qui l’exercent ne s’y emploient que lorsque les travaux 
de la campagne sont absolument interdits par la rigueur du temps. 
La majeure partie de ces blondes et dentelles sont portées au Puy- 
en-Velay dont les commercants les envoient à l'étranger, en Amé- 
rique, à la Véra-Cruz, à la Martinique. On ne connaît qu'un vice 
dans cette classe de fabrication qui lui soit préjudiciable et auquel 
il soit nécessaire de remédier. 

« Les marchands qui font fabriquer se débauchent entre eux les 
ouvrières et, à cet égard, la police générale des manufactures pres- 
crit les règles qui devraient être observées; c’est-à-dire qu’une 
ouvrière ne puisse travailler pour un autre fabricant quelconque 
qu'après en avoir obtenu un congé, par écrit, et qu'également un 


8 PROCÈS-VERBAUX 


fabricant ne puisse occuper une ouvrière qui ne lui apportera puinl 
congé de celui qui l'a occupée antérieurement sous les peines 
portées par les règlements de la police générale des arts et métiers. 

« Jusqu'à présent, on ne pense pas qu’il soit besoin de mettre 
d’autres règles pour soutenir le commerce; mais il a un besoin 
essentiel du secours du Conseil pour lui procurer des dessins, et ce 
serait, pour ces genres d'industrie, un encouragement dont les faits 
produiraient les effets les plus avantageux; en moins de deux ans, 
ce commerce aurait changé de face. 


« L'Inspecteur des manufactures, 
« JUBIÉ !. » 


M. Lascombe donne également lecture de la notice suivante de 
M. Germain Martin, sur le remarquable travail d’un de nos con- 
frères, M. Noël Thiollier, qui, à sa sortie de l’école Nationale des 
Chartes, a soutenu une thèse sur les églises romanes du Velay, 
thèse qui a été classée avec le numér'o 1. 


« MESSIEURS, 


« Les lundi 27 janvier et mardi 28 janvier, avait lieu, à l'école 
nationale des Chartes, la soutenance des thèses de l’année. Je tiens à 
vous signaler celle qui a été jugée la meilleure par le jury d'examen 
et particulièrement par deux savants très compétents : MM. de 
Lasteyrie et M. Lefèvre Pontalis. Je viens appeler votre attention 
sur ce travail, non point tant parce qu'il a été classé le premier, 
mais parce qu'il vous intéresse très particulièrement et ce, pour 
deux raisons. 

« L'auteur est un de vos membres, M. Noël Thiollier. Et d’ailleurs 
les ouvrages de son père, M. F. Thiollier ont vivement intéressé plu- 
sieurs esprits délicats de votre sociélé. Vous me permettrez donc de 
vous donner un aperçu sur le travail du fils. 

« La seconde raison, qui doit attirer votre attention vers celle 
thèse, c'est qu'elle contient une étude sur le Velay. Or, toute œuvre 
qui a pour but de faire connaître notre petite patrie, vous plaît. 

« L'ouvrage de M. Thiollier a pour titre : Étude sur l'architecture 
religieuse à l'époque romane dans l’ancien diocèse du Puy. Une 
pareille élude, où il faut décrire avec soin chaque monument, 
impose à sun auteur de grandes difficultés de composition. Il est très 


1. Archives départementales du Puy-de-Dôme. Série C 450. 


DES SÉANCES 9 


ardu d’avoir un plan suivi; mais ce n’est pas impossible. M. Thiollier 
a su nous le montrer. il à su comprendre que toute œuvre, pour être 
bien goûtée, doit être illustrée par des aperçus qui lui donnent de 
la clarté et la complètent. Voilà pourquoi M. Thiollier, au début de 
son travail sur les monuments de l’ancien diocèse du Puy, nous 
décrit les limites et divisions de ce diocèse, au moyen du plus 
ancien pouillé connu : celui dressé en 1516 pour la levée des décimes 
et conservé aux Archives nationales. | 

« Cet aperçu, précédé d'indications bibliographiques, est suivi de 
sept chapitres qui nous donnent des idées générales et nettes sur 
l'ensemble des monuments de notre région. Dans le premier cha- 
pitre, nous avons une chronologie des édifices étudiés. Nous appre- 
a0ns que le Velay n’a presque plus rien des monuments antérieurs 
à l’an mil! Les édifices à date certaine sont peu nombreux; sauf, les 
églises du Monastier, de Doue et deux ou trois chapelles, il est 
impossible de donner les époques certaines de la construction des 
autres monuments. 

« Le chapitre second nous décrit les matériaux et le genre d’appa- 
reil employé par les constructeurs. Notre pays volcanique leur a 
donné le tuf et la brèche. Aussi les ont-ils mis en œuvre souvent, 
faisant un rare usage du granit. M. Thiollier signale les églises à 
aspect extérieur polychrome du Puy, du Monastier et de Saint- 
Paulien, qui sont d’ailleurs les seules à avoir cette mosaïque. 

«Le chapitre III nous donne une idée des différents plans qui 
ont présidé à la construction des églises de notre région. L’ordon- 
nance intérieure (voûtes, arcs, piliers el supports), l'ordonnance 
extérieure (façades, absides, nefs et bas-côtés, portes, fenêtres, 
clochers) sont décrites dans les chapitres IV et V. 

« Voici dans les chapitres VI et VII des aperçus de détails de cons- 
lructions sur les corniches, les profils des arcs, les bases, les 
colonnes, les tailloirs, la description de l’ornementation et du mobi- 
lier. Sculpture, peintures, fonts baplismaux, autels, bénitiers, y sont 
étudiés avec une grande exactitude. 

« Suit la conclusion sur laquelle nous allons revenir. 

« L’appendice contient les monographies des églises romanes, par 
ordre alphabétique; des plans, coupes, photographies, dessins, 
documents écrits, le tout servant de pièces justificatives. 

« M. Thiollier doit être félicité d’avoir rejeté ainsi à la fin de son 
travail les matériaux nombreux qui-lui ont servi à édifier son élude. 
Il a su éviter ainsi la diffusion, le manque de plan et de méthode. 
C'est là un réel mérite. 

« Revenons à la conclusion. 


10 PROCÈS-VERBAUX 


« M. Thiollier, dit : « Il n'y a pas eu en Velay d'école indépendanle 
« d'architecture. 

«Les monuments de la province n’appartliennent à aucune des 
« grandes écoles contemporaines. C’est à tort que Mallay les a atlri- 
« bués à l’école auvergnate ; les éléments caractéristiques du style 
« auvergnat manquent dans les édifices du Veiay. Il y a eu simple- 
« ment des influences auvergnates, comme il y a eu des influences 
« poilevines et des influences bourguignonnes (ces dernières par suite 
« des relations entre le Monastier et Cluuy). Et, s’il fallait rattacher 
« les églises du Velay à une école déterminée, c'est celle de Provence 
« qu'il faudrait signaler. » EL cette conclusion se trouve justifiée par 
l'histoire du Velay. Le Puy et sa province subirent, en effet, pour 
deux raisons, les influences du Midi. Et d'abord, les nombreux pèle- 
rins venant du Sud de la France, au sanctuaire de Notre-Dame, r 
apportaient leurs goûts, leurs mœurs, leurs arts. 

« En outre, comme on peut s’en assurer par des documents nom- 
breux, les relations furent multiples entre Le Puy et Beaucaire el 
toute la Provence. Et, d’ailleurs, les pièces relatives à l’histoire du 
Velay ne se retrouvenl-elles pas pour la plupart dans les dépôts du 
Midi? Nous sommes heureux de constater que l'observation archéo- 
logique de M. Thiollier coïncide avec les données de l’histoire du 
Velay. 

« Les éloges décernés à M. Thiollier, lors de sa soutenance de 
thèse, nous permettent de dire que, désormais, l'étude des monu- 
ments romans de notre région n’est plus à faire. Beaucoup de 
légendes auront vécu. Le temple de Diane ne sera plus qu'une 
chapelle romane, d’ailleurs fort intéressante el surtout très origi- 
nale; quelques édifices, classés par des esprits imprudents et igno- 
rants parmi les monuments romains, ne seront plus que des travaux 
du xie ou du xrie siècle. 

« Mais nous devons êlre reconnaissants à M. Thiollier d’avoir su 
nous apporter la lumière de la vérité sur les églises romanes de notre 
région. 

« Celte étude est si claire, si bien ordonnée, que notre vœu le plus 
sincère est de la voir imprimée, afin que les esprits éclairés, qui 
aiment notre pays et son passé, puissent occuper quelques instanis 
agréables et utiles dans une lecture qui leur apprendra quand el 
comment ont travaillé ceux qui furent leurs pères. » 

À propos d'une roche grenatifère des environs de Pradelles, M. de 
Brun lit la note suivante : 

« À 300 mètres au-dessous de Pradelles, la nouvelle route de 
Saint-Haon coupe, à l'endroit où elle traverse le pelil ruisseau de 


DES SÉANCES 11 


Mazigon, un massif de gneiss exploité de temps à autre comme 
pierres de taille. Il est sillonné de nombreux filons de quartz con- 
leuant fréquemment les cristaux nets et enfumés de cette subslance, 
mais d’un petit volume, car ils ne dépassent guère 2 à 3 centimètres 
de longueur d’arête. 

« La roche que je tiens à signaler à l’attention des minéralogistes 
de la Société, est une pegmatite schistoïde constituée normalement, 
c'est-à-dire composée de feldspath orthose en masse et de petits 
grains de quartz translucide. Elle forme un amas très volumineux 
daus le gneiss et doit avoir la même origine que ce dernier, dont 
elle ne diffère, du reste, que par l'absence complète du mica. 

« Cette pegmatite est remarquable par la grande abondance du 
grenat almandin qui s’y présente sous trois aspects : 

« 1° En petites masses granulaires n'ayant pas plus de 4 à 5 centi- 
mètres de diamètre el offrant l’aspect de la limbillite des basaltes du 
Coupet : 

« 20 En pelits rognons lamellaires à clivage facile ; 

«a Ces deux aspects sont les plus fréquents. 

« 3° En cristaux assez volumineux et paraissant être des dodé- 
caèdres rhomboïdaux, avec modifications diverses. 

« Ces grenats n’ont pas la transparence et la couleur rouge gro- 
seille de ceux si remarquables de Fix. Leur teinte est ARRAERER 
brunâtre et leur opacité complète. 

« Toujours inclus dans les masses granulaires ou lamellaires de 
grenat, apparaît parfois un minéral vert, rarement cristallisé, dont 
les plans de clivages me paraissent être les mêmes que ceux de 
l'almandin, dont il n’est peut-être qu’une variété. L'analyse serait 
nécessaire pour le déterminer exactement. 

« Cette même pegmatile renferme encore de la tourmaline acicu- 
laire ; cette substance se trouve cependant plus abondamment sur la 
même route à la carrière du pont du Chassidan, où l’on peut en 
‘ recueillir des blocs volumineux. 

« Je signalerai, enfin, non loin de la pegmatite à grenats, une roche 
composée uniquement de mica, mais à larges bases hexagonales de 
feldspath orthose. C’est l’hyalomicte dont la présence a été déjà 
signalée par Pascal, non loiu de Blavozy, el à Saint-Privat-d’Allier. 

À la suite d’un rapport de M. Lascombe, la Sogiété vole l'impression 
dans ses Mémoires d’une notice historique sur les Dominicains de 
Pradelles, qui a pour auteur: M. Mosnier:, instituteur à Monistrol-sur- 
Loire. 

M. de Brun signale la découverte d'ossements fossiles à Mariols, 
commune de Beaulieu. Ce dépôt, enfoui dans un terrain volcanique, 


12 PROCÈS-VERBAUX 


ne parait pas très ancien. Les débris fossilifères ne présentent pas 
de caractères assez nets pour essayer de les classer. C'est sur les 
indications fournies à l'un des membres de la Société par M. Ligonie, 
instituteur à Beaulieu, que M. de Brun a pu étudier le gisement de. 
Mariols. | 

La découverte à Vergonges, commune de Saint-Jean-de-Nay, et à 
Changeac, près Vorey, de tombes anciennes, est, de la part de 
M. Lascombe, l’objet de la communication qui suit : 

« M. l'abbé Achard, curé de Loudes, a découvert dans un champ 
situé à 200 mètres environ du village de Vergonges, commune de 
Saint-Jean-de-Nay, un sarcophage formé de deux pièces juxtaposées 
et mesurant 1" 75 de longueur, 0" 70 dans sa plus grande largeur, 
et Or 40 à sa base. 

« À sa partie supérieure, ce sarcophage, en arkose de Blavozy, 
présentait un évidement rectangulaire où s’emboîitait la tête du mort 
et contenait des ossements presque réduits à l'élat de poussière. Son 
couvercle en brèche volcanique avait O0" 10 d'épaisseur. 

« D'autres sarcophages sont enfouis dans ce champ funéraire. À 
côté de celui dont nous venons de parler, se voit une pierre, à fron- 
ton triangulaire, ayant les dimensions suivantes : 

« Épaisseur, On 95 ; 

« Largeur, O“ 40; 

« Hauteur, O0" 70. 

« Cette pierre, en brèche volcanique scoriacée repose sur un socle 
de 0" 53 de largeur et porte en son inilieu et dans l’intérieur du 
fronton un évidement destiné à recevoir sur une plaque de marbre, 
une inscription qui a disparu. 

« Tout porte à croire que ce champ, semé de débris antiques el 
notamment de tuiles romaines à rebords, a été primitivement un 
cimetière gallo-romain utilisé plus lard par les chrétiens pour 
J'inhumation de leurs morts. | 

« À proximité d’une carrière de pierres qu'il fait exploiter au- 
dessus du village de Changeac, près Vorey, M. Démézis, entrepraneur 
. de travaux publics, a découvert deux sépultures très anciennes, dans 
lesquelles gisaient des ossements humains, presque à l’état de 
poussière. 

« Situées sur un monticule qui domine Changeac, ces tombes sont 
analogues à celles trouvées à Cheyrac, commune de Saint-Vincent, 
et signalées par nous dans le tome IV des Mémoires de notre So- 
ciété. | 

« De larges dalles trachytiques (vulgairement appelées lauzes\, 
recouvraient ces tombes creusées dans le roc. 


DES SÉANCES 13 


« Aucun objet n’a été trouvé dans ce champ d’inhumation dont 
l'origine esl, sans doute, antérieure à l'époque gallo-romaine. » 

Au nom du Conseil d'administration, M. Hedde donne lecture du 
rapport sur la situation financière de la Société en 1895. | 

L'examen de la comptabilité, présentée par M. le trésorier, 
démontre que la situation financière de la Société est toujours excel- 
lente, les écritures exactes, en très bon ordre et appuyées de toutes 
pièces justificatives nécessaires. 

Le budget de 1895 offre une légère augmentation de ressources, ce 
_ qui a permis d'augmenter certains articles de dépenses ; néanmoins, 
l'actif n’a pas diminué et se trouve même accru d'environ 800 francs. 

M. le Président propose en conséquence l'approbation des comptes 
de M. le trésorier, motion qui est adoptée. 

Sur la proposition de M. Hérisson, l’assemblée décide également 
que désormais toutes les recettes et les dépenses relatives aux con- 
cours seront opérées par les soins de M. le trésorier de la Société, 
pour tout ce qui concerne notre Société. 

Le prochain concours d'animaux gras est fixé au 24 mars. Dans 
une réunion préalable à la distribution des récompenses, on sou- 
mettra aux exposants la question de fixer l’époque ultérieure de ce 
concours. Sur la demande de M. Hérisson, il est décidé que, dès à 
présent, il sera formé deux sections différentes, l’une pour les 
vaches, l’autre pour les génisses. 

Les membres du jury désignés sont : 

MM. D: Morel, Alfred Boyer, conseiller général, Chaudier, Carle 
Béraud, Gire Jules, Hérisson, Jacotin, Habriat, Hilaire, Pascal Régis, 
Édouard Gazanion, Valléry-Michel, Vialla. 

M. Hérisson donne quelques détails sur la préparation du Herd- 
Book. Dans les autres départements, la commission, chargée de ce 
soin, a obtenu l'investiture préfectorale ; de plus, les Conseils géné- 
raux ont facilité sa tâche par l'octroi de subventions. 

Plusieurs membres donnent des renseignements sur la coloration 
artificielle des lentilles et souhaitent que des mesures soient prises 
Pour empêcher cetle falsification, qui est de nature à causer le plus 
£ærand préjudice à cette branche importante de notre commerce 
lepcal. 

M. le président transmet à l'assemblée la demande qui lui a été 
Yaile en faveur de la cavalcade de charité qui doit avoir lieu le 
%5 mars, l'assemblée accorde une souscription de 200 francs. 


L'un des secrétaires. 
PH. HELLE, 


14 PROCÈS-VERBAUX 


SÉANCE DU 5 MARS 18%. 


QE ES 


PRÉSIDENCE DE M. LouUIS GUEYFFIER. 


Présents : MM. de Brun, de Cailleux, Espenel, Ed. Gazanion, Guert- 
fier, Hedde, Hérisson, Lascombe, Leblond, Martin instituteur, Mé- 
nand, R. de Ribains, Sklénard, Valléry-Michel, Vazeille, Vialla, 
Vignon. 


Lecture est donnée du procès-verbal de la dernière séance, qui est 
adoplé. 

La correspondance contient une lettre préfectorale, signalant à 
notre Société un article de la Démocratie rurale sur les boucheries 
militaires. | 

M. Lascombe, au nom de notre collègue M. Mosnier, donne lecture 
des deux notices suivantes : 


LA FIN DE LA CARRIÈRE MILITAIRE DU GÉNÉRAL LAFAYETTE,. 


Au mois d'octobre 1797, finit pour Lafayette la dure captivité 
d'Olmulz ; mais les portes de la patrie ne furent ouvertes au grand 
citoyen qu'après le 18 brumaire (10 novembre 1799). 

Jeune encore, le général dut songer à mettre, une fois de plus, sa 
vaillante épée au service de son pays; mais il en fut découragé sans 
doute par celui qui présidait déjà souverainement aux destinées de 
la France. La gloire, la popularité du « héros des deux mondes », de 
l'ancien commandant général de la garde nationale parisienne, ne 
pouvaient manquer de porter ombrage au Premier Consul, ferme- 
ment résolu à exercer, sans contrôle, le pouvoir suprême. 

Aussi, sans espoir d'obtenir dans l’armée une réintégration hono- 
rable, notre illustre compatriote se décida-t-il à n'être plus soit à 
Chavaniac, soit à Lagrange, que le gentilhomme campagnard, le 
Cincinnatus moderne, qu’une lettre, reproduite par le journal La 
Haute-Loire, nous montrait naguère. 

Toutefois, le gouvernement des Consuls n’osa pas pousser l'ostra- 


TT ne 


Se ner pute 


DES SÉANCES 15 


cisme à ses dernières limites et laisser se retirer, sans au moins une : 


modeste pension, celui qui avait consacré à la France ou à la liberté 
américaine, les plus belles années de sa vie, à qui l'expédition 
d'Amérique ou la Révolution avaient coûté plus de 1,500,000 francs. 

Sur l'invitation qu'il en reçut, Lafayelte présenta, à cet effet, 
une demande au ministre de la guerre. Celui-ci, le futur maréchal 
prince de Neufchâtel et de Wagram, eut le courage, qui l’honore, 
d'appuyer cette demande dans des termes fort élogieux pour son 
auteur. Son rapport, que nous publions, en le faisant suivre de 
l'arrêté du Premier Consul, conforme à ses conclusions, est, croyons- 
nous, inédit. Nous l’avons exhumé du dossier du général Lafayette, 
conservé aux Archives nationales. 


Rapport aux Consuls par le ministre de la guerre, 23 germinal, 
an X (13 avril 1802). 


«Le général Lafayette demande à être admis à la solde de 
retraite. Il est entré au service en 1771, et y est resté sans interrup- 
lion jusqu’en août 1792. I] n’a donc pas les trente années de service 
exigées par la loi du 28 frimaire an VII, mais si la proscription le 
força de quitter le territoire français, si les services rendus à la 
Révolution le firent détenir plusieurs années dans les prisons de 
l'Autriche ; si enfin, quand il fut libre, le triomphe de ses ennemis 
l'empêcha d’être admis à se justifier dans sa patrie, doit-il perdre le 
fruit de vingt-trois années consacrées à une carrière que la force 
seule l'a contraint d’abandonuer ? 

« Les consuls penseront, sans doute, qu’un officier qui, en Amé- 
rique comme en Europe, combattit pour la cause de la liberté, ne 
cloit pas être privé des récompenses que la patrie accorde à ceux 
Qui ont consacré leur vie à sa défense. Je leur propose d’accorder au 

£zénéral Lafayette une solde de retraite qui sera fixée à 6,000 francs. 


« Signé : Alex. BERTHIER. » 


Les consuls de la République, une et indivisible, 
Sur le rapport du Ministre de la guerre, arrêtent : 


Art. 1. 


Le général Lafayelle jouira d’une solde de retraite qui sera fixée 
à 6,000 francs. 


SC Se , mme Sr un CUS CON RU gun ms Ce lee cmt pi futile 


16 PROCÈS-VERBAUX 


Art. 2. 


Le ministre de la guerre est chargé par nous de l'exécution du 
présent arrété. 
Le Premier Consul, 


# 


Signé : BONAPARTE. 


Ce fut la seule faveur, si toutefois l'on peut qualifier ainsi un 
simple acte de justice, que le gouvernement des Consuls, de même 
que ceux qui le suivirent, accordèrent au grand citoyen. Le général 
Lafayette mourut, sans avoir été décoré de l'ordre de la Légion 
d'honneur. Il ne dut qu'aux libres suffrages de ses concitoyens les 
distinctions qui, dans les dernières années de sa vie, l’arrachèrent à 
sa retraite : ses divers mandats de député, sa nomination, après 1830, 
au commandement des gardes nationales. 


RÉUNION A LA MANSE DU PRIEURÉ CONVENTUEL DE LAVAUDIEU DU 
PRIEURÉ DE TOULX. 12 DÉCEMBRE 1768. 


Le 19 février dernier, Maurice-César, prince de La Tour d’Au- 
vergne, duc de Bouillon, comte d’Apchier, terminait à Clermont, à 
l’âge de quatre-vingl-sept ans, une existence bien modeste et souvent 
traversée par le malheur. 

Il était fils de Godefroy-Marie Joseph, prince de La Tour d’Au- 
vergne, qui, après avoir commandé le régiment de cavalerie de son 
nom, créé pour lui par décret du 29 septembre 1810, finit ses jours 
dans sa propriété de la Margeride et fut inhumé à Védrines-Saint- 
Loup. 

Après avoirembrassé la carrière des armes où beaucoup de ses 
ancêtres s'étaient illustrés, le dernier des La tour d'Auvergne quitta 
brusquement le service vers 1855, à la suite d’infortunes imméri- 
tées. 11 se retira alors dans le petit manoir de La Tourrete, pitto- 
resquement situé dans la vallée de la Senouire, commune de Josat, 
près Paulhaguet. Il y vécut en philosophe, sans bruit et sans faste, 
faisant le plus de bien possible, estimé de toutes les populations 
environnantes. | 

Nul n'eut soupçonné en lui, en présence de la simplicité de ses 
allures, le représentant direct du premier roi de Jérusalem, l'arrière 
neveu du grand Turenne. 

L'âge venu, le prince avait dû renoncer à sa retraite par trop 
agreste de La Tourelte et était venu fixer son séjour à Clermont- 


DES SÉANCES 17 


Ferrand, où il s’est éteint, conservant jusqu’au bout, malgré son 
grand âge, la plénitude de ses facultés revivant dans des souvenirs 
glorieux. 

La disparition de ce monde du dernier des La Tour d'Auvergne 
donnera quelque actualité au document suivant, où il est vraisembla- 
blement question de son grand-père, et qui a trait à l’histoire du 
monastère des chanoïinesses nobles de Lavaudieu, près Brioude, dont 
le pelit cloitre du xne siècle, parvenu jusqu’à nous sans des mutila- 
lious trop graves, est si apprécié des archéologues. 

En 1768, comme on va le voir, les chanoinesses de Lavaudieu, 
pour augmenter leurs maigres prébendes, résolurent de réunir à 
leur manse conventuelle le prieuré qu’elles possédaient à Toulx, 
près Saint-Flour. 

Elles adressèrent, dans ce but, au seigneur haut justicier dont 
relevait ce prieuré, pour solliciter son agrément à cette réunion, 
l'humble requête suivante : 


« À M. le comte de Latour-d'Auvergne, 


« Supplient humblement les religieuses composant la commu- 
paulé du prieuré conventuel de Lavaudieu !, ordre de Saint-Benoît, 
diocèse de Saint-Flour et vous exposent que chacune d'elles ne retire 
annuellement de sa prébende, que 150 livres. 

« Îlest manifeste, Monsieur, que ce revenu ne suffit pas à des 
filles de condition pour leur subsistance et pour nourrir etgager une 
domestique, que chacune d’elles est obligée de se procurer sur ce 
modesle revenu. 

« La nécessité d'augmenter la dotalion de leur prébende est donc 
évidente. I1 y a longtemps que les suppliantes en cherchent les 
moyens. La Providence leur en offre un bien légitime, par la voie de 
la réunion du prieuré de Toulx à leur manse conventuelle et à leur 
prébende. Ce prieuré, situé dans ia paroisse de Coltines, même dio- 
cèse de Saint-Flour, est une ancienne dépendance du monastère de 
Lavaudieu et de la pleine collation de la dame prieure dudit monas- 
ère, qui en est, en même temps, titulaire depuis quelques années. 

« Les suppliantes ayant entendu dire, Monsieur, et ayant quelque 
lieu de présumer que vos illustre ancêtres, les comtes d'Auvergne, 
élaient les bienfaiteurs dudit prieuré de Toulx et avaient contribué 
à sa dotation, elles croiraient manquer au devoir de la reconnais- 
sance si elles entreprenaient de faire procéder à la suppression du 


1. Aujourd’hui chef-lieu de commune du canton de Brioude. ’ 


29 


18 PROCÈS-VERBAUX 


litre dudit prieuré, et à l'union de ses biens et revenus à leur manse, 
sans préalablement vous avoir fait part du projet, et sans avoir 
obtenu votre agrément, à ce qu'il vous plaise, Monsieur, de consentir, 
en tant que besoin, à la suppression du titre du prieuré simple de 
Toulx et à l'union des biens el revenus en dépendant, à la manse 
conventuelle et aux prébendes des suppliantes, pour leur servir de 
supplément de dotation, sous la réserve des droits honoraires dudit 
prieuré de Toulx, au profit de la dame de Guérin de Lugeac, 
prieure actuelle de Lavaudieu et des dames qui lui succéderont 
dans ce prieuré. Les suppliantes continueront leurs prières à Dieu 
pour votre conservation, Monsieur, et pour celle de votre illustre 
famille. » 

La réponse du comte de La Tour d'Auvergne ne se fit pas 
attendre : 

« Nous, comte de La Tour d'Auvergne et d'Apchier, etc., après 
avoir pris connaissance du présent mémoire, qui nous a élé pré- 
senté ce jour par les dames relisieuses composant la communaulé 
du prieuré conventuel de Lavaudieu, ordre de Saint-Benoît, diocèse 
de Saint-Flour, à ce qu’il nous plaise de leur donner notre consenle- 
ment de réunion du prieuré de Toulx à leur manse conventuelle el 
à leurs prébendes, pour suppléer à la modicité de leur revenu actuel, 
désirant répondre au vœu de la dite communauté de Lavaudieu el 
contribuer à lui procurer un état plus digne de son établissement, 
avons consenti et, par ces présentes, consentons que le prieuré de 
Toulx soit, sous le bon plaisir de Sa Majesté, réuni à la manse con- 
ventuelle de la dite communauté, et que son revenu serve à aug- 
menter la dotation des prébendes des dites religieuses, et qu’elles en 
jouissent à l’avenir à titre de réunion consentie de notre part pour 
l'utilité et le soutien de la dite communauté. | 

« Donné en notre hôtel à Paris, le 12 décembre 1768. 


« Signé : LATOUR D'AUVERGNE D'APCHIER. » 


(Archives nationales R. 148.) 


M. le Président charge M. Lascombe de transmettre à M. Mosüier 
les remerciements de l'assemblée pour ses intéressantes commu- 
nicalions. 

M. Lascombe fail part de la découverte à Chosson, dans une vigne 
de M. Bergerot, de monnaies de billon, frappées sous Charles VI, de 
1380 à 1422. Elles portent au drort les armes de France, c’est-à-dire 
trois fleurs de lis avec la légende Aarolus Francorum rex, au revers 
une croix cantonnée de fleurs de lis, accompagnée d’une légende illi- 


DES SÉANCES 19 


sible. Ces pièces, au nombre de 383, étaient contenues dans un sac 
en cuir en très mauvais état. 

M. de Cailleux fait part du projet actuellement à l’élude d'une 
école de laiterie dans notre département, utile création en faveur de 
laquelle il sollicite l'appui et le concours de notre Société. 


Historique et avantages de cette création. — Celle question a été 
Soulevée à la session d’août 1892 du Conseil général. D’après les cal- 
culs de M. Hérisson, la production annuelle du beurre est d’envtron 
8 millions de kilos. Si l’on obtient une plus-value de 0 fr. 50 par kilo, 
par suile d’une meilleur'e fabrication, le bénéfice serait de 1 million 
300,000 francs, sans parler de la vente des fromages. 

Sur la demande du Conseil général, M. Friant, directeur de l’École 
de laiterie de Poligny, a été envoyé par M. le ministre de l’agri- 
cullure pour étudier la question. 

1l a été d’abord arrêté que l’on devra:t rechercher un concession- 
paire offrant gratuitement sa propriété el s'engageant à faire traiter 
chaque jour par les élèves au moins 400 litres de lait. Il fournirait le 
logement et la nourriture au ménage chargé d'enseigner et aux huit 
élèves. Il recevrait en retour huit bourses à 400 francs et le prix de 
peusion des élèves payants, ainsi que les bénéfices de l'exploitation. 


Local nécessaire. — Le bâtiment devrait étre contigu à une ferme 
el comprendre : 1° deux caves en sous-sol; 2° au moins cinq pièces 
au rez-de-chaussée pour la fabrication, 3° à l'étage, quatre ou cinq 
Pièces pour le personnel. De plus une eau de source suffisante pour 
les besoins, et des étables où les élèves apprendront à soigner le 
bélail, ainsi que l’utilisation des résidus. 

M. de Cailleux estime que les 100 kilos de lait rendront en moyenne 
% francs, soit par la fabrication du beurre etdu Camembert, soit par 
celle du beurre et du Roquefort. 

Îl faudrait par suite que le concessionnaire ne payàt pas le lait au- 
delà de 15 centimes le litre, ce qui amène à établir l’école en dehors 
du rayon des villes, où le lait atteint un prix supérieur. 

Plusieurs demandes de concessions ont déjà été faites : M. Friant, 
doit venir le mois pr'ochain visiter les propriétés offertes. Le Conseil 
général statuera ensuite. 

Admission à l'école. — L'école devrait recevoir annuellement et 
en deux séries seize jeunes filles de seize à vingt-huit ans, titulaires 
de bourses de 200 francs pour six mois. Un prix supérieur pourra 
élre demandé pour les élèves payantes ou les boursières du dehors. 


20  . PROCÈS-VERBAUX 


La durée des cours serait de six mois; les élèves ne seront admises 
qu'après examen. Une école analogue, fondée dans la Lozère, prend 
alternativement des garçons et des jeunes filles. 


Votes et moyens. — M. de Cailleux, après avoir établi le prix du 
matériel qui sera au minimum de 2,500 francs pour un traitemenl 
journalier de 400 litres de lait, ainsi que le budget annuel qui dépas- 
sera 5,000 france, estime que l'État et le département pourraient 
partager cette dépense, surtout si la Société agricole et scientifique 
de la Haute-Loire, ainsi que le Syndicat agricole, témoignaient de 
leur sympathie en faveur de cetle création; il propose à cet eñet le 
vote d’une bourse, soit 400 francs par an. 

M. le Président, après avoir remercié M. de Cailleux pour celle 
intéressante communication, appuie la proposition qui vient d'être 
faite et met aux voix l’adoplion en principe d’une école de laiterie 
pour notre département. L'assemblée adopte cette proposition el 
renvoie à la prochaine séance la décision à prendre sur le chiffre de 
l'allocation qu'elle fournira. : 

M. Hedde, au nom de la Commission désignée à cet effet, rend 
compte que les membres de cette commission, après avoir pris con- 
uaissance des divers documents envoyés par l’Association de l’Indus- 
trie et de l’Agriculture francaise, sont d'avis que notre sociélé, en 
vue de défendre les intérêts agricoles, doit adhérer complètement au 
vœu dont il donne lecture, relativement aux projets de loi, concer- 
nant : 1° l’assurance contre les accidents du travail: 2° la réforme 
du régime fiscal des successions; 3° la revision des patenles, 
4 l'impôt global et progressif sur le revenu, et transmettre commu- 
nication de cette adhésion à M. Méline, président de cette Association, 
l'ardent et dévoué défenseur de l’agriculture française. 

L'assemblée consultée adopte cette proposition. 

M. Hérisson informe l'assemblée des dispositions qu'il a prises 
pour le concours d'animaux gras qui doit avoir lieu le 24 de ce mois. 
Le total des primes ou médailles à distribuer se monte à 1,725 francs, 
par suite de l'allocation ministérielle qui a été portée à 525 francs. 

M. Vialla propose que des photographies soient prises des plus 
beaux sujels du concours : ces animaux pourraient être inscrits, en 
vue de la formation du Herd-Book. L'assemblée consullée adopte 
celte proposilion. 5 

Il est ensuite procédé au vote sur l’admission des candidats pré- 
sentés à la dernière séance : 

MM. Auguste Canard et le frère Triouleyre sont élus membres 
litulaires de la Société. 


DES SÉANCES e1 


Il sera procédé à la prochaine séance sur l'admission de 
M. Domond, négociant, présenté par MM. Gatillon et Valléry-Michel, 
et de M. Ferret Deschamps, propriétaire des eaux de Margeaix, pré- 
senté par MM. Vialla et Lascombe. 

A la suite d’une communication faile par M. Chas, de Polignac, 
qui propose la destruction des bruches par l'emploi du jus de tabac 
(voir le Républicain de la Haute-Loire du 22 février dernier), une 
conversation contradictoire s'engage entre plusieurs membres sur 
ce sujet, dont la solution ne paraît pas encore complète. 


L'un des secrétaires, 
Pa. HEDDE. 


SÉANCE DU 9 AVRIL 1896. 


PRÉSIDENCE DE M. LOUIS GUEYFFIER. 


Présents : MM. Antier, Boyer avocat, Boyer (Joseph), de Brun, 
Canard, Dr Coiffier, Dreyfus, Espenel, Gazanion, Louis Gueyfer, 
Hérisson, Lascombe, Richard de Ribains, Rocher, Valléry-Michel et 
Vazeilles. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

MM. Philippe Hedde et Triouleyre s’excusent par lettre de ne pou- 
voir assister à la séance. 

M. le président communique deux lettres de MM. Canard et Triou- 
leyre adressant à la Société des remerciements pour leur admission. 

MM. Domond, négociant au Puy, et Ferret-Déchamps, sont pro- 
clamés membres titulaires de la Société. 

MM. Blanc-Marthory et Lascombe présentent comme membre titu- 
laire, M. Vayssié, archiviste municipal de la ville du Puy. 

À propos de la destruction sur place du microbe du croup, M. le 
D' Coiffier donne lecture de la note suivante : 

« Notre célèbre compatriote, M. le D' Roux, de l’Institut Pasteur, 
— je dis « notre compatriote » parce que les nombreuses années 


2e PROCÈS-VERBAUX 

passées au Lycée du Puy lui ont pleinement acquis droit de cité dans 
notre ville, — a proposé un réactif extrêmement puissant pour colo- 
rer iuslantanément le microbe Loetiler, microbe auquel sont dues, 
au dire de tous les micrographes, les angines diphtéritiques. 

«Il se sert d’une solution, dite Bleu de Roux, composée, à pro- 
portions bien déterminées, de violet de dahlia, de vert de méthyle, 
d'alcool à 90 degrés et d’eau distillée. 

« Quelques gouttes de ce mélange, — versées sur une lamelle de 
verre où se trouve un lambeau de fausse membrane et laissées une 
miaule en contact avec celui-ci, suffisent pour colorer en bleu tous 
les bacilles diphtéritiques. Ceux-ci au microscope, à un grossisse- 
ment de 1,500 diamètres, apparaissent sous forme de petits bâtonnets 
droits, immobiles, de 8 à 10 millièmes de millimètres de long, d'un 
demi-millième de large, semblent gonflés, infiltrés de matière colo- 
rante el tranchent, par leur teinte d'un bleu intense, sur le fond pâle 
et incolore de la préparation. On croirait qu'ils ont seuls absorbé le 
bleu de Roux, qu'ils s’en sont imprégnés, gorgés à saturation et que 
tout leur être s'est uni, d’une facon intime et molécule à molécule, 
avec le colorant. 

« Un point, qu’à uotre connaissance, l’on n’a pas du tout mis en 
relief, et qui, pourtant, semble-t-il, a bien son importance, est qu'en 
même temps qu'ils s'imprègnent du bleu de Roux les microbes de 
Loettler paraissent mourir etne présentent bientôt plus aucune trace 
de vilalilé. 

« Qu'on choisisse, sous le champ du microscope, trois ou qualre 
bacilles colorés en bleu, bien isolés les uns des autres el faciles à 
observer : qu'on les étudie chaque jour pendant quinze jours ou un 
mois, on ne les voit ni changer de forme, ni se multiplier, ni se 
déplacer, ni grossir, ni s’allonger en aucune façon : qu'on prenne 
lous les jours leurs dimensions au micromètre, on ne constate pas le 
moindre allongement, le moindre grossissement ; ils sont figés sur 
place, pétrifiés en quelque sorte, en tous cas, d’une fixité absolue, 
immuable. L'expérience est facile à faire et nous du vive- 
ment nos collègues à la répéter. 

« Qu'on prenne quelques-uns de ces bacilles colorés en bleu, qu'ou 
les ensemence dans un lube à sérum artificiel, en suivant exacle- 
ment le procédé si bien décrit par un autre de nos compatriotes, le 
D° Martin, et qu’on mette, pendant quarante-huit heures, à l’étuve à 
37 degrés. Au bout de ce temps, on ne voit apparaitre, à la surfac? 
du sérum, aucune colonie diphtéritique, aucune de ces taches blan- 
ches, rondes, à contours réguliers, légèrement saillants, et qui sont. 
d’après tous les auteurs, la caractéristique de la présence du bacille 


DES SÉANCES 23 


de Loeftler : le microscope, armé de ses plus forts grossissements, 
ne révèle non plus la présence d’aucun bacille nouveau. Nous 
avous renouvelé ces essais bou nombre de fois déjà et toujours avec 
un résultat absolument négatif. 

« Mais si le bleu de Roux tue instantanément les microbes de la 
diphtérie, comme, d'autre part, il est avéré qu’il n’est lui-même ni 
caustique. ni toxique, qu’il est absolument inoffensif pour tous les 
lissus humains avec lesquels on peut le mettre en contact, il est évi- 
demment une conclusion pratique qui s'impose : c’est qu'on peut 
l'essayer pour détruire sur place le microbe du croup, dès que 
celui-ci paraît. C’est en me basant sur ces données purement théo- 
riques que je me suis cru, Messieurs, autorisé à pouvoir l’employer, 
à litre d'essai, sur l’homme. 

« Ma première observation a trait à un petit garçon de quatorze 
ans, robuste et vigoureux, qui est pris, certaine nuit, d’un mal à la 
gorge violent. Le lendemain à 7 heures, toute l’amygdale gauche se 
trouve tapissée d’une fausse membrane que l'examen microscopique 
démontre être remplie de bacilles de Loeffler : les ganglions sous- 
maxillaires sont fortement engorgés et la température est au-dessus 
de 40 degrés. Je lui badigeonne immédiatement loute l’arrière-gorge 
au bleu de Roux. prêt à lui faire une injection de sérum au moindre 
signe d’un danger quelconque. A midi, la fausse membrane, loin 
d'envahir les parties environnantes, s’est détachée de l’amygdale et 
la température est tombée à 38 degrés. Le soir, même état. Le !len- 
demain l'enfant est gai, dil n'éprouver aucun malaise, a l’arrière- 
gorge fortement teintée par le colorant, mais sans fausses mem- 
branes : la température est redevenue normale. À partir de ce 
moment, la guérison ne s’est pas démentie. 

« Mes deux autres observations, l’une sur un petit garçon de trois 
ans. l’autre sur une petile fille de sept mois, sont presque absolu- 
ment semblables. Des fausses membranes, diphtéritiques de par le 
microscope, apparaissent dans le fond de la gorge, en s’accompa- 

goant de fièvre et d’engorgement ganglionnaire : on les badigeonne 
aussitôt et à plusieurs reprises au bleu de Roux; elles tombent, ne se 
reproduisent pas et les enfants reprennent, sans autres signes 
fâcheux, leur santé et leur gaïilé. 

« Ces observalfons, Messieurs, m'ont beaucoup frappé. Dans une 
carrière médicale déjà longue, j'ai eu l’occasion d'employer, — 
hélas! presque sans succès, — tous les médicaments vantés contre la 
diphtérie, depuis le nitrate d'argent jusqu’au sublimé, en passant par 
le phénol, les acides borique et salicylique, le perchlorure de fer, le 
soufre, le pétrole, le collal-vin de Gaucher, elc., etc. Aucun, je dois 


24 PROCÈS-VERBAUX 


l'avouer, ue m'a donné les mêmes résultats que le bleu de Roux qui, 
sans danger pour le malade, sans excorier la muqueuse, va saisir le 
microbe profondément, partout où il se trouve, s'acharne sur lui, le 
salure de matière colorante, l'annihile et le tue. 

«Rien ne peut remplacer évidemment, pour les cas de diphtérie 
laryngie, l'injection de sérum de Behring et Roux, mais dans les 
cas de diphtérie commencante el encore circonscrite aux amygdales 
et au pharynx et même dans les cas de croup doublés et concourant 
avec l'injection, l'emploi du bleu de Roux, en badigeonnages pha- 
ringés, me semble pleinement indiqué. 

« Le Dr Roux, résumant ses magnifiques travaux sur la diphtérie, 
synthétise ainsi le trailement actuel de cette terrible affection : 
1° injecter du sérum ; 2° badigeonner à fond le gosier des enfants à 
la glycérine salicylée. Me basant sur les observations que je viens de 
rapporter, je crois qu’il m'est permis de répondre à nolre illustre 
compatriote que si son injection de Sérum est, en effet, une décou- 
verte admirable, en retour j'estime qu’il est quelque chose de bien 
supérieur à sa glycérine salicylée, cette chose à laquelle il n’a pas 
pensé lui-même : c'est simplement, tout simplement, le bleu de 
Roux. » 

M. Lascombe rappelle la communication faite, à la séance du 
7 avril1892, sur la découverte, aux environs de Saugues, d’une plante 
rarissime, le Lysimachia thyrsiflora. Le Journal de botanique qui 
la mentiounait, vient, dans son numéro du 1 décembre 1895, de 
publier sous la plume de M. Ernest Malinvaud, secrétaire général de 
la Société botanique de France, une notice relative à cette plante et 
conçue en ces termes : 

«J'ai déjà signalé dans ce journal la découverte fort inattendue du 
Lysimachia thyrsiflora L. au pays de Saugues (Haute-Loire). Le 
sagace observateur auquel en revient le mérite, M. l'abbé Fabre, 
aujourd’hui aumônier à Croptes (Puy-de-Dôme), a bien voulu, quoique 
résidant dans un autre département, visiter à nouveau la contrée peu 
accessible où il avait trouvé celte rare espèce, afin de s'assurer si 
elle y élait toujours abondante et d’en étudier la distribution. On ne 
saurait trop remercier cet aimable confrère de l'enquête supplé- 
meutaire à laquelle il s'est si obligeamment livré et dont il m’a com- 
muniqué les résultats (avec de nombreux échantillens à l’appui) dans 
la lettre suivante : 

«Je suis heureux de vous transmettre les renseignements que vous 
« désirez. 

« Le Lysimachia thyrsiflora croit assez abondamment dans plu- 
« sieurs localités du pays de Saugues. De ces stations, la plus étendue 


Le 


DES SÉANCES 29 


«est celle de Saugues même, qui va du Moulin-Rodier jusqu'aux appar- 
« tenances de la Ribeyre : plus bas encore, au Luchadou, près de la 
« cascade, et plus haut, dans le terrain de Brangeirès, toujours dans 
«la même commune de Saugues, on trouve échelonnés sur la rive de 
« la Seuge des Lysimachia thyrsiflora. Enfin la commune de Cubelles 
« et celle de Grèzes-la-Clause en possèdent, la première une seule sta- 
« tion, celle-ci deux au moins, dont l’une m'a été indiquée par M. l'abbé 
« Rodda, lorsqu'il était vicaire dans cette paroisse. Je ne doute pas 
« qu'une exploration bien faite de Grèzes à la Margeride, sur le cours 
« de la Seuge et dans les mares bourbeuses qui donnent naissance à 
« cetle rivière, ne fasse découvrir d’autres sites où se complait la 
« plante qui nous occupe. 

« L'altitude des diverses localités ci-dessus mentionnées varie de 
« 850 à 1,200 mètres, et la distance entre les deux points les plus éloi- 
_«gnés l’un de l’autre doit être d'environ 10 à 14 kilomètres, selon qu’on 
« l'apprécie en ligne droite, ou en suivant les détours el les sinuosités 
« de la Seuge. 

« La station de Saugues est la plus étendue et aussi celle où l’on 
« trouve le plus grand nombre de pieds de Lysimachia thyrsiflora; 
« les tiges y sont plus hautes qu'ailleurs, mais en même temps plus 
« grêles, moins fortes et moins vigoureuses, à cause des prêles et des 
« tenaces Carex qui les enserrent et semblent vouloir les étouffer. 
« Leur floraison est plus difficile et moins hâtive, soit parce qu'elles 
« sont plus fréquemment victimes de la faux rapace du paysan ou de 
«la dent meurtrière des ruminants qui paissent sur ces bords, soit 
« encore à cause des gelées tardives, car, dans cette plage exposée au 
« vent du nord, l'hiver est fort long, les mauvais temps très persis- 
« anis el les belles journées courtes et rares. À Grèzes, au contraire, 
«bien qu’il y ait 200 mètres de plus d'altitude, par suite d'une meil- 
« leure exposition de la localité, le Lysimachia pousse dru et serré ; 
« ses tiges y sont plus courtes sans doule, mais plus vigoureuses et 
« mieux nourries, ses fleurs plus hâtives et plus belles, et ses thyrses 
« dorés plus largement épanouis. 

«Je ne crois pas qu’on rencontre cette plante en dehors du canlon 
« de Saugues. J'ai parcouru en aval les rives de l'Allier qui recoit 
« la Seuge et je n’ai rien trouvé. J'ai fouillé aussi les rives de l’Ance 
«et de la Verdiange, rivières voisines, et n'ai rien vu qui put faire 
« soupçonner sa présence. 

« Je suis convaincu que cette lysimaque est spontanée dans la con- 
« trée. Ce qui le prouve, c’est le nombre de sites où on la rencontre, 
« l'abondance des individus, leur parfaite acclimatation et surtout 


26 PROCÈS-VERBAUX 


« l'éloignement de tout jardin. si loutefois, dans ces pays déshérilés, 
« il est un coin de terre qui puisse porter ce nom. » 

« Pour nos lecleurs qui ne savent eu quelle partie du monde gil 
cette ville de Saugues, il n’est peut-être pas inutile d'apprendre que 
le pays de Saugues, modeste coin de terre perdu entre les gorge 
infranchissables de l'Allier, qui le séparent du Velay, et les Marge- 
rides, qui l’isolent de la Lozère, fut, en 1790, détaché du vieux Gévau- 
dan pour former avec le Velay et Brioude le département de la 
Haute-Loire. 

«Ces détails si précis complètent, dans une large mesure, les 
données sommaires publiées en 1891. Il ne s’agit plus d’un habitat ne 
dépassant pas un rayon de 100 mètres, mais d'une série de localités 
s'échelonnant sur plus de 10 kilomètres. Les origines d'une plante se 
présentant dans de telles conditions se dérobent sans doute dans les 
ténèbres du passé et la thèse d’une très ancienne naturalisation esl 
toujours défendable, parce que les opinions contradictoires qu'on 
- peut émellre à ce sujet ne s'appuient, les uues et les autres, que sur 
des probabilités. Toutefois l'indiwénal, non plus à proximité des 
frontières, mais au cœur même de notre pays, de la lysimaque à 
fleurs en thy1r'se esl aujourd’hui un fait incontestable, grâce à la belle 
découverte de M. l'abbé Fabre, el il ne serait plus permis à Grenier, 
après avoir éuuméré des localités hypothétiques, d'ajouter avec 
scepticisme, en terminant : « cette espèce est-elle bien française ? » 

M. Dreyfus présente aux membres de la Société des fragments de 
carbure de calcium, corps dont il est question actuellement dans 
toutes les revues savantes à propos de la préparalion du gaz acélr- 
lène doué d’un si grand pouvoir éclairant et auquel on prédit le plus 
brillant avenir. | 

Le carbure de calcium a élé oblenu pour la première fois par 
M. Moissan dans son four électrique lors de ses expériences mémo- 
rables sur la production de certains métaux et du diamant. Il fil 
passer, pour l'obtenir, un courant électrique extrêmement intense 
dans sou appareil, au travers d’un mélange de chaux et de carboue. 
Dans ces conditions, le calcium s'unissait au carbone pour douner du 
carbure de calcium pur et l'oxygène de la chaux se combinait à une 
autre portion de carbone avec production d'oxyde de carbone qui se 
dégageail. 

Le carbure ainsi obtenu se montre, comme les membres de la 
Société ont pu s'en convaincre, sous l’aspect d'une masse amorphe à 
cassure cristalline et de couleur grisàtre. Ce carbure de calcium jouil 
de la propriété très curieuse d’étre décomposable avec la plus grande 
facililé par l’eau à froid. 


DES SÉANCES 27 

M. Dreyfus a agréablement surpris la Société en montrant quele 
contact de l’eau et du carbure de calcium fournissait un dégagement 
extrêmement tumultueux de gaz acétylène brûlant avec une flamme 
fuligineuse due à un excès de carbone qui échappe à la combustion. 
Cette flamme devient extrêmement brillante par l'introduction dans 
sa masse d’un gaz inerte tel que l'azote ; son pouvoir éclairant vaul 
quinze fois celui du gaz d'éclairage, ce dont il est facile de se rendre 
compte approximativement en comparant la composition des deux 
gaz. La réaction qui se produit dans l'expérience signalée plus haut 
est facile à expliquer. Le carbone du carbure de calcium se combine 
à l'hydrogène de l’eau avec formation du gaz acétylène C*? H°? et Île 
calcium à l'oxygène avec production de chaux hydratée au contact 
de l'excès d’eau. 

Le gaz ainsi obtenu est connu depuis fort longtemps; sa synthèse 
a été effectuée par M. Berthelot en 1862 et on l’obtenait dans les 
laboratoires avant les expériences de M. Moissan, en produisant la 
combustion incomplète de toute une série de matières organiques ; 
mais aucune de ces préparations n'avait un caractère industriel et le 
prix de revient de l'acétylène ne permettait pas de songer à son 
utilisation pour l'éclairage. Il n'en est plus de même aujourd’hui : 
à pouvoir éclairant égal, le prix de l’acétylène esi trois fois plus 
petit que celui du gaz et on peut prévoir, sans être grand prophèle, 
des prix bien inférieurs encore. 

L'acétylène paraît donc avoir sa place marquée au premier rang 
dans cette queslion si importante de l'éclairage public et domestique. 
On signale du reste déjà l’apparition de bon nombre d'appareils 
permettant de produire l’acétylène avec facilité et de luliliser 
économiquement. 

M. Dreyfus, avant de terminer ces explications, met sous les yeux 
des membres, le dessin d'une lampe à acétylène de petites dimen- 
sions, portative LL très pratique, et il en explique le fonctionne- 
ment. 

La commission nommée pour l'étude des rayons Rœntgen et leur 
application immédiate aux besoins médicaux a, par l'organe d’un de 
ses membres, M. Dreyfus, mis la Société au courant de l’état actuel 
de-la question. 

Le dispositif à employer, pour la reproduction facile des expériences 
signalées jusqu'à ce jour, se compose d’une bobine de Ruhmkorti 
fournissant une étincelle de 7 centimèlres 5 millimètres. Celle bobine 
est actionnée par une pile de Bunseu de 6 à 7 éléments, ou encore 
par celle-ci modifiée en pile Poggendorff. La bobine est reliée à un 
tube de Crookes, c'est-à-dire un tube dans lequel on a fait le vide et 


28 PROCÈS-VERBAUX 


dont l’état de raréfaction est de quelques millionièmes d’atmosphère 
seulement. 

Pour faire une expérience, il suffit de placer en dessous du tube 
de Crookes, traversé par le courant d’induction et à une distance de 
20 centimèlies environ, un châssis photographique ordinaire, ren- 
fermant une plaque sensible quelconque et dont la couche de géla- 
tine se trouve en regard du tube. L'objet soumis à l’action des rayons 
Rœntgen est disposé sur le châssis. S'agit-il de la main, par exemple, 
le squeletle apparaît avec la plus grande netteté et les chairs se 
trouvent représentées par une partie légèrement ombrée. Il suffit, 
du reste, de quelques minutes de pose pour obtenir une épreuve. 

La plaque, impressionnée par les rayons Rœntgen ou rayons X, se 
développe par les procédés ordinaires de la photographie. 

La formation de l’image, dans la reproduction du squelette de la 
main, s'explique aisément : ces rayons, en effet, qui n’impressionnent 
pas la rétine, jouissent de propriélés extrêmement curieuses eutrevues 
par Lienard. Non seulement ils agissent sur les substances sensibles 
à la lumière, mais ils traversent avec la plus grande facilité un cer- 
‘ tain nombre de corps parini lesquels : la peau, le papier, l’alumi- 
nium, elc.; d’autres corps, au contraire, sont plus difficilement péné- 
trés par ces mêmes rayons, et parmi eux, la plupart des mélaux : or, 
platine, fer ; les os, l'ivoire, etc. 

Ces propriétés remarquables ont trouvé leur application dans la 
reproduction du squelette d'animaux de petite taille, tels que lézards, 
grenouilles, etc. On a pu aussi, par ce procédé photographique, étu- 
dier l’état d'ossification de la main d’un enfant, la déformation que 
peut présenter dans certains cas la partie osseuse d'un membre 
malade, distinguer les diamants vrais de leurs imitations, etc. 

Toutes ces expériences ont été variées à l'infini depuis l'apparition 
du nouveau procédé et répélées sur tous les points du globe par les 
physiciens les plus habiles. 

M. Dreyfus, en terminant, indique le prix des différents appareils 
dont l’acquisition serait nécessaire pour faire des recherches dans 
cette voie. Il espère qu'il sera à même de soumettre bientôt à la 
société un certain nombre d'épreuves reproduisant des expériences 
faites au Puy par la Commission. 

M. Canard présente à ses collègues la photographie d'une main 
faile en sa présence, par la méthode décrite précédemment, dans les 
ateliers de M. Lumière de Lyon. Il se met, en outre, à l’entière dispo- 
sition de la Commission pour lui faciliter ses recherches. 

M. le Dr Coifiier fait remarquer que l’instrumentation pour des 
expériences de ce genre se simplifie tous les jours; que, d'après 


DES SÉANCES 29 


quelques expérimentateurs, une simple ampoule à incandescence, 
comme on en voit déjà au Puy, peut remplacer avantageusement et 
le tube de Crookes et la bobine de Ruhmkorff, et que, par l’introduc- 
ion dans l'estomac d’endoscopes spéciaux à pouvoir lumineux 
intense, il semble d'ores et déjà possible de photographier les diffé- 
rentes faces de cet organe. 

M. Coiflier rappelle encore que quelques corps phosphorescents 
(tel le sulfure de calcium), semblant dégager des rayons de Rœntgen, 
sont peut-être appelés à remplacer, dans les expériences, les sources 
actuelles de lumière, et il espère que, dans un temps peu éloigné, 
grâce à une simplification très grande des appareils, on pourra 
rendre pratique, même au Puy, la photographie de l'intérieur des 
corps et en faire profiter de nombreux malades. 

L'ordre du jour appelle la question de la création d’une école de 
laiterie dans la Haute-Loire. M. de Cailleux étant absent, M. Hérisson 
indique en quelques mots où en est celte question qui doit élre traitée 
prochainement au Conseil général. En cet état, la Société estime qu'il 
n'y a pas lieu de s'en occuper pour le moment et qu’il convient 
d'attendre la décision de l’assemblée départementale. 

M. Hérisson fait un rapport verbal sur le concours d'animaux gras 
tenu au Puy le 24 mars dernier. 

Parlant au nom des membres du jury et au sien, l'honorable pro- 
fesseur aflirme que le concours de cette année a été bien supérieur 
à ceux des années précédentes. Il y avait deux fois plus d'animaux, 
el ceux-ci étaient généralement en excellent élat d’engraissement. 
Les feuilles locales ont diversement apprécié ce concours. Tandis 
que l’une d’elles en donnait un compte rendu fort exact, l’autre le 
trouvait inférieur à celui de l’année dernière. La vérité est qu'on 
v'avait jamais vu au Puy un aussi brillant concours. 

La distribution des récompenses a élé présidée par M. le Préfet qui 
a prononcé à celte occasion un excellent discours. M. Jacotin a 
ensuite pris la parole et donné les meilleurs conseils pratiques aux 
éleveurs. Il les a ensuite consultés sur le changement de date du 
concours. La date ancienne a été maintenue. 

Au cours de ses opérations, le jury a décidé de faire photographier 
les meilleurs sujets de l’espèce bovine. Quatre photographies ont été 
prises par notre confrère M. Vazeille. Déposées aux archives de la 
Société, elles serviront de termes de comparaison dans les concours 
à venir. | 

L'un des secrétaires, 


À. LASCOMEE. 


30 PROCÈÉS-VERBAUX 


SÉANCE DU 7 MAI 1896. 


PRÉSIDENCE DE M. LE Dr MOREL. 


Présents : MM. de Cailleux, Cellerier, Chaudier, Chauvin, Domond, 
Dreyfus, Espenel, Gazanion, Louis Gueyffier, Hedde, Hérisson, Las- 
combe, Mallat, Dr Morel, Valléry-Michel, Vignon. 


Après lecture, le procès-verbal de la dernière séance est adopté. 

M. le Préfet transmet à la Société un vœu présenté au Conseil 
général par M. Peyroche, tendant à ce que le concours de 1897 soil 
tenu à Craponne. 

L'assemblée émet l’avis que ce concours, ayant pour but déler- 
miné l’amélioration de la race bovine du Mézenc, ne peul être éloi- 
gné de la région du Mezenc, qu’il ne peut donc étre favorable à cette 
demande. 

M. Hérisson ajoute à ce sujet que le prochain concours devant 
coïncider avec le concours départemental, il y a lieu de les tenir le 
même jour à Yssingeaux. 

Une lettre préfectorale transmet à la Société les remerciements 
du Conseil général pour le concours qu’elle a donné à la création 
d’une école de laiterie que l’on se propose d'établir près du Monas- 
tier, dans la propriété de M. le Dr Bonhomme. Cette école recevra, 
comme celle de Nolhac, des élèves payants. filles ou garçons. 

L'assemblée vote l'allocation annuelle pour trois années d’une 
somme de 400 francs, en vue de fournir une boursière de plus à 
l'école. 

Les remerciements du Conseil général s'adressent également au 
Syadicat des agriculteurs de la Haute-Loire pour la subvention 
unique de 500 francs, consentie pour la même fondation par ce syn- 
dicat. 

M. Vayssié, archivisle de la mairie, est élu membre tilulaire de 
la Société. 

MM. Mallal et Lascombe présentent la candidature de M. Rioufol, 
aucien notaire, demeurant au Puy. Il sera procédé sur son admission 
à la prochaine séance, 


DES SÉANCES | 31 


M. Lascombe donne lecture des notices suivantes : 

_« Le Monde des plantes, revue internationale de botanique, a 
inséré dans son numéro d'avril 1896, un article de M. V. Liotard, 
sur la flore bryologique des environs de Borne (Haute-Loire). 

« Étudiée plus particulièrement dans l’une des vallées de la Borne 
arrosée par le ruisseau de Bourbouilloux, cette flore est des plus 
intéressantes. 

« Abritée de tous côtés, dit M. Liolard, par des éminences boisées 
el en outre couverte en grande partie, sur le thalweg de rive 
gauche, de prairies irriguées, elle offre, par ces circonstances 
mêmes, qui maintiennent sur ces points l'état hygrométrique de l'air 
très élevé, une des conditions les plus favorables au bon développe- 
ment des muscinées, une humidité constante. 

« Arnaud, dans sa flore, n'indique qu'un certain nombre de 
mousses, mais la liste de M. Liotard, dans la seule vallée de la Borne, 
eu mentionne 51 espèces ou variétés, dont 8 nouvelles pour la 
Haute-Loire et donne un aperçu de la richesse bryologique de cette 
région. La notice de M. Liotard a sa place indiquée dans les Mémoires 
de notre Société. » 

« M. le Dr Deneffe, professeur à la Faculté de médecine de l'Uni- 
versité de Gand, membre titulaire de l’Académie royale de médecine 
de Belgique, vient de publier un livre sous le titre de Chirurgie 
antique : Les oculistes gallo-romains au 11° siècle !. 

« L'auteur, parlant de Sextus Polleius Sollemnis, médecin gallo- 
romain du Velay, dont la tombe découverte en 1861 à Fonviel, com- 
mune de Saint-Privat-d’Allier, recélait entre autres objets une trousse 
chirurgicale, une amulette, des médailles romaines et un cachet d’o- 
culiste portant une inscription sur ses quatre faces, s'exprime en ces 
lermes : , 

« À trente minutes de Saint-Privat, dans un vallon romantique 
« creusé par l'Allier, au milieu d’un amphithéâtre de pitloresques 
“ montagnes, pyramide en plein ciel un rocher solitaire dont le 
«“ sommel domine au loin la contrée. Sur ces hauteurs verligineuses 
« 02 connut longtemps un tombeau dont les origines se perdaient 
“ dans des lointains si nébuleux que les traditions locales en avaient 
{ perdu le souvenir. Dans ce monde où tout passe, la demeure des 
“ morts n’est pas plus éternelle que celle des vivants, et un jour J'orage 
“ précipila dans l’abîime la tombe et la terre qui j'abritait. Sur cette 
“ lerre qui voilait encore aux yeux de tous le dépôt sacré qu'elle 
“ avait reçu, la féconde nature fit bientôt germer tout un laillis et 


1. H, Caalx, éditeur, Anvers, 1896, in-8. 


32 PROCÈS-VERBAUX 


« quand, en 1864, son nouveau propriétaire l’abattit pour mettre le 
« terrain en valeur,ilne tarda pas à ramener au jour le trésor 
« archéologique dont nous allons nous occuper. 

« Le champ, fort peu étendu d’ailleurs, qu’il défrichait, ne préser- 
« tail aucune trace de cullure ou d’habitation antérieure, il élail 
« pourtant bien visible qu’il n'avait pas toujours été là, il avait glissé 
« du terre-plein qui couronnail le rocher et formé dans la vallée une 
« sorte de cône qu’on voulait niveler. Ce lieu s'appelle Fonviel. 
« C’est pendant ce travail qu’on rencontra des fragments de poterie 
« noire et grossière, et, tout près d'elles, disséminés dans le sol: une 
« spatule à long manche olivaire, un manche de couteau à spatule 
« richement damasquiné d’argent, un petit manche à couteau terminé 
« en spatule, autour duquel s’enroule un fil d'argent, un troisième 
« manche de couteau à spatule, mais sans ornement et d’une autre 
« forme que les précédents; les mors d’une puissante tenaille, une des 
« deux branches d’une forte pince, une petite pierre carrée porlant 
« des inscriptions sur ses quatre tranches, une amulette en pierre, 
« trois silex et dix-huit médailles romaines. 

« La petite pierre carrée portant des inscriptions gravées sur ses 
« quatre tranches et les médailles romaines doivent tout d’abord fixer 
« notre attention. C’est le fil conducteur qui nous mènera à la vérilé 
« et nous permettra d'interpréter la sépulture que nous venons de 
« décrire (planche V, fig. 11). 

« On litsur les quatre tranches de la pierre carrée les inscriptions 
« suivantes : 


1° SEXPOLLESOL 
LEMCHELADCA 

2 SEXPOLLESOLL 
EFAEONADLIP 

32 SEXTPOLLEI 

__ SOLEMDIASLE 

4 SEXPOLLESOLE 
MAAEMADASP 


« Au premier abord, celui qui s’est quelque peu occupé d’épigra- 
phieYeconnaît un cachet d’oculiste et il ne tardera pas d'interpréter 
ces quatre inscriptions de la manière suivante: 


"1° Sexti Pollei Sollemnis chelidonium ad caliginem. 
Sex{ti) Polle(i) Solleminis) chel(idonium) ad ca(liginem). 
2 Sexti Pollei Sollemnis faeon ad lippitudinem. 
Sex{ti) Polle(i Sollem(nis) faeon ad lip(pitudinem). 


RO 


DES SÉANCES 33 


3’ Sexti Pollei Solemnis diasmyrnes lene. 
Sext(i) Pollei So(l)eminis) dias(myrnes) lene. 
4 Sexti Pollei Solemnis haematites ad aspritudines. 
Sexiti) Polle(i) Sol(lJem{nis) haem(atites) ad asp(ritudines). 


« Depuis Sichel jusqu’à Espérandieu, tous ceux qui se sont occupés 
« de ce cachet ont interprété le nom de famille Polle par Pollenius, 
« sous le prétexte que le Corpusinscriptionum de Gruter faisait con- 
« naître quatre monuments marqués du nom de la famille des Pollen- 
« nius ou Pollenius. Si la lettre N eût figuré une seule fois sur le 
« cachet, l'interprétation de Sichel était admissible. Mais non seule- 
« ment la lettre N n'apparaît pas une seule fois derrière Polle, mais 
« c'est une autre lettre qui s’y montre, la lettre I. Si j'ouvre les An- 
« nales de la Société des Sciences du Puy, qui possède le cachet de 
« notre oculiste et qui s’en est occupée à différentes reprises, ayant 
« l'original sous les yeux, je vois qu'on n’y a pas violenté le mot 
« Pollei pour en faire Pollenii ou Pollennii, mais on l’a considéré 
« comme le génitif de Polleius. Aucun doute n’est possible quand on 
« examine la planche représentant le cachet, annexée au mémoire 
« de M. le comte de Causans (Annales de la Société des Sciencès du 


. « Puy, année 1864-1865). C’est un I bien formé qui termine la pre- 


Ù 


 « mière ligne de la troisième inscription. Mais un doute me restait, cel 


« Îne pouvait-il pas être la première branche verticale d’un N, une 
« cassure de la pierre aurait pu faire disparaître les deux autres 
« branches de la lettre. Et je soumis celte incertitude au savant 
« conservateur du Musée du Puy,M. Lascombe, aux lumières duquel 
« j'ai bien des fois recouru pendant que j'étudiais la trousse de l’ocu- 
« liste de Saint-Privat. Je ne saurais assez le remercier du concours 
“ bieuveillant qu’il m'a prêté avec un empressement si courtois. Voici 
« [a réponse de M. Lascombe : 

« J'ai sous les yeux le cachet d’oculiste de Sextus Polleius, son nom 
« est bien écrit, Pollei; toute la bonne volonté du monde ne saurait 
« me faire voir dans cet I le jambage d’un N usé par le temps ou 
« alléré par quelque cassure de la pierre. Le cachet est intact en ce 
« point, il n'y a là ni brisure, ni félure, ni altération. La lettre est 
« bien un I et il faut lire Pollei. » 

« C'est l'original sous les yeux que M. Lascombe répond à mes 
« doutes, et l'examen attentif qu’il veut bien faire, à ma demande, 
« lui permet d’affirmer que la lecture du nom de l’oculiste de Saint- 
{ Privat, faite il y a trente ans par la Société des sciences du Puy, 
« est la bonne, le cachet porte Pollei et rien ne nous autorise à faire 
« de ce mot, admirablement et clairement gravé, Pollenii comme l’a 
« fait Sichel. 


3! PROCÉS-VERBAUX 


« La réponse de M. Lascombe me parait décisive. 

« Chacune des lignes de l'inscription rappelle une maladie oculaire 
el un remède pour la guérir. 

« Le mort, qui a si longtemps reposé au sommet du roc, était donc 
un oculiste, il s'appelait Sextus Polleius Solemnis. 

« Quand vivait-il? Les médailles qui accompagnent ses cendres 
vont nous le dire. Il y en avait 18, les unes en bronze, les autres en 
argent; les plus anciennes élaient de Julia Augusta, une des fem- 
mes de Domitien, 80 ans de notre ère. D’autres de Trajan, an 8, 
d’Adrien, an 117, de Commode, an 190, de Gordien, an 238, de Phi- 
lippe, an 244, de Valérien, an 253, de Gallien, de 260 à 268. 

« En présence de ces médailles, dont les plus récentes datent de 
260 à 268, nous sommes portés à croire que c’est vers cette époque 
que mourut Polleius Solemnis, que nous rangeons parmi les ocu- 
listes de la fin du rm siècle. 

« Et maintenant cette tombe est pour nous sans mystère. 

« En la placant au faite d’un rocher dominant la vallée, on avait 
obéi aux coutumes de l’époque, les Romains plaçaient leurs cime- 
lières et leurs tombes sur les bords des voies publiques, au versant 
des collines et sur les sommets. Fonviel se trouve à peu près au 
point d’interseclion de deux routes antiques, la Via Bolena et une 
voie secondaire qui passait par Saint-Privat et Monistrol. 

« Le choix de la dernière demeure de Polleius Solemnis avait élé 
dicté pas les idées du temps. Les Romains ne se séparaient pas de 
leurs morts comme nous nous séparons des nôtres, ils ne les écar- 
laient pas de leurs yeux, mais ils les placaïient dans des lieux ap- 
parents, afin que le souvenir s’en perpéluât à jamais. Pour assurer 
une longue durée aux restes de ceux qu'ils avaient aimé, ilsles 
confiaient à une terre ensoleillée, sur le sommet ou versant des 
moulagnes, loin de l'humidité qui corrompt tout. 

« Aux nel ute siècles, la coutume romaine de brûler les morts 
s'élait imposée à la Gaule, les classes élevées de la société l'avaient 
surtout acceptée et la conservèrent jusqu'au 1ve siècle, époque à 
laquelle l'inhumation remplaca l'incinération, cette pratique d’ori- 
gine étrangère. 

« Conformément aux usages, Polleius Solemnis fut placé sur le 
bücher, puis quand les flammes eurent consumé les chaïirs, les os 
brisés furent déposés dans un vase de terre dont les débris furent 
retrouvés sous le taillis de Fonviel. Dans l'urae cinéraire, on placa 
les objets que le mort avait aimés ou dont il s'était servi dans la 
vie el qui ne devaient jamais plus servir à personne, tels que les 
instruments de sa profession, des médailles, des pièces de monnaie 


DES SÉANCES | 39 


« d'or, d'argent ou de bronze. Autour de l’urne on rangeait, pour 

« faire honneur au mort, d’autres vases, des assieltes, des soucoupes, 

« desamphores, dans lesquelles on plaçait des offrandes, des aliments, 

« des parfums, des boissons. Puis ce dépôt sacré élait placé dans un 

« coffre en bois, attaché avec des clous, qu’on fermait au moyen 

« d'une serrure à clef ou d’un cadenas. 

« Tel était le mode de sépulture usité aux n° et 111 siècles dans les 

« Gaules. Si la tombe de Polleius Solemnis n’a présenté que quelques 

« débris de vase, si l’on n’a retrouvé ni les cendres du mort, ni les 

« débris du coffret, c’est qu’elle s’est effondrée dans la vallée et que 

« son contenu s’est dispersé. Mais la tombe de l’oculiste de Reims, 

« Gaius Firmius Severus, plus intacte celle-là, nous a rendu, avec 
« les débris du coffret, une poignée en bronze qui servait à le porter, 

« une clef et un cadenas pour le fermer. Dans la sépulture d’un 
« autre oculiste de Reims, Gentianus, dont M. le D' Guellot a fait une 

« belle étude, le cachet se trouvait à côté de l’urne cinéraire, remplie 
« encore d’os calcinés. 

« Tout dans la sépulture de Polleius Solemnis, depuis son empla- 
« cement jusqu’à son mobilier, est conforme aux usages funéraires 
« de la Gaule aux ue et rie siècles de notre ère. 

« À quelle pensée répondait la présence de ces instruments de 
« travail, de bijoux, de médailles, de monnaies, de tous ces vases 
« chargés d'aliments, de parfums, de ces amphores pleines de vin, 
« de ces vases lacrymatoires remplis de larmes? C’est que le Gallo- 
« Romain était païen dans sa religion, et sa douce philosophie repous- 
« sant l’idée du néant lui faisait entrevoir une autre vie ultra-terres- 
« tre, matérielle comme celle-ci, où l’âme se livrerait aux mêmes 
« occupations, éprouverait les mêmes besoins que sur la terre. Elle 
« boirait et mangerait comme les dieux eux-mêmes. 

« C’est pour cela qu’on laissait au mort les instruments de son 
« travail, qu'on lui donnait de l'argent, qu'on l’entourait de vases 
« contenant de la viande, du lait, du miel, du vin, dont il userait dans 
« son grand voyage. Les parfums étaient l'emblème du souvenir qui 
« embaumait l’absent, les vases lacrymatoires renfermaient les lar- 
« mes versées pendant les funérailles par les amis et les parents du 
« défunt. » 

On trouve dans les annales de la Société académique du Puy (année 
1864-1865), une description de cette intéressante trouvaille. » 

Le Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et 
scientifiques (année 1895, 1'e el 2° livraisons, page Lxv) consacre à 
notre compatriote, M. Léon Giron, la note suivante : 

«M. Giron donne lecture d’un mémoire sur de curieuses pein- 


36 PROCÈS-VERBAUX 


lures recueillies par lui sur les poutres d’un plafond du xve siècle, 
conservé au Puy. La décoralion de ces poulres consiste en blasons 
entremélés de figures, dont les unes sont des figures de fantaisie, 
des grotesques, et d’autres semblent empruntées aux motifs bien 
connus du bestiaire. M. Güron s'est appliqué à identitier ces figures: 
il y retrouve l’image du cocatrix, du hibou, du sphinx, de la harpie, 
de la stryge de l'ibis ; il s'efforce de donner une explication de toutes 
les figures grotesques qui complètent l'ornementation de ce plafond. 
Quant aux blasons, on y reconnait les armes de Bourbon el les armes 
de Chalencon; or il y eut un évêque du Puy, de la maison de Bour- 
bon, qui eut pour prédécesseur un Chalancon; les autres blasons 
sont sans doute ceux des chanoines qui formaient le chapitre. 

« Ces peintures ont élé découvertes par M. Léon Giür'on, dans une 
maison à double façade, l’une sur la rue de l’Ancienne préfecture, 
l’autre sur la montée de Crebacor, vulgairement appelée l’Escalier 
boiteux. » 

Nous extrayons de la Diana (tome VII n° 4) une note ainsi conçue : 

« Sur les confins de la Loire et de la Haute-Loire, à peu près à 
égale distance des communes de Jonzieu et de Saint-Didier-la-Séauve, 
il existe une vaste clairiere que le paysan attardé ne traverse, le 
soir, qu’en se signant avec frayeur, c'est le Champ dolent. 

«a Une sanglante bataille aurait eu lieu sur ce sol marécageux el 
infertile, et les feux follets qui volticent à sa surface représentent 
encore aux yeux des populations naïves de ces montagnes, les âmes 
errauntes des combattants tombés dans la mêlée. 

« La tradition n’est sûrement point mensongère, mais pas plus 
nos voisins du Velay que nos propres chroniqueurs ne peuvent indi- 
quer une date certaine ni fournir des délails précis sur celte ren- 
contre qui intéresse également l'histoire des deux provinces. » 

« La Correspondance historique et archéologique (n° du 25 mars 
1896) mentionne deux documents sur l’histoire commerciale du 
Velay, aux xvue et xvuie siècles, découverts par notre confrère, 
M. Germain Martin. | 

« Ces documents sont, le premier, l’élat des corps des arts ei 
métiers de la ville du Puy en 1691, et le second l’état des corporations 
de la ville du Puy, dressé en 1776, en exécution et pour satisfaire à 
la déclaration du 11 février 1764, trouvés par M. Germain Marlin 
dans les archives départementales de l'Hérault. Cette brochure, où 
l'on trouve de très curieux détails sur l’aclivité commerciale de la 
ville du Puy, inaugure une série de publications que M. Martin va 
entreprendre sur l’histoire du commerce dans cette région de la 
France. » 


DES SÉANCES 37 


« En 1872, les Tablettes Historiques du Velay ont publié le car.- 
tulaire de Chamalières-sur-Loire, important document dont les 
chartes du x° au xme siècle fournissent de très curieux renseigne- 
ments historiques sur notre pays. 

« Une nouvelle édition de ce cartulaire due à M. Chassaing, décédé 
depuis, vient de paraître à la librairie Picard en un volume auquel 
a collaboré notre confrère, M. Antoine Jacotin, qui en a rédigé 
l'introduction et les tables. » 

« Le 7 février 1893, M. le Ministre de l'instruction publique char- 
geait M. Antoine Jacotin de rechercher dans les archives d’État du 
royaume d'Italie des renseignements sur l’organisation administra- 
live des territoires italiens rattachés à la France à la suite des 
expéditions françaises de la fin du xvire et du commencement du 
xIx° siècle. 

« Aidé dans sa tâche par M. Maurice Legrand, M. Jacotin s’est 
acquitté, à son honneur, de la mission que lui avait confiée le Gou- 
vernement français, et le résultat de ses fructueuses recherches est 
consigné dans un rapport inséré dans le tome VI des Vouvelles 
archives des missions scientifiques et litléraires, ouvrage publié 
sous les auspices du ministère de l'instruction publique et des Beaux- 
Arls. » | | 

« Dans le Bulletin de la Société de minéralogie (t. XVII, p. 272), 
« M. F. Gonnard énumère les minéraux du plateau central. Il a ren- 
contré dans le Velay des granites à cordiérite. Dans le trachyte de 
Montchanet (Haute-Loire), il signale une remarquable association 
de calcite, — mésotype et christianite, avec chabasie, quartz hyalin, 
tridymite et pyroxène : enfin un gisemeut de serpentine, le seul 
connu dans le granite de la Haute-Loire, aux Lardons, près de 
Montfaucon. » 

« L'année scientifique de 1895 (page 98) rend compte de la décou- 
verte de notre confrère, M. le Dr Coiflier, relative à la vérification 
facile de la pureté de l'alcool. » 

« Il y a lieu de recommander aux apiculteurs de la Société une 
remarquable notice de M. G. Chardon, vicaire général de Clermont, 
sur les merveilles de l'instinct chez les abeilles. Ce travail a paru 
dans le Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne publié par 
l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand 
(2e série, n° 2 de 189,6). » 

A signaler encore une brochure de M. l’abbé Pontvianne, profes- 
seur à la Chartreuse, ayant pour titre : Un évêque français au 
xive srècle, Pierre d’Ailly, évêque du Puy, évêque de Cambrai el 
Cardinal (1350-1420); 


JS PROCÉS-VERBAUX 


Yssingeaux et ses environs, guide publié par le syndicat 
d'initiative; 

La France pitioresque. Le Puy Sainte-Marie, par Robert 
d’Arzon, article paru dans le journal l'Observateur français du 
1er mars 18%; 

Le livre : Revue bi-mensuelle de bibliophilie et de bibliographie 
rédigée par nos compatriotes MM. Joseph Gibert et Aimé Giron. 

A la suite de cette lecture, l'assemblée décide de prendre un abon- 
nement de six mois au Monde des plantes, qui doit publier des 
articles relatifs à la Haute-Loire: 

M. Lascombe communique à l'assemblée le rapport adressé par 
M. de Brun, au sujet des fouilles opérées au Puy sur l'emplacement 
de l’ancien prieuré de Sainl-Pierre-le-Monastier (par suite de la 
construction de la halle) et au grand séminaire (actuellement en 
reconstruction). 

Eu voici la teneur : 


« Autorisé par M. le maire du Puy à surveiller les fouilles faites à 
« l'occasion de la reconstruction d’une nouvelle halle, place Saint- 
« Pierre, je viens vous rendre compte de ce que j'ai pu y observer. 

« Malgré des tranchées d’une profondeur variant de 7 à 9 mètres 
« et atteignant la couche argileuse des flancs du mont Anis, peu 
« d'objets intéressants ont été rencontrés, le sol de la place ayant élé 
« remanié à diverses époques assez rapprochées de nous. 

« À un mètre,on a trouve un premier pavage de cailloux basaltiques 
« roulés, au-dessous duquel, à l'angle S.-E. de la place, gisait une 
« grande quanlilé d’ossements d'animaux domestiques très altérés 
« (bœufs, moutons, porcs et chevaux), el à l'angle N.-E., des restes 
« d'anciennes fondations. 

« À deux mètres plus bas, second parvage établi comme le premier 
« et sous lequel on a rencontré une mâchoire inférieure et la boite 
« cränienne d’un enfant. 

« Les ouvriers m'ont remis des objets en fer rouillés, des débris 
« de poteries noires, des morceaux de plomb ou de cuivre, le toul 
« n'ayant absolument aucun caractère et ne valant pas la peine d’être 
« couservé. En abondance, les morceaux de verre, irisés par leur 
« séjour plus ou moins prolongé dans un terrain chargé de matières 
« organiques en décomposition. 

« Je citerai encore trois débris de petits creusets en parie vitrifiés 
« avant servi à fondre du cuivre el en conservant encore quelques 
« parcelles adhérentes. Ils proviennent, selon toute probabilité, de 
« l’ancienne fabrique de grelots, clochettes et plaques a mulets, dont 


Re LT 


DES SÉANCES 39 


« les ateliers se trouvaient, dit-on, à l'angle S.-0. de la place Saint- 
« Pierre. J'avais commencé un journal des fouilles; mais devant 
« la multiplicité et le bouleversement des couches, la difliculté de 
«leur assigner un âge, par suite de l'absence totale de mon- 
« naies, et devant le peu d'importance des trouvailles, j'ai dû l’aban- 
« donner. 

« Trois objets seulement offrent un certain intérêt. Ce sont des 
« débris trouvés dans une tranchée près du Tribunal de commerce, 
« el provenant sans doute des ruines de l’ancien prieuré de Saint- 
« Pierre-le-Monastier, dont M. Lascombe nous a entretenus dans une 
« Sance antérieure. Ils consistent en un chapiteau roman et un 
« bénilier en pierre de Blavozy : ces deux morceaux, d’une facture 
«assez grossière, dénotent la main d’un ouvrier peu artiste. Toul 
« dernièrement enfin, on a remis à M. Lascombe, comme provenant 
« des fouilles, un morceau de marbre blanc, d’un grain très fin, fal- 
« sant probablement partie d’une inscriplion assez étendue, et sur 
« lequel on voit, avec une moulure, et sur deux lignes, les lettres 
« S.H et I. M. E. en caractères gothiques. Il est vraiment bien regret- 
« lable que l’on n'ait pas retrouvé d'autres fragments de cetle in- 
« scriplion qui, d’après le peu que nous en possédons, devait être fort 
« belle. Je vous présente un fac-simile de ce morceau, que M, Las- 
“ combe suppose être du x1v® siècle. 

« Voilà, Messieurs, lout ce qu'ont produit les fouilles de la place 
« Saint-Pierre, et c'est peu de chose. 

« Celles pratiquées pour la reconstruction d’une partie du Grand- 
« Séminaire ont été un peu plus riches. Je me contenterai de citer, 
« comme trouvées dans les anciennes fondations, quelques sculptures 
« genre Renaissance : un ange tenant un écusson, une main fermée 
« porlant un cierge ou une lance brisée; des fragments d’une che- 
« minée analogue à celle existant encore dans les ruines de Polignac; 
« un sarcophage renfermant des ossements en miettes, et dont 
M. Lascombe nous a entretenus dans une séance précédente. 
« Enfin, en creusant profondément de nouvelles tranchées, on a 
rencontré des ossements humains et d'animaux domestiques très 
allérés (ceux de chevaux dominaient), des monnaies que je n’ai pu 
avoir entre les mains (argent el potin), et un petit vase dont la forme 
el la facture rappellent l’èpoque gauloise. 
« Je vous présente égalemeut une pholographie des divers mor- 
ceaux de sculpture trouvés dans ces fouilles. » 
M. de Cailleux fait part à l'assemblée du vœu adopté par le Conseil 
général, sur la demande de M. Bernard, tendant à oblenir du Gou- 
vernement que la somme de 15,000 francs, actuellement allouée en 


2 


2 ES = 


n 
LS 


PS 
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40 PROCÈS-VERBAUX 


secours pour la mortalité du bétail, soit désormais, pour produire 
une action plus eflicace, attribuée pour aider à la constitution de la 
caisse d'assurances, dont le projet a été présenté par M. Émile Néron. 

Cette subvention, en s’ajoutant aux primes versées par les assu- 
rés, conslituerait un fonds de roulement important, qui permel- 
trait également d’allouer des secours aux nécessiteux. 

L'assemblée, consultée, émet un avis favorable à l'adoption de ce 
vœu. 

M. Hérisson présente de magnifiques spécimens d'une planle 
fourragère, le pastel des leinturiers. 

Semée en mars 1895, cette plante présente une précocilé remar- 
quable, puisqu'elle atteignait, le 15 avril, près de 1 mètre de hauteur, 
donnant 12 kilos au mètre carré, soit 120,000 kilos à l’heclare. Le 
bétail la mange volontiers, surtout le mouton, le lait présente une 
teinte un peu bleuâtre. Cette plante, donnant un fourrage très hälif 
et très abondant, paraît plus avantageuse que la consoude et la 
persicaire. 

M. Lascombe communique une intéressante correspondance pro- 
venant du Touring-Club (2, rue Coq-Héron, à Paris), dont notre 
compatriote M. P. Letellier, est le secrétaire. 

Les publications de cette société tirant à un nombre énorme 
d'exemplaires (plus de 30,000), permettraient de faire à notre pays, 
si digne d’être visité et dont mention n'élait pas encore faite dans 
ces publications, une publicité considérable. 

L'assemblée accorde le prêt des clichés qui ont servi à l'illustra- 
lion du Guide du Puy, en vue de faciliter l'exécution des publications 
du Touring-Club qui nous amèneront de nombreux visiteurs. 


L'un des secrétaires, 
Pa. HEDDE. 


SÉANCE DU 4 JUIN 1896. 


PRÉSIDENCE DE M. LE Dr MoREzL. 


Présents : MM. Florimond Boyer, Cortet, Chaudier, Dreyfus, 
Hedde, D° Morel, Fr. Triouleyre, Valléry-Michel, Vayssié. 


D Pa 0 ER | 


DES SÉANCES Al 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Il est procédé au scrutin sur l'admission de M. Emmanuel Rioufol, 
présenté à la dernière séance. A l’unanimité, M. Rioufol est nommé 
membre de la Sociélé agricole et scientifique de la Haute-Loire. 

Il est procédé ensuite au dépouillement de la correspondance ; 
M. Lascombe se fait excuser de ne pouvoir assister à la séance et 
transmet les remerciements de notre nouveau collègue, M. Vayssié. 

M. le Maire de Langeac demande à la Société de favoriser le con- 
cours agricole annuel de Langeac, par l’altribution d’un nombre 
de médailles aussi grand que possible. L'assemblée ne croit pas 
possible d'augmenter le nombre accordé l'an dernier; elle décide 
d'accorder deux médailles d'argent et trois médailles de bronze. 

Une circulaire ministérielle informe la Société que la 21° session 
des sociélés des Beaux-Aris des départements s'ouvrira en 1897, à 
l'École des Beaux-Arts, rue Bonaparte, n° 14, en même temps que 
la réunion des Sociétés savantes, le mardi 20 avril 1897. 

M. Mirmand, fermier à Artaud, près le Monastier, demande à la 
Société l'autorisation de faire castrer le taureau qui lui a été vendu 
par la Société, parce que cet animal est devenu méchant. 

Plusieurs membres échangent à ce sujet des observations, il serait 
sans doute possible, par des procédés de douceur, par des soins et 
en leur faisant travailler la terre, d'adoucir le caractère de ces ani- 
maux ; de cetlte manière la Société n'aurait pas dépensé inutilement 
des sommes importantes en achat d'animaux reproducteurs. 

ll est décidé que l'autorisation demandée ne sera accordée que 
sur la constatation faite par M. Vialla que l'animal est réellement 
dangereux. 

M. Chaudier propose que, sur l’argent destiné à l’achat d'animaux 
reproducteurs, on réserve désormais la somme nécessaire pour 
exercer un contrôle effectif sur la situation des animaux vendus 
par la Société : cette proposition réunit l’assentiment général. 

M. le Président communique également à l'assemblée la réception 
de divers opuscules, bulletins, prospectus, ainsi qu'un projet d’appa- 
reil aviateur pour la navigation aérienne, dû à un de nos compa- 
lriotes, projet qui sort du cercle d’études de notre Société, mais qui 
est mis à la disposition des sociétaires désireux de s'occuper de cetle 
intéressante question. 


Le frère Triouleyre donne lecture des notices horticoles sui- 
vantes : 


dd PROCÈS-VERBAUX 


REMÉDE EFFICACE CONTRE LA GOMME DU PÊCHER. 


1° Nettoyage au greffoir ou à la serpette de la partie malade; 

2° Lavage de ladile avec une brosse en crin, très raide, avec la 
solution ci-dessous : 

Dans un litre d’eau meltre une forte poignée de sel de cuisine el 
un quart de litre de vinaigre. Se servir de cette solution quand le 
sel est dissous. 

Après la deuxième opération, la plaie est nelte et propre, el 
l'arbre ou la branche sont sauvés. 


LA CONSERVATION DES SEMENCES. 


IL est important de connaitre le mode le plus approprié pour con- 
server les semences. 

Quand on recueille des graines que l’on veut conserver pour 
semer, est-il indifférent de les placer dans des flacons bien bouchés, 
dans des boites ou dans des sacs de papier ? 

Les graines destinées à la reproduction se conservent très bien 
dans l'épi, la housse ou la silique. Il ne faut pas les enfermer trop 
bien, car ce sont des êtres vivants qui ont besoin d'air. 

Philippe Miller, un savant anglais, avait mis par partie de ses 
graines de laitue, de persil et d’oignon daus des fioles de verres 
exactement bouchées et l’autre partie dans des sacs suspendus dans 
une chambre sèche. 

Il sema, au printemps suivant, des unes et des autres sur une 
même planche : une seule de celles des fioles poussa. Deux ou trois 
ans après, 1l Sema Île reste des mêmes graines; toutes celles des sacs 
germèrent, aucune de celles des fioles ne poussa. 

On peut donc déduire de ce qui précède que la conservation de 
ces petites graines doit se faire, autant que possibie, dans des sacs 
en toile de toute espèce, à tissu non serré et, quand elle se fait dans 
des sacs en papier, on se trouve bien de les trouer à coups d'épingle. 


DESTRUCTION DES COURTILIÈRES. 


On a indiqué plusieurs moyens de destruction; en voici un autre: 
il consiste à prendre des plaques de gazon un peu poussées en herbe. 
les mouiller et les renverser le soir près des planches attaquées par 


DES SÉANCES 43 


les courtilières. Le lendemain, de très bonne heure, on lève Îles 
plaques et dans chacune on trouve un petit nombre de courtilières 
que l'on écrase. Dans le jour on conserve les gazons l’herbe en des- 
ssus, le soir venu on les mouille dernouveau comme la veille et on les 
renverse jusqu'au lendemain matin. 


EMPLOI DES FEUILLES DE CASSIS POUR LA GUÉRISON DES BLESSURES. 


Le Bulletin de la Société d'horticuliure d'Orléans fait connaitre 
celle précieuse qualité des feuilles de cassis. 

« On les emploie ainsi : au moment où elles sont vertes, on les 
hache comme du persil, et on les applique ensuile sur ou dans la 
blessure. 

« Quand elles sont sèches, il suffit de les faire revenir quelques 
instants dans l’eau tiède, après quoi on opère de même qu'avec les 
feuiles vertes. | 

« [l parait que ce traitement détruit immédiatement la purulence de 
la plaie et en avance considérablement la guérison. » 

Îl a paru en 1722, un ouvrage intitulé : Des propriétés rails 
du cassis, où cet arbuste est considéré comme une panacée. 

Les feuilles et les sommités de cassis ont la réputation d’être 
astringentes, loniques, diurétiques, diaphorétiques, etc. On a con- 
seillé l'infusion des feuilles de cassis, à laquelle on ajoute, par litre 
d'iufusion, quatre cuillerées d'eau-de-vie, comme boisson très saine 
el qui désaltère bien. 


L'EMPOISONNEMENT DU BÉTAIL. 


Dans sa dernière séance, la Société d'agriculture, sciences et 
industrie de Lyon a entendu une communication de M. Cornevin sur 
les empoisonnements du bétail par les pommes de terre verdies, les 
pousses printannières et les tiges. 

Des cas récents d’empoisonnement se sont produits dans le 
département de l'Isère ; et ils sont tous dus à la solanine renfermée 
dans la pomme de terre. Le tubercule en renferme des pro- 
portions minimes; mais les fanes, les baïes, les feuilles en con- 
tienneut de notables quantités; on en trouve également beaucoup 
dans les pousses et dans les épluchures. Et, en général, plus une 
parlie est verte, chlorophyllée, plus elle est dangereuse. Le verdisse- 
ment de l'enveloppe du tubercule se produit lorsqu'on ne butte pas 


. 44 PROCÉS-VERBAUX 


assez les pommes de terre ou qu’on les laisse trop longtemps sur le 
sol après l’arrachage. Cette année, les empoisonnements ont élé 
causés par les épluchures. 

M. Cornevin a ensuite étudié quels étaient les effets de la solanine 
sur les ruminants, les porcs et les chiens, el les symptômes de 
l'empoisonnement; il a reconnu que les ruminants étaient de beau- 
coup les plus sensibles, et les chiens le moins, et que la solanine 
agissait comme un poison nerveux. fl y a d’abord excitation, puis 
coma. Le poison s’accumule dans l'organisme et n’est éliminé que 
peu à peu par les urines. 

La solanine a-t-elle une action sur la germination des pommes de 
terre et d'autres graines ? Sur les pommes de terre son aclion n'est 
pas sensible : sur l'orge, le blé, le sarrazin et le maïs, son action est 
plus active. L’orge et le maïs éprouvent le moins d'effet : quant au 
blé et au sarrazin, leur germination a été très retardée. 

M. Lavirotte cite un cas d’empoisonnement par les pommes de 
terre qui se produisit, il y a quelques années, dans les prisons. 

M. Dreyfus rend compte d'un certain nombre d'expériences 
agricoles faites en collaboration avec M. Hérisson, professeur dépar- 
temental d'agriculture. 

Dans une première série, la plante soumise à l’essai était de l’avoine 
de Brie, semée dans un terrain argilo-calcaire de fertilité moyenne. 

Des cinq carrés ensemencés, le premier avait reçu une fumure 
équivalente à 1,000 k. à l’hectare d'engrais à, formule du syndicat, 
Savoir : 


Sulfate d'ammoniaque....................  ?20Kk. 
Chlorure de potassium.................... 10 
Superphosphate de chaux................ 30 
PAPE nn a aient sr 40 
TOTALE: Sen un saint 100 Kk 


Le n° 2, la même quantité d'acide phosphorique et de sulfate 
d'ammoniaque que le n° 1. 

Le n° 3, la même quantité d'acide phosphorique que les deux pré- 
cédents et un poids de nitrate de soude tel, que l'azote qui y était 
contenu fût en quantilé égale à celui du sulfate d'ammoniaque 
du n° 2. 

Le n° 4 avait reçu 1,500 k. d'engrais b à l’hectare et le n°5, carré 
témoin, n'avait recu aucun engrais. 

Aïnsi le n° 1 ne différait du deuxième que par les sels de polasse 


DES SÉANCES 45 


sous forme de chlorure de potassium (en ne tenant pas compte du 
plâtre dont l’effet dans le sol argilo-calcaire était négligeable). 

Les n°* 2 et 3 renfermaient les mêmes éléments fertilisants, mais 
l'azote sous forme différente. 

Les résultats des expériences furent entièrement concluants. 

Le rendement du carré n° 1 fût maximum, ce qui était facile à 
prévoir, vu la composition du sol qui, à l'analyse, n'avait fourni que 
de faibles quantités de sels de potasse assimilables. 

Les carrés n° 2 et n° 3 produisirent très exactement la même 
quantité de grain et de paille. Ce résultat remarquable montre que 
la transformation du sulfate d'ammoniaque en nitrate s'était opérée 
rapidement et que ce dernier avait produit tous ses effets utiles 
aussi bien que le nitrate de soude du n° 2. Il explique, d'autre part, 
la pratique de bon nombre d’agriculleurs de la Haute-Loire et 
de bien d’autres régions, et qui consiste à employer, au printemps, 
le nitrate de soude à la place du sulfate d’ammoniaque qui entre 
en général dans la constitution des engrais composés pour cé- 
réales. 

Le quatrième carré a fourni un rendement égal à celui du n° 1, 
résullat aussi intéressant que concluant : il montre, en effet, qu'il 
n'y a aucun avantage à fumer au-delà d’une certaine limite, limite 
qui paraît étre d’un millier de kilogrammes d'engrais complet par 
heclare, ainsi qu’en témoigne cette expérience. 

Le carré n° 5, qui devait dans cette série d'expériences servir de 
lerme de comparaison, a produit un rendement en paille et grain de 
beaucoup inférieur aux autres carrés; résultat que les expérimenta- 
leurs ne cherchaient nullement à prouver, pénétrés qu'ils sont de 
l'heureuse influence exercée par les engrais chimiques sur la cul- 
lure ; mais cetle expérience a permis néanmoins d'établir, une fois 
de plus, en tenant compte des différentes données du problème, que 
la culture des céréales à l’aide des engrais chimiques était encore 
rémunératrice malgré l’avilissement des prix actuels. 

Une autre expérience a été faite sur la culture des pommes de 
terre, la variété soumise à l’expérience était le Richter Impérator. 

Un are avait recu l’engrais E! du bulletin du Syndicat. 


Formule E". | 
Nitrate de potasse......................... -.  20Kk. 
Superphosphate de chaux.................. 50 


PAL ne rense 30 


AG PROCÈS-VERBAUX 


Prix en 1896 des 100 kilog. : 15 fr. 10. 
Un autre are avait été fumé par le même poids d'engrais E? dont 
la composilion est : 


Formule E". 


Nilrale-de:SOude: 32. 46e en 15 K. 
Sulfate de potasse..............,.......... 15 
Superphosphate de chaux.................. 50 
PlatPer sites ess van os 20 
ÉOPALS Sanaa is 2 100 


Prix en 1896 des 100 kilog. : 12 fr. G5. 

Cette deuxième formule renferme la même quantité d'azote, de 
potasse et d'acide phosphorique, mais ces corps y entrent sous des 
formes différentes. L'azote s’y trouve à l’état de nitrate de soude 
et la potasse, sous forme de sulfate. 

Il s'agissait de comparer les rendements. Le problème posé élait 
d'une grande importance pratique, car la deuxième formule peut 
s'établir à un prix bien inférieur, 12 fr. 65 les 100 kilos au lieu de 
15 fr. 10; cette différence de prix tient à la cherté relative du nitrate 
de potassse. Les résultats dépassèrent les prévisions les plus favo- 
rables. Le rendement du carré n° ?, qui avait reçu l’engrais for- 
mule E?, était au moins de 1/10 supérieur à celui du carré n° i. 

Ce résultat n'est pas isolé ; un grand nombre d'expériences ont 
élé failes à ce sujet, el presque toutes ont établi, pour les plantes à 
racines pivotantes et la pomme de terre, la supériorité du sulfate de 
potasse sur les autres sels du même métal. La plus grande diffusi- 
bilité de sulfate explique du reste facilement ces bons effets. 

Comme conséquence naturelle de ce qui précède, le chlorure de 
potassium sera employé de préférence pour les plantes à racines 
traçantes telles que céréales, graminées, etc. 

M. Dreyfus rend compte ensuile de l'immense développement 
pris par l'emploi des engrais chimiques. Il indique la part prise par 
les syndicats agricoles à la propagation de ces merveilleux agents 
fertilisants. Parmi les nombreux exemples signalés, il y a particu- 
lièrement à retenir le syndicat des agriculteurs de la Vienne qui, 
entre tous, a pris une extension inespérée, ainsi que le prouve le 
tableau suivant indiquant à la fois la progression du nombre des 
adhérents et des quantités d'engrais employées pendant les années 
SUCCESSIVES : 


DES SÉANCES 47 
Nombre des adhérents. Quantités d'engrais employées 
chaque année. 
22 août 1884 356 » 
1e janvier 1885 .. 442 96,800 Kk. 
1886 694 600,100 
1887 945 879,400 
1888 2,300 2,530,229 
1889 5,000 5,895,114 
1890 9,400 9,503,200 
1891 11,500 10,985,325 
1892 12,580: 13,295,850 


Pour donner une idée des matières employées, M. Dreyfus termine 
par l'indication des livraisons failes par ce syndicat aux agriculteurs 


rendant l’automne 1892. 


Sulfate d'ammoniaque 
Nitrate de soude 


205: 0e 6 e ee = © © = © = e 


SCOFIBS de einer en 
Chlorure, carbonate, sulfate, nitrate 

de potassium..............,....... 
NRAOILES 252 2 ie dus cut 
Sulfate de cuivre 
Sulfate de fer....................... 
Engrais complet (différentes formules) 

pour céréales, prairies, vignes, etc. 
Divers 


2. te © 6 + © + e 


CR 


Au priutemps de la même année 1892, les matières employées 


élaient représentées par 9,348,200 kil. 


M. Hedde communique une lettre de M. Auguste Garnier, secré- 
laäire-général du Comice agricole d’Yssingeanx, relative à l'intention 
qu'à ce Comice de faire une distribution de récompeuses lors des 
concours qui doivent avoir lieu cette année à Yssingeaux. 

M. le Président consulle l'assemblée pour fixer la date de ces 
concours ; il est décidé que le concours départemental et le con- 


48 PROCÈS-VERBAUX 


cours pour la race bovine du Mézenc, auront lieu simultanément à 
Yssingeaux, le dimanche 20 septembre 1896. 


L'un des secrétaires, 


Pa. HEDDE. 


SÉANCE DU 2 JUILLET 1896. 


PRÉSIDENCE DE M. LE D' MOREL. 


Présents : MM. Breschet, de Cailleux, Dreyfus, Gazanion, Louis 
Gueytlier, Hedde, Hérisson, Lascombe, Marlin, instituteur, D' Morel, 
O’'Farrell, Valléry-Michel, Vialla et Vignon. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Procédant au dépouillement de la correspondance, M. le Président 
communique une lettre de M. le Ministre de l’agriculture suivie d’un 
rapport adressé au Gouvernement par un inspecteur des finances 
envoyé en mission spéciale pour étudier en Allemagne le fonctionne- 
ment de l'admission temporaire des blés et des bons d'importation. 

M. le Ministre exprime le désir que ce document soil soumis à la 
Société afin de connaître ses appréciations sur les applications qu'on 
pourrait en faire en France. 

M. Hérisson est chargé de l'examen de ce rapport. 

Une lettre de M. le Ministre de l'instruction publique, accompagnée 
du programme du 35° Congrès des Sociélés savantes, fixe l’ouver- 
ture de ce congrès au mardi, 20 avril 1897. 

M. le Maire de Saugues réclame la bienveillance de la Société en 
faveur du concours d'animaux reproducteurs qui aura lieu dans cette 
ville le 14 août prochain. 

Pour encourager les efforts des éleveurs de cette région l’assem- 
blée vote, à l’unanimité, deux médailles d'argent et trois de bronze. 

M. de Cailleux annonce qu’à.loccasion de ce concours M. le Mi- 
nistre de l’agriculture a alloué à la ville de Saugues une somme de 
195 francs, une médaille d'argent et deux de bronze. 

M. le Préfet de la Haute-Loire informe la Société que, par déci- 


DES SÉANCES 49 


sion du 22 juin dernier, M. le Ministre de l’agriculture lui a accordé, 
celle année, les subventions suivantes : 


Subvention ordinaire................................ 2.500 » 
Subvention extraordinaire pour le concours de la race 
QUMO7NÉ SE re urnes ue 2.000 » 


TOTAL. : 1110. 5.500 » 


Les maires des communes des Vastres, du Mazet-Saint-Voy, de 
Saint-Front, et vingt habitants de celle des Estables prient la Société 
agricole et scientifique de la Haute-Loire de faire pratiquer, le plus 
Üt possible, des inoculations anti-charbonneuses qui ont rehdu, 
l'année dernière, de grands services aux éleveurs de ces montagnes. 

Pour satisfaire à ce désir, M. Vialla, vétérinaire au Puy, va 
reprendre, dans la région du Mézenc, la série des vaccinations anti- 
charbonneuses. 

Uu rapport présenté par le D' Charbonnier à la Commission per- 
manente de l'hygiène de l'enfance, signale un mémoire de M. Rome, 
Sous-inspecteur des enfants assistés de la Haute-Loire. Ce mémoire 
a pour titre : Des conditions d'élevage des tout jeunes enfants et de 
l'observation des conseils élémentaires donnés par l'Académie de 
médecine, aux mères et aux nourrîces dans le département de la 
Haute-Loire. La Société a vu, avec la plus grande satisfaction, que 
le travail de notre confrère avait été récompensé par une médaille 
d'argent. 

Uue note de M. Vayssié, sur la conservation des arbres mutilés, 
est l’objet de la communication suivante : 

« Il arrive fréquemment aux arbres des accidents, soit par les 
effets de la séparation à la scie, au lieu d’iustruments tranchants, des 
branches reconnues inutiles, ou bien par le fort frottement d’un 

essieu de véhicule contre le tronc et leur causant ainsi une blessure 
dont ils ne peuvent plus se guérir, faute de soins. 

« Le contact de l’air ou autres influences atmosphériques, et l’action 
des légions d'insectes qui s’y forment, ne tardent guère à appauvrir 
\a partie dénuée par la plaie, accentuant plus ou moins vite la carie 
du cœur des arbres. 

« Dès lors, la croissance et la végétation se ralentissent, les feuilles 
se dessèchent et les sujets ainsi atleints finissent par périr. 

« Des divers procédés mis en pratique pour remédier à ces incon- 
vénients tels que, pulvérisations multiples et variées, apposition 

4 


50 PROCÈS-VERBAUX 


d’une plaque en zinc sur la partie malade, etc., le plus simple est le 
suivant : | 

« Combler les cavités des arbres avec du mortier à base de chaux 
hydraulique ou du Teil et sable, en ayant soin de recrépir celles qui 
en auraient besoin, tous les hivers. 

« Les effets de cette opération auront pour heureux résultals la 
stimulation des parties encore vivantes, qui, reprenant une nou- 
velle vigueur, ne tarderont pas à se débarrasser des germes el con- 
quences de la carie si funeste à leur développement. 

« Pour protéger les arbres contre les fourmis, il suffit de tracer 
sur le tronc uu collier avec un pinceau imbibé d'huile de cade. » 

M. Hérisson est désigné pour s'entendre avec le Comice d'Yssin- 
geaux et la municipalité de cette ville en vue d'organiser le concours 
départemental et de la race bovine du Mezenc dont la date reste 
décidément fixée au 20 septembre 1896. 

Dans la prochaine séance de la Société, M. Hérisson rendra compte 
de sa mission et tous les détails du concours seront réglés. 

M. Hérisson prie la Société de vouloir bien nommer une commis- 
sion à l'effet de visiter le champ : expériences établi à Chastelvol, 
près la gare du Puy. 

Sont nommés membres de cette Commission : MM. de Cailleux, 
Hedde, Breschet, Chaudier, Gazanion, Valléry-Michel et Martin, 
instituteur. 

Les récoltes présentent un aspect satisfaisant. Toutefois, la grêle a 
endommagé sur certains points du département les céréales, les len- 
tilles et les pommes de terre. 

Le phylloxéra a pris une grande extension dans tout l’arrondisse- 
ment de Brioude. Le vignoble est sérieusement menacé. 


L'un des secrétaires, 


À. LASCOMBE. 


DES SÉANCES 51 


SÉANCE DU 6 AOÛT 1896. 


PRÉSIDENCE DE M. LE Dr MOREL. 


Présents : MM. Boyer, avocat, Boyer. professeur d'agriculture à 
Charlieu, Chaudier, Gazanion, Habriat, Hedde, Hérisson, Lascombe, 
D' Morel, Mazat, Martin, instituteur, Rome, Sklénard, Triouleyre, . 
Valléry-Michel, Viala. | 


Lecture est donnée du procès-verbal de la dernière séance qui 
est adopté. 

M. le Président procède ensuite au dépouillement de la cor- 
respondance. 

M. le Maire de Saint-Georges-d’Aurac demande à notre Société 
d'accorder quelques médailles en vue de favoriser le concours 

d'animaux gras qui se tiendra le 27 septembre prochain à Saint- 
Georges-d'Aurac. — L'assemblée consultée décide qu’il sera accordé 
deux médailles d'argent et trois de bronze. 

M. le Maire de Saugues demande, eu faveur de certains proprié- 
laires de sa commune qui ont perdu dans le courant de l’année des 
animaux du charbon symptomatique, que la Société veuille bien faire 
Pratiquer des vaccinations à titre gratuit. — La Société, à la suite du 
rapport lu par M. Viala, vote un crédit de 200 fr., reliquat de la 
Subvention départementale, et charge M. Habriat de pratiquer les 
Vaccinations anti-charbonneuses demandées. 

Lettre de M. le Président de la Société Nationale d'Encouragement 

à l’Agriculture (5, avenue de l'Opéra, Paris) : 

« Nous avons l'honneur de vous informer que le concours du prix 
A4. Meynot aîné, père et fils, aura lieu cette année dans le dépar- 
tement de la Haute-Loire. 

«Ce prix, qui peut être divisé, consiste en une somme de 700 fr. 
en espèces. | 

« Il est attribué à la petite et à la moyenne culture. 

« Le concours à lieu sur titres. 

« Nous espérons que les candidats seront nombreux, comme l’an 


52 PROCÈS-VERBAUX 


dernier dans la Savoie et nous venons faire appel, pour les déler- 
miner à prendre part à ce concours, à votre influence et à votre 
dévouement aux intérêts de l'agriculture. 


« Veuillez agréer, elc. 
| « Le Député-Président, 


« Signé : Ed. CAZE ». 


M. Lascombe fait les communications suivantes : 

« Une découverte intéressante a élé faite, ces temps derniers, à 
Saint-Marcel près le Puy, village qui possède encore, quoique trans- 
formée en maison d'habitation, une église romane datant vraisem- 
blablement du xi° ou x siècle. 

« M. Terle, propriélaire actuel de celte église, ayant percé le mur 
du chevet de cet édifice en vue d'y créer un soupirail destiné à 
l'aération d'une cave, a mis au jour une plaque de marbre blanc, 
posée de champ et portant l'inscription suivante : 


SANCTVS + MARCELLVZ : 
MARTIR X . PI : AGO 


« À gauche de cette inscription figure le monogramme du Christ. 

« Au pied de cette plaque se trouvaient une boite rectangulaire en 
plomb, sans couvercle, au milieu de laquelle reposait un coffret de 
même métal, de forme quadrangulaire, surmonté d’un couvercle el 
une espèce de reliquaire en cuivre jaune auquel manquait une des 
parois. Ce reliquaire contenait deux mèches de cheveux, de minces 
appliques de cuivre et des débris de bois. 

« Dimensions de la plaque de marbre : 
« Longueur, 0,85 centimètres; 

« Hauteur, 0,32 — 

« Epaisseur, 0,03 — 

« Hauteur des lettres, 0,05 centimètres. 

« M. Jules Thomas a signalé le premier, dans le journal La Haute- 
Loire, la découverte de cette inscription dont nous avons envoyé 
une photographie à M. Allmer, correspondant de l’Institut à Lyon. 

« Ce savant épigraphiste nous écrit à ce sujet : 

« De quelle époque est cetle inscription? Vous inclinez à la consi- 
« dérer comme contemporaine de celle de saint Scutaire que 
« M. Edmond Le Blant rapporte aux dernières années du v* siècle ou 
«au vi‘, mais ne l'a-t-il pas remontée trop haut? D'après la forme 
« des lettres et des moulures, elle me paraît beaucoup moins ancienne. 


DES SÉANCES 53 


« Est encore moins ancienne l’épitaphe de Marcellus : elle me laisse 
« l'impression d’une inscription du x° siècle au plus haut, et si je 
«m'en tenais à la forme des chapiteaux dont sont couronnées les 
«colonnes romaines de la chapelle où elle vient d’être trouvée, je 
« descendrais d’un siècle encore », etc., etc. » 

« Il y a lieu de se demander pourquoi le mot Episcopus ne figure 
pas sur cette inscription puisque, depuis un temps immémorial, saint 
Marcel est honoré dans le diocèse du Puy, comme saint et comme 
évêque. | 

«Un bréviaire manuscrit du xv° siècle, déposé à la bibliothèque 
publique, et deux missels du Puy de 1511 et 1543, qualifient notre 
saint d'Episcopus et sa fêle se célèbre le 11 septembre de chaque 
année. . 

« À quelle époque a-t-il vécu, quel siège épiscopal a-t-il occupé, 
c'est ce qu'aucun document ne nous fait connaître. La postérilé n’a 
conservé de lui que le souvenir consacré du reste par les honneurs 
que lui rend l'Église. 

« Le père Branche, dans la Vie des saints el saintes d'Auvergne 
et du Velay, dit que le martyr de saint Marcel eut lieu peu après le 
décès de saint Scutaire, évêque du Puy, c'est-à-dire au vie siècle. 

« Le sanctoral de Mgr de Maupas du Tour, édité en 1661, donne 
sur saint Marcel les renseignements suivants : 

« Tandis qu’un saint évêque, appelé Marcel, traversail, en voya- 
« geant, le territoire du Puy, des habitants de la campagne, ennemis 
« déclarés du nom chrétien, se saisirent de lui et, après l’avoir cruel- 
« lement frappé, ils le conduisirent à un arbre voisin du Puy et là le 
“ décapitèrent. Un rocher demeura longtemps teint de son sang et 
« l'arbre près duquel avait été conduit le martyr recut ensuite le nom 
« d'arbre de saint Marcel. 

« Le corps du saint martyr, qui reposa quelque temps sous son 
« ombre, se releva tout-à-coup comme s’il eût été vivant et, prenant 
«en ses mains la tête, il la porta d’abord à une fontaine voisine où 
«il la lava, ensuite dans un édicule consacré à la sainte Vierge qui 
«se trouvait à peu de distance et où il marquait qu'il voulait étre 
«“enlerré. D'où il vint que le village où se trouve cet édicule porte 
«encore le nom de Saint-Marcel. Quant à la fontaine dans laquelle la 
« lêle sacrée ful lavée, elle eut le pouvoir de guérir diverses maladies. 
« Au lieu même de son martyre les fidèles élevèrent à saint Marcel 
« un temple qui, plus tard détruit par la guerre, fut reconstruit sur 
«le même emplacement mais dans des proportions moins consi- 


« dérables. » | 
C'est encore M. Jules Thomas qui, par l'organe du journal Za 


54 PROCÈS-VERBAUX 


Haute-Loire, nous a fait connaitre la découverte d’une inscription 
romaine à Saint-Paulien.. 

« Un propriétaire de cette ville, en défonçant un champ situé au 
lieu dit Marchadial, a trouvé, à ? mèlres de profondeur, des briques 
striées, deux cols d’amphore, une pièce de bronze à l'effigie de 
Lucille, fille de Marc Aurèle, une autre de la colonie de Nimes, des 
débris de vases en terre, un mascaron en terre cuite, et une petite 
tablette en marbre blanc portant sur les deux faces une inscription 
latine : 


Face principale. Face postérieure. 
SALVTI GE SALVTI GENE 
NERIS HV RIS HVMANI 
MANI. L. SERGIVS PRI 
SERGIVS MVS MERI 
PRIMVS TO POSVIT 
POSVIT DEAE 

MERITO 


À propos de cette double inscription soumise également à la haule 
compétence de M. Allmer, ce dernier nous adresse la note qu 
suit : 

« La petite inscription romaine que vous venez de m'envoyer n’est 
ni encombranute ni banale : elle me paraît être du n° siècle ou peut- 
être du mme. C’est, comme vous l’avez vu, d’après la bonne lecture 
que vous en donnez, un acte d'action de grâces à la déesse Salus, 
conservatrice « du genre humain ». Il n’y a rien à y chercher de 
chrétien; c’est tout à fait païen, ainsi que le montre le mot Dear qui 
termine le lexte de l’avers de la face postérieure et se rapporte à 
Salutr : « la dea Salus generis humani. » On trouve la déesse Salus 
populi Romani, mais jusqu’à présent je ne connaissais pas d'exemple 
de la déesse Salus du genre humain. Quel grand et terrible événe- 
ment a donc pu inspirer des craintes pour la conservation du genre 
humain ? Une guerre, un tremblement de terre, une invasion de 
barbares n’ont pas des proportions assez vastes pour faire naître une 
telle appréhension. Je penserais volontiers à cette grande peste des 
années 166 et suivantes qui, partie du centre de l'Afrique, envahit 
l'Égypte, le pays des Parthes, puis l’Europe et particulièrement l'Italie 
et toute la Gaule, jusqu’au Rhin, et put sembler devoir être la fin du 
monde. La forme des lettres ne permet, ni de remonter au r<" siècle, 
ai de dépasser la moilié du rtre. » 

Un habitant de Borée (Ardèche), chef-lieu de commune, situé à une 
allitude élevée et en face du Gerbier des Joncs, a découvert, en 


DES SÉANCES 55 


démolissant un mur, 600 pièces de monnaies françaises, contenues 
dans un vase qu'il s’est empressé de détruire. 

Ce dépôt numismatique remontant au moyen âge comprenait des 
deniers tournois de Louis IX et de Philippe IV dit le Bel, des doubles 
bournois et des gros tournois de Philippe de Valois, enfin des gros 
lLournois de Charles V. 

Ces pièces, dont quelques-unes en argent et les autres en billon, 
ont été frappées durant la période qui s'étend des années 1226 à 
1380, et leur disparition remonte à la fin du xiv° siècle. 

M. Sahy, négociant au Puy, devenu acquéreur de ces monnaies, a 
eu la générosité de faire don au musée de notre ville d’un double 
spécimen de chacune d'elles. 

Le Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique 
de la Corrèse (t. XVIII, 2° livraison) reproduit le sceau d’Augustin de 
Mailhet, évêque de Tulle, né à Vachères (Haute-Loire), le 22 août 
1:63, nommé évêque de Tulle et sacré le 24 avril 1825, mort le 
16 mai 1842. 

Sceau ovale de 19 centimètres sur 15, plaqué sur une lettre à 
M. le comte de Valon (19 mai 1830). 

Pas de légende. 

Dessin. — Écusson aux armes (d'azur à trois maillets d'argent 
2? et 1), posé sur un cartouche, timbré d’une couronne de marquis, 
accostée d’une mitre et d'une crosse et surmontée du chapeau 
épiscopal. Ce sceau est au musée de Brives. 

M. Chaudier, rapporteur de la commission nommée à l'effet de 
visiter le champ d'expériences situé à Chastelvol, près Ie Puy, lit le 
rapport suivant : | | 

« La commission nommée pour visiter le champ d'expériences de 
la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire s’est rendue sur 
les lieux, le 17 juillet dernier. 

« Elle a pu constater que le professeur départemental d'agricul- 
lure, qui en a la direction, continue à y faire des essais très sérieux 
sur ce qui peut intéresser la culture dans notre département. 

« Les variétés de céréales les plus recommandables y sont expé- 
rimentées, ainsi que celles de pommes de terre à grand rendement. 

« Des expériences sur l'emploi des engrais chimiques appliqués à 
la culture de la lentille s’y poursuivent d’une facon très suivie. 

a On y trouve aussi des échantillons de diverses plantes four- 
ragères recommandées dans ces derniers temps, etc., etc. 

« En un mot, tout y est coordonné de la façon la plus intelligente. 
Mais ce ne sera qu'après la récolte et après le pesage et le mesurage 
des produits de chaque carré en particulier que l’on pourra tirer une 


56 PROCÈS-VERBAUX 


conclusion de ces travaux qui ont une grande importance pour 
l'avenir de notre agriculture locale. » 

M. Hérisson donne quelques renseignements sur l'admission tem- 
poraire des blés et renvoie à une prochaine séance de faire, s'il y a 
lieu, un rapport complémentaire sur celte question. 

M. Viala rend compte de sa tournée d’inoculations anti-charbon- 
neuses, dans les communes du Mazet-Saint-Voy, des Vastres, de 
Saint-Front et des Estables. Le nombre des inoculations pratiquées 
à été de 736, soit 42 environ par tube : il lui a été impossible de 
satisfaire à toutes les demandes; les inoculations ont parfaitement 
réussi, car aucun Cas de charbon n’a été signalé dans ces communes. 

On a prévenu les agriculteurs que l’année prochaine ces opérations 
ne seraient plus gratuites; ceux-ci font des démarches auprès de 
leurs municipalités pour allouer à la Société agricole et scientifique 
une somme annuelle qui lui permette de continuer gratuitement 
ces inoculations, ainsi que celles du r'ouget des porcs. 

M. Gazanion fait part à l'assemblée des observations qu’il a faites 
sur les pluies tombées pendant le mois de juillet qui donnent au total 
une couche de 156 millimètres. | 

M. le docteur Morel, à l'occasion des accidents qui ont eu lieu 
récemment par suite des morsures faites par des vipères, lit la 
nolice suivante sur les mesures à prendre en pareils cas : 


« Messieurs, 


« Dans nos réunions mensuelles, plusieurs fois, il a été question 
des serpents; il y a quelques années, un de nos collègues, Moullade, 
pharmacien, mort malheureusement depuis cette époque, nous 
entretenait du mimétisme, c’est-à-dire de cette faculté spéciale qu'ont 
les reptiles, comme quelques autres animaux du reste, de prendre, 
à la longue, à peu près la couleur du terrain sur lequel ils vivent, 
échappant ainsi plus facilement aux regards de leurs ennemis. C’est 
ainsi que dans nos régions, dans les terrains volcaniques, à Denise 
par exemple, la vipère est rougeâtre; dans nos vignes de Chausson, 
elle est comme la terre, couleur gris de fer, et dans les terrains 
marneux, entre Rochelimagne et Blanzac, elle est grisâtre. 

« Moi-même, il y a un an environ, j'ai pu déposer sur votre bureau 
un bocal renfermant plus de 250 petites couleuvres ramassées par 
un poseur du chemin de fer sous quelques roches bordant la voie, 
aux environs de Fix; je vous faisais remarquer, à celte occasion, 
combien ces reptiles sont prolifiques, et combien, par conséquent, il 
est important de les détruire, si l’on songe surtout qu'ils ont une 


DES SÉANCES 57 


résistance très grande, puisqu'il est reconnu qu’ils peuvent vivre plus 
de cenl ans. 

« Dernièrement encore, le docteur Boyer, un savant doublé d’un 
spirituel écrivain, par deux fois nous a parlé des serpents et plus 
particulièrement des vipères. 

« 11 nous a décrit le mécanisme de l'injection du venin, par deux 
crochets canaliculés, ordinairement couchés le long du voile du 
palais et se relevant lorsque l’animal voulait mordre méchamment: 
leur base appuyant alors sur la glande à venin, située entre l'œil et 
la branche montante du maxillaire supérieur, la comprime et le 
venin, s'échappant alors par les canaux dont sont creusés les cro- 
chets, est projeté dans l'épaisseur des tissus. C’est une véritable 
injection, comme on en pratique tous les jours avec la seringue de 
Pravaz. | 

« Le venin, ainsi directement porté dans le torrent circulatoire, 
arrive rapidement au cerveau et, agissant très probablement sur le 
bulbe, peut très rapidement entraîner la mort, comme on en voit de 
{rop fréquents exemples, non pas heureusement dans nes régions 
lempérées, mais dans les pays placés sous les zones chaudes où se 
trouvent les serpents les plus venimeux, tel que le cobra ou serpent 
à lunettes dans les Indes, où on évalue environ à 22,000 par an, le 
nombre des victimes faites par ce seul serpent; le caméroun dans le 
Gabon, où se trouve encore la vipère rhinocéros, ies crotales ou 
serpents à sonnettes dans la Guyane et la Plata, enfin en Egypte, 
l'aspic (naja-haje), tout petit serpent, cependant très venimeux, 
devenu historique par la mort de Cléopâtre. 

« Permettez-moi, à cette occasion, une petite digression, pour vous 
signaler que cette manière de se donner la mort existe encore dans 
ce beau pays, où l’on trouve des matrones conservant en cage de 
ces jolis petits animaux qu’elles vendent ou prêtent, moyennant 
rétribution, bien entendu, à ceux ou à celles qui veulent en finir 
avec la vie, aux jeunes filles tout particulièrement, prises comme la 
reine Cléopâtre d'un violent dépit d'amour. 

« L'aspic y remplace le légendaire réchaud de nos grandes villes. 

« En Europe, fort heureusement, nous n’avons qu’une seule espèce 
de serpent venimeux : la vipère, dont la morsure, quoique moins 
redoutable que celle de ces terribles ophidiens que nous venons de 
vous signaler, n’en est pas moins très dangereuse, car quoi qu'en ait 
dit Fontana et autres, il est bien certain qu’en France la morsure de 
la vipère adulte amène souvent la mort chez l'homme, qu’elle met 
toujours sa vie en danger ou compromet sa santé pour un très long 
temps, voire même pour loujours. 


58 PROCÈS-VERBAUX 

« Comme nous le disait le docteur: Boyer, on ne saurait donc trop 
encourager les chasseurs de serpents, les hommes qui, comme 
Courtol, font presque un métier de cette chasse, grâce à la fameuse 
prime de 25 centimes payée par la préfecture, pour chaque vipère 
adulte présentée. 

« La communication du D' Boyer, bien certainement adressée à la 
Revue Scientifique dont il est un des collaborateurs, a fourni à un 
des rédacteurs du Petit Journal, Thomas Grimm, le fond d'un 
excellent article, paru dans le numéro du 7 juillet dernier, article 
dans lequel il est grandement question de Courtol, qu’il dénomme le 
tueur de vipères du Velay, qui, dit-il tient jusqu’à présent le record 
pour celte chasse, puisqu’en 7 ans, d’après les chiffres officiels, 
Courtol a tué plus de 9,000 de ces dangereux reptiles. 

« Ce Courtol me rappelle un homme presque devenu célèbre dans 
notre ville, un homme que l’on trouvait toujours là où il y avail un 
danger à courir, un sauvetage à opérer, un homme dont le nom 
passera à la postérité, grâce à un vers bien connu de notre poële des 
champs, Monsieur Calemard de Lafayette : 


«a Bada dont le courage ennoblit les pieds nus. 


« Quoi qu’il en soit, s’il est bon de détruire les serpents et d’encou- 
rager, par conséquent, ceux qui leur font la chasse, ce qui n’est pas 
toujours sans danger, il n’en est pas moins utile, à cette époque de 
l'année surtout où l’on fait les moissons et où la chasse va s'ouvrir, 
de rappeler d’une manière succinte, les moyens les plus pratiques 
el les meilleurs à employer immédiatement pour traiter l’homme ou 
l'animal mordu par une vipère, sans s’en rapporter, ce qui arrive 
trop souvent, à ces prétendus guérisseurs qui ne font que rassurer 
le moral, en laissant au venin toute sa puissance d’action. 

« Donc, en cas de morsure par une vipère : 

« 1° Pour retarder l'absorption du venin, placer une ligature avec 
un lien quelconque, ou au besoin avec un mouchoir de poche, entre 
la partie mordue et le cœut:; ainsi, si l’on est mordu au doigt, liga- 
turer vers la racine de ce doigt; si l’on est mordu à la main, placer 
la ligature au-dessus du poignet, si l’on est mordu au pied ou vers 
la cheville, ce qui arrive fréquemment, la mettre au-dessous du 
æenou, elc. 

« 20 Faire sortir de la morsure le plus de venin possible et, pour 
cela, avec un instrument tranchant quelconque, agrandir la plaie el 
la sucer énergiquement sans avoir aucune crainte, car, aujourd'hui, 
il est bon qu’on le sache bien, il est parfaitement établi que le venin 
de la vipère, même lorsqu'il est avalé, n’a aucune action sur notre 


DES SÉANCES 59 


économie; on peut cependant, à chaque succion, cracher le sang 
et, par conséquent, le venin ainsi recueilli dans la bouche. 

« À ce propos, il me revient en mémoire le fait d’un enfant de 7 à 
8 ans, mordu à la main par une vipère dans le chemin qui conduit à 
la Roche-Arnaud; la mère ayant immédiatement pratiqué la succion, 
les accidents consécutifs ont été assez bénins, et tout s’est borné à 
quelques vomissements et à un gontiement assez sensible du bras, 
gonflement qui s’est dissipé en cinq à six jours. 

« 3° Ces précautions préliminaires prises avec sang-froid et calme, 
laver les plaies produites, soit par les crochets du serpent, soit par 
l'instrument tranchant si on a cru devoir l’employer, avec une solu- 
tion à un pour cent de permanganate de polasse ou d’acide chro- 
mique; on ne doit pas craindre de faire profondément pénétrer le 
liquide dans la plaie, cette pénétration n'étant point douloureuse 
comme celle de l’alcali volatil (ammoniaque liquide) jusqu’à nos 
jours si généralement employé. Toutes ces petites opérations faites, 
la plaie recouverte d’un linge imbibé de la solution antiseptique, 
tout danger est écarté et l’on peut être complètement rassuré sur les 
suites à venir. 

« Mais à propos de la morsure des serpents venimeux, la science 
n’a pas dit son dernier mot, et voilà que le Dr Calmette, directeur de 
l’Institut Pasteur de Lille, élève du D' Roux, vient de publier une 
brochure des plus intéressantes et des plus utiles sur le traitement 
des morsures venimeuses par le sérum des animaux vaccinés. 

« Comme pour la préparation du sérum antidiphtérique, le Dr Cal- 
melle a vacciné des chevaux, en injectant dans leurs veines des 
doses croissantes de venin, graduellement mélangé à doses décrois- 
santes d’une solution d'hypochlorite de chaux à 1/60°. 

« Ces injections sont répétées tous les 4 ou 5 jourset, au bout de 
six mois, le sérum de ces chevaux jouit de propriétés thérapeutiques 
que l’on peut employer contre les morsures des serpents, même les 
plus venimeux. 

« Ce sérum, comme le sérum antidiphtérique, est doué à la fois 
d'un pouvoir préventif et curatif. 

« Et justemeut dans l'article de Thomas Grimm, dont je vous par- 
lais il y a un instant, — article intitulé : Les Vipères, — nous lisons : 

« Les journaux anglais nous apportent la nouvelle que le sérum 
« antivenimeux du D' Calmette vient de donner, dans plusieurs cas, 
« d'excellents résultats et de procurer des guérisons réelles chez des 
« sujets mordus aux Indes par quelques-uns de ces redoutables 
« serpents, dont le venin entraîne si rapidement la mort. 

« Ces nouvelles ont élé accueillies avec joie et reconnaissance dans 


60 PROCÈS-VERBAUX 


« nos colonies, où la sérothérapie semble une fois de plus appelée à 
« sauver des vies humaines. » 

« Honneur donc au Dr Calmette, mais honneur surtout au créateur 
de la sérothérapie, au docteur Roux, notre collègue, puisque nous . 
avons l’insigne honneur de le compter parmi les membres de notre 
société, et je dirai encore presque notre compatriote, puisqu'il a fait 
toutes ses premières études dans notre vieux lycée du Puy. » 

M. Chaudier ajoute qu'il est d'autant plus à propos de faire con- 
naître à nos cultivateurs ces mesures défensives qu’en ce moment, 
par suite des dernières pluies, les vipères sortent de leurs retraites 
el se rencontrent très fréquemment sous les javelles des céréales 
qu'on a élé forcé de laisser sur le sol pour les faire sécher. 

Le monde des plantes, revue internationale illustrée de botanique 
(numéro du 1°" août 1896) signale la découverte par M. Liotard de plu- 
sieurs espèces de mousses non mentionnées dans la Flore du Velay 
d'Arpaud. Elles ont élé trouvées à l’'Ermitage près le Puy, au bois de 
Paradis près Espaly el dans le voisinage de la ferme de Laval, à 
2 kilomètres environ du village de Vals. 

M. Hérisson, qui s'est rendu à Yssingeaux avec M. Chaudier à 
l'effet de prendre les arrangements nécessaires pour la tenue des 
concours qui doivent avoir lieu dans cette ville le 20 septembre pro- 
chain, rend compte des dispositions du programme soumis à l'ap- 
probation de notre société. Il est très important de bien fixer d'avance 
les conditions de ces concours, pour déterminer exactement les 
sommes qui leur seront affectées et de prévenir toute espèce de 
difficultés. 

La ville d'Yssingeaux se charge de l'installation du concours, pour 
lequel le comice agricole de cette ville a voté une somme de 800 fr. 

De son côté, la Société agricole et scientifique affectera à la tenue 
du concours départemental uneesomme de 2,100 francs, et pour le 
concours de la race bovine du Mezenc, celle de 2,000 francs. 

Désignation du jury. — Le jury comprendra: 1° pour le concours 
du Mézenc, 6 membres du Puy et 4 d’Yssingeaux, 2° pour le con- 
cours départemental, 4 commissions, deux pour l'espèce bovine, 
comprenant chacune 4 membres du Puy el 4 membres d’Yssingeaux, 
une commission pour les espèces ovine et porcine, comprenant 
3 membres du Puy et 3 membres d’Yssingeaux, enfin la quatrieme 
commission, chargée d'examiner les instruments et produits divers 
sera composée de 3 membres du Puy et de 3 d’Yssingeaux. 

L'assemblée, consultée, approuve l’ensemble du programme et 
procède à la nomination des membres du jury. Sont désignés à cet 
eflet : 


DES SÉANCES 61 


MM. Dr Morel, A. Jacotin, Hérisson, Chaudier, Hilaire, Giraud 
- (Henri), Viala (Odilon), Habriat, Pascal, Carle-Beraud, Cortet, Gire 
(Jules), Roussel (Antonin), Valléry-Michel, Hedde (Philippe), Boyer, 
professeur d'agriculture, Gazanion (Ed.), Blanc-Marthory, Dreyfus, 
Arnaud-Delaigue, Sklénard, Paul Vibert, Fr. Triouleyre. 

État des récoltes, — M. Chaudier expose que les dernières pluies 
ont causé un véritable désastre dans notre région, particulièrement 
dans la zone comprise entre 600 et 900 mètres d’allitude. La récolte 
qui était très belle n’a pu sécher suffisamment après la moisson pour 
être mise en pignons, de sorte que les grains germent sur le sol. 
Par contre, les regains promettent et le raisin est assez avancé. 


L'un des secrétaires, 
Ph. HEDpE. 


SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 18%. 


nn | 


PRÉSIDENCE DE M. LE Dr MorEL. 


Présents: MM. Antier, Bernard, Dr Boyer, de Brun, D' Coiflier, Drey- 
fus, Ferret-Deschamps, Gazanion, Louis Gueyflier, Hedde, Jacotin, 
Lascombe, Mallat, Martin, instituteur, Dr Morel, Pellissier, Rioufol, 
Sklénard, Valléry-Michel et Viala. 


Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté sans 
observations. 

M. le Président rend compte du concours départemental et de la 
race bovine du Mézenc, tenu à Yssingeaux ie 20 septembre dernier, 
en présence de M. Menault, inspecteur général d'agriculture, 
délégué par M. le ministre de l'Agriculture. 

Notre confrère, M. Viala, nous communique, ainsi que suit, les 
réflexions de M. Menault, sur la race du Mézenc et les fait suivre de 
conseils adressés aux agriculteurs de cette région : 

« Frappé des progrès qu’elle a faits depuis une vingtaine d'années, 
M. Menaull nous a fait constater chez certains sujets, sélectionnés, 


62 PROCÈS-VERBAUX 


il est vrai, la pureté des lignes, l'harmonie des formes, la souplesse 
de la peau, la finesse des extrémités, la diminution de la cheville 
osseuse, la tendance à la précocité, enfin, tous les caractères que 
l'on doit demander aux animaux pour racer. Le front carré et le 
profil droit ont attiré plus particulièrement son attention; il ne 
devrait pas y avoir un surélévement de la queue à sa base, nous 
disail-il, ce n’est pas en harmonie avec les autres caractères, il y a 
là évidemment une lacune qu'il faut combler; cherchez la cause, 
détruisez-la el vous n'aurez plus leffet. Pour ce qui est du fanon, 
n'ayez aucune appréhension, vous arriverez sinon à le supprimer du 
moius à le modifier. | 

« Vous avez en maiu les deux armes indispensables pour vaincre 
ces ditiicultés; ces armes sont l'alimentation et la reproduction. 
Pour ce qui est de la première, vous n'avez rien à désirer; si vos 
prairies ne sont pas des prairies d'embauche, peut-on discuter sur 
la variélé de votre flore? Les päturages aromatiques de vos mon- 
tagnes valent infiniment mieux que les joncs des prairies basses et 
humides, et la chair ferme, savoureuse et parfumée de vos animaux 
de boucherie est autrement appréciée que la chair flasque ou malle 
et sans goût des animaux de certaines contrées. 

« Tous vos produits jouissent d’une supériorité marquée; comme 
preuve, consultez les cours des marchés de Paris, vous y verrez 
figurer en un haut rang la Haute-Loire. Qu’avez-vous à désirer de 
plus ? Voilà qui vous base sur la question d'alimentation, la valeur 
putitrive de vos fourrages et l’heureux résultat de leur transforma- 
tion en produits de premier choix. 

« Voici maintenant le moment arrivé d'employer l'arme signalée 
en second lieu; n'opérez point par à-coups, allez progressivement, 
allez sagement, vous arriverez sûrement : je veux parler de la 
reproduction et du choix des reproducteurs en général et de la 
séléction en particulier : évitez ces mariages fantaisistes qui, 
comme résultat de longs sacrifices, viennent, par un coup d’ata- 
visme, renverser et détruire en une saison l’échafaudage construil 
à force de peines et d'argent. 

« Sélectionnez, sélectionnez, il en restera toujours quelque chose; 
mais, sous quelque prétexte que cela soit, si vous voulez maintenir 
à l'état de pureté votre race du Mésenc, évitez les mésaillances, 
même avec les animaux les plus perfectionnés, vous vous ména- 
ceriez une série de déceptions qui seraient capables de rebuter les 
plus entreprenants, les plus convaincus, ceux en qui vous fondez 
toute espérance pour: la reconslitution et l'amélioration de votre race 
locale. 


DES SÉANCES 63 


« Le gouvernement de la République met à la disposition de la 
Société agricole et scientifique de la Haute-Loire une somme qui est 
sacrifiée par différence de prix de l'achat à la vente des repro- 
ducteurs de la race pure du Mézenc, aux conditions que ces repro- 
ducteurs mâles seront, de la part de l’adjudicataire, conservés 
jusqu’à l’âge de trois ans avec leur faculté pro-créatrice ; ils pourront 
être utilisés pour les travaux agricoles, mais ne seront émasculés 
que dans les cas de frigidité ou de méchanceté pouvant les 
rendre dangereux, cas qui doivent être constatés par un délégué de 
la Société. En outre, le détenteur est tenu de les prêter pour la 
saillie, moyennant reétribution, laquelle ne pourra dépasser la 
somme de 1 fr. 

«Les taureaux porteront un numéro d’ordre à la corne droite, et 
les lettres H. B. (Herd-Book) à la hanche du même côté; ils rece- 
vront un nom qui évoquera leur origine en tant que lieu de leur 
naissance ou titre de filiation. Il devra également être pris note du 
signalement des vaches saillies, mais appartenant seulement à la 
race du Mezenc; ces produits, dûment enregistrés, seront, de préfé- 
rence, achetés par la Société, dans le but de continuer l'œuvre 
commencée, qui est l'amélioration de la race du Mézenc. 

« Tel sera le début du Herd-Book. Les statuts du Herd-Book 
normand que M. Leblond, préfet de la Haute-Loire, a bien voulu 
procurer à la Société agricole et scientifique, nous ont, en cette cir- 
conslance, rendu un réel service ; aussi a-t-il droit à toute notre 
gratitude. » 

« À tort ou à raison, l’administration de l'Agriculture cherche à 
éliminer des concours régionaux les races qui, comme celle du 
Mézenc, y sont représentées par un nombre plus que restreint de 
sujets. En effet, au programme du concours régional de Clermont, 
en 1895, on y voit attribuer un prix à chaque animal exposé. 

« C'était un beau résultat, dû en partie à M. le Président du con- 
cours, qui avait engagé la commission à ne pas faire de virements 
de fonds en ce qui concernait cette section. 

«a Le résultat a été moindre, cette année, au concours de Mont- 
pellier ; il est vrai aussi que cette exhibition agricole n’était pas 
présidée par un fervent admirateur des bovidés de l'Allambre et de 
ses environs, et qu’il a fallu un M. Chaudier pour être défenseur 
d’une cause gagnée, présentée devant un juge ayant une opinion 
contraire déjà formée. Nous ne pouvons ni critiquer la valeur des 
produits exposés, ni vouloir faire accroire à M. l’Inspecteur général 
d'agriculture que la Haute-Loire avait envoyé à Montpellier les 
meilleurs échantillons de ses produits. 


G1 PROCÈS-VERBAUX 


« Maintes courses nous ont appelé à visiter, par à peu près, toutes 
les fermes de cette haute région; nous avons pu nous rendre un 
compte exact de la valeur de cette race; elle est, comme le disait 
M. Bénion, aussi mal logée que le paysan, aussi mal soignée que lui, 
s’accommodant de peu et rendant beaucoup. Dans ses descriptions de 
la Tarentaise, le même auteur ne cesse de nous prendre à partie. 

« En cé qui concerne les habitations de nos animaux, il n'a 
évidemment pas tous les torts; mais on comprend aussi qu’il n’a 
jamais habité les Estables ou vu une inondation au Pied d’Aigle. 
Roche-Grosse ou le Chaslelas lui sont restés aussi inconnus que les 
exigences de la vie dans cette partie montagneuse où, par le mau- 
vais temps, on voit assez souvent le fermier s'égarer ou mourir 
presque au seuil de son habitation. 

« Les concours régionaux où figurera la race du Mézenc prove. 
pant des plus hauts sommets, soumis au régime pastoral, Mona 
ront une fausse idée de cette race. 

« Ne sont-ce pas, eu effet, toujours les mémes exposants qui : 
suivent tous les concours? Les prix qu’ils obtiennent suffisent large- 
ment à les rémunérer de leur perte de temps (ne faisant rien chez 
eux, elle est de peu de valeur), du détraquement des animaux; car, 
le changement de régime, les transports en chemin de fer, le trajet 
du domaine à la gare et inversement, sont autant de causes qui 
détraquent les animaux. 

« Ces mêmes causes sont celles qui éloignent les fermiers ou les 
propriétaires des domaines où l’on a besoin du bétail pour l'agri- 
culture. C'est cependant dans ces exploitations que l'on rencontre la 
race dans toute sa force, la race comme ne la voient pas ses détrac- 
teurs. Cela tient évidemment à la production du sol en général el 
des céréales en particulier; ces dernières, riches en acide phospho- 
rique, facilitent le développement du squelette et le travail de 
celui des masses musculaires. 

« À la suite de la tournée de la prime d'honneur dans la Drôme, 
M. le Directeur de la ferme-École de Nolhac nous disait : Vous ne 
vous figurez pas ce que sont les bœufs du Mezenc dans le dépar- 
tement que nous venons de visiter ni dans ceux de l'Isère el de Vau- 
cluse. Assurément c'est une race, elle n’est pas à négliger, elle 
mérile au contraire d’être prise au sérieux, et jamais animaux ne se 
sont comportés plus dignement qu'eux en dehors de leur habitat. 

« Baudement, le père de la Zootechnie, en 1866, en assignanl l'aire 
géographique de la race, l’étend bien dans ces départements; 
MM. Moll et Gayot l'y enferment aussi et font son éloge. 

« L'année prochaine, le concours se tenant à Valence, le déplace- 


DES SÉANCES  . 65 


ment sera moins coûteux, vu la proximité de celte localité. Nous 
engageons les agriculteurs à s’y présenter en nombre et à montrer 
qu'il y a des sujets dignes de récompense dans les cantons de Fay et 
du Monastier. » 

La commission, chargée de faire l’acquisition de jeunes taureaux 
s'est transportée dans les centres de production et les localités où 
sont amenés en nombre les animaux de la race du Mézenc pour y 
être vendus. Aux foires de Fay-le-Froid et des Estables elle a acheté 
de très beaux sujets qui ontété revendus dans des conditions satisfai- 
santes le 2 novembre, foire de la Toussaint, par l'intermédiaire de 
M. le commissaire-priseur. 

La note suivante, relative à la protection des bords des rivières, 
est lue par M. Philippe Hedde : 

« Le plus généralement, on a jusqu'ici cherché à protéger les 
rives contre les inondations, soit par des plantations, soit par 
des digues longitudinales plus ou moins insubmersibles. Il est rare 
que ces moyens soient efficaces, el souvent ils ont élé la cause de 
plus grands désastres. On comprend, en effel, que dans le cas des 
plantations, les terres détrempées finissent par ne plus opposer de 
résislance au déracinement des arbres et que ceux-ci, entrainés 
par le torrent dévastateur, deviennent de véritables béliers empor- 
lant lout sur leur passage. Dans le cas des digues longitudinales, 
celles-ci, si bien construites qu’elles puissent êlre, ne peuvent, lors 
des grandes crues, s'opposer complèlement au passage le long de 
leur paroi extérieure au fleuve ; de là un ravinement le long de cette 
paroi qui se dégaruit peu à peu eu détruisant la stabilité de la cons- 
truction. | 

« Les idées actuelles tendent de plus en plus à ménager à la rivière 
uu lit aussi large que possible pour le régime ordinaire, et à 
laisser passer sans résistance l’eau des crues extraordinaires ; 
lelles sont les digues submersibles longitudinales employées le long 
de nos rivières. Mais ce moyen, suflisant pour diminuer la fré- 
quence des crues moyennes et éviter les ravages signalés plus haut, 
ne remédie pas aux efforts destructeurs des eaux sur les sols 
riverains envahis par les eaux lors des grandes inondations. La 
canalisation du Rhône nous offre des exemples de digues transver- 
sales qui, s'appuyant sur les digues parallèles au fleuve, donnent 
aux terrains envahis un surcroit de résistance permellant de les 
meltre à l'abri du ravinement. C’est l'application raisonnée de ce 
principe que je viens soumettre à l'attention des personnes qui 
s'occupent de ces questions si importantes pour les agriculteurs riv e- 
rains de nos rivières torrentueuses. 

5 


66 PROCÈS-VERBAUX 


« Dans notre système. le gazonnement est la seule protection à 
donner aux surfaces des diverses digues : un gazonnement par 
placage, alin de mettre immédiatement la digue à l'abri; ces digues 
peuvent du reste être préparées à leur partie centrale par des amas 
de pierres, revêlus d'une quantité de terre suffisante pour la 
croissance du gazon. De celle façon, il n’y a aucune surface 
perdue, el les digues peuveul même étre ulilisées pour l'irrigation. 

« Le système protecteur comprend d'abord une digue latérale à 
la rivière, assez élevée pour ne pas élre submergée dans les crues 
ordinaires non torrentueuses, son profil est celui d'un talus de forti- 
fication, les inclinaisons des talus dépendent de la cohésion variable 
des terres; là partie supérieure d’une coupe transversale au 
fleuve doit être horizontale, tandis que la ligne de faite est parallèle 
au cours de la rivière. De distance en distance, soit à intervalles de 
150 à 200 mètres, selon la configuration du sol, des digues trans- 
versales, à section trapézvïdale, s'étendent normalement à la pre- 
mière digue latérale, de façon à ce que leur niveau supérieur, qu 
doit étre toujours horisontal, parte du faite de la chaussée latérale 
pour finir à zéro, au niveau du sol naturel. 

« Le terrain riverain se trouve ainsi divisé en secteurs quadran- 
wulaires, bornés par trois chaussées; l’espacement des chaussées 
lransversales se trouve déterminé par cetle règle que le pied d'une 
des chaussées d'amont se trouve au niveau du faite de la chaussée 
d’aval. 

« Ilest facile de se rendre comple de l'effet d’une inondation sur 
un pareil système. En temps ordinaire el par des crues moyennes, 
la rivière coule librement sur son lit élargi, et, au fur el à mesure 
de sa crue, envahit les chantiers inclinés et gazonnés n’offranl 
aucune résistance ; elle s'écoule donc saus produire de ravages; son 
lit se trouve simplement élargi dans une proporlion assez notable, 
ce qui tend à diminuer la rapidité de la crue verticale. Lorsque 
Ja crue dépasse le faite de la chaussée latérale, l’eau envahit les 
chantiers intérieurs; mais c'est uue eau simplement chargée de 
détritus terreux, car les pierres qui roulent sur le fond sont arrétées 
par la chaussée latérale ; le remplissage des chantiers transversaux 
se fait ainsi progressivement el sans donner lieu à un courant 
rapide, grâce aux obstacles successifs opposés par les chaussées 
transversales. Lorsque ces chantiers sont remplis, la partie infé- 
rieure, captée entre deux traverses, sert de matelas empéchant 
l'afouillement des terres; la crue a, à partie de ce moment, toute 
liberté pour se développer sans rencontrer de résistance; mais le 
cours supérieur de l'eau est seul en mouvement, la partie qui touche 


DES SÉANCES 67 


au sol, restant immobile, ne peut le raviner. Le sol, au lieu d’être 
emporté, se colmate au contraire, lors de l’assèchement, par les 
matières terreuses restées en suspension dans les eaux; l’assè- 
chement est plus lent, il est vrai, que lorsque la rivière n’est pas 
protégée; mais ce résultat est plutôt favorable à un écoulement 
régulier et diminue d’autant la période dangereuse de l’inondation. 

«L'ensemble de ces travaux n’exige pas de grandes dépenses; il 
est à la portée de tout cultivateur patient et désireux de conserver 
ses terres en bon état. Nous l'avons, du reste, vu appliquer el 
constaté qu’il donne d’excellents résultats. 

« [l'est à prévoir que, dans des cas particuliers, la solution de ce 
problème présentera des difficultés, particulièrement dans le cas du 
confluent de deux rivières également torrentueuses;, mais nous 
croyons que, même dans les cas les plus difficiles, on pourra arriver 
à une solution satisfaisante, si l’on peut satisfaire à ces deux con- 
ditions qui sont la base du système : n’opposer aucune résistance au 
libre écoulement de l’eau et éviter l’apport des matières lourdes sur 
le sol à protéger. » 

À propos d’une orge nouvelle à introduire dans la Haute-Loire, 
M. Pellissier, ingénieur de l'institut national agronomique, lit le 
rapport suivant : 

« Les brasseurs d’Outre-Rhin et leurs collègues de la Hongrie 
tiennent en grande estime une variété d’orge spéciale : l'orge pré- 
coce de Hanna. Aussi la culture de celte céréale assure-t-elle une 
rémunération assez élevée aux agriculteurs qui lui font une place 
marquée dans leur assolement. 

« Connue en France, il y a quelques années, elle se fit remarquer 
par le bel aspect de son grain et la supériorilé de ses qualités indus- 
rielles. Notre éminent maître, M. Schribaux, directeur de la station 
d'essais de semences, l’étudia spécialement et remarqua les aflinités 
quelle présente avec la variété dite: orge de Moravie, supé- 
rieurement cotée, elle aussi, par l’industrie. 

« De sérieux essais de culture furent entrepris en France, en 1895, 
par suite de la générosité d’une importante maison grainière de la 
Hongrie. Les résultats publiés en 1896 dans les principaux organes 

de l'industrie brassicole s'accordent généralement, malgré les cir- 
constances climatériques défavorables qui ont présidé aux essais, 
pour assurer à cette culture le pas sur celle de nos variétés indus- 
trielles indigènes. | 

« Ces essais ont intéressé les principales régions françaises où la 
cullure de l'orge a acquis sur celle des autres céréales une pré- 
pondérance notoire. En Champagne, en Beauce, en Auvergne, les 


G8 PROCÈS-VERBAUX 


chiffres recueillis assurent à l’orge précoce de Hanna, sur les, 
orwes de pays, de sérieux avantages, au nombre desquels il faut 
compter une grande précocité, des rendements en grains supé- 
rieurs, une meilleure qualité du produit et une rusticité remarquable. 

« En ce qui concerne la qualité du grain, tous les expérimen- 
tateurs sont unanimes pour reconnaître sa supériorité; l'un d'eux, 
soumettant sa récolte à l'appréciation du directeur d’une grande 
brasserie de la région, qui emploie annuellement 6,000 sacs, nous 
apprend que celui-ci a trouvé l’orge précoce de Hanna « superbe ». 
En Auvergne, le président du syndicat agricole de Saint-Germain- 
Lembron, qui avait semé les grains à expérimenter dans un sol 
argileux, légèrement compact, a obtenu; 

Orge de Hanva : rendement à l'hectare, grain 2,490 k., paille 
5,200 k. | 

Orge Chevalier : rendement à l’hectare, grain 2,480 Kk., paille 
5,250 K. 

ll signale la qualité du grain, la précocité de la récolte et le peu 
d’exigences de la cullure, en se proposant de ressemer le grain 
récollé. 

« Dans quelques localités, l'orge précoce de Hanna s’est montrée 
plus exigeante et surtout assez sensible à la verse. Ces défauts 
résident, croyons-nous, dans le besoin qu'a cette céréale de s’accli- 
maler à des conditions nouvelles d'existence. Il n’est pas douteux 
qu'aux prises avec les méthodes si précises fournies en ces derniers 
temps par la science agronomique avec les expériences de Hallet, 
Mokry sur la sélection méthodique des céréales, celles de Vilmorin 
et de Rimpau sur le métissage des plantes cultivées, ces conditions 
défectueuses ne s’éliminent d’elles-mêmes. 

« On se désintéresse en général un peu trop de l'étude de ces 
questions importantes dans la conduite des champs d'expériences 
confiée à MM. les professeurs d'agriculture. L'acclirmatation du 
végétal est un facteur dont on ne tient pas suflisamment compte; 
aussi, généralement, l’introduclion de -nouvelles variétés d’une 
plante cultivée dans une région aussi peu favorisée que la nôtre au 
point de vue agricole, après avoir donné de beaux résultats pendant 
les premières années, n’assure par la suile que des rendements 
inférieurs à ceux de nos variétés de pays. 

« Dans la Haute-Loire surtout, il y aurait intérêt à améliorer les 
variélés acclimalées, tant au point de vue de la production four- 
ragère que de celle des céréales. Les essais sont longs, il est vrai, 
mais la réussite en est certaine. Des expériences de Hallet sur les 
céréales, il résulte eu effet que, dans un milieu donné, sur une cul- 


DES SÉANCES | 69 


lure normale de céréales, il existe un pied contenant un épi 
lemportant en production sur les autres; que, dans chaque épi, il 
existe un grain spécialement favorisé sur les autres du même épi en 
ce qui concerne la production des pieds plus productifs; que le 
meilleur grain n’est pas contenu dans le meilleur épi, que la supé- 
riorité de ce grain est héréditaire à divers degrés; que la sélection 
accuse et fixe cette supériorité et qu’un type fini et déterminé est le 
résultat de cette sélection. Cet ensemble de lois expérimentales est 
fécond en résultats; je prédis avec assurance, à l’agriculteur éclairé 
qui mettrait à profit ces lois avec intelligence, une fortune brillante 
et rapide par la vente des types fixes issus de ses essais. 

« Pour en revenir à l'orge précoce de Hanna, j'estime qu’il y 
aurait intérêt à entreprendre des essais de culture dans le dépar- 
tement, non pas que nous ayons acquis, au point de vue de la pro- 
duction des orges industrielles, la réputation de la Champagne, de 
l'Anjou, de la Beauce ou de la Limagne d'Auvergne, mais nos 
bonnes terres à orge, légères, siliceuses, conviennent parfaitement à 
l'orge précoce de Hanna. La réussite de ces essais et l’acclimatation 
ultérieure de la variété présenteraient un grand avantage pour les 
malteries importantes de notre département; leur produit est très 
recherché, j'ai eu à ce sujet l’occasion de l’apprécier à une époque 
antérieure et de dire ce que j'en pensais; tout ce qui peut contribuer 
à l'extension de ces industries essentiellement agricoles doit être 
sérieusement encouragé. Pour atteindre ce résultat, la société agri- 
cole et scientifique de la Haute-Loire pourrait, par exemple, se pro- 
curer une certaine quantité de semences qu'elle confierait aux pra- 
liciens éclairés qu’elle compte au nombre de ses membres. 

« Les semailles seraient exécutées dans le courant de mars 1897, 
aussitôt que les circonstances atmosphériques le permettraient, sur 
un sol profond, plutôt léger que compact, sans excès d'humidité et 
préparé dès l’automne par des façons énergiques; à cette époque, 
on fumerait à la dose de 20.000 kilos de fumier de ferme à l’hectare, 
cet engrais étant bien décomposé ; dans ce cas il conviendrait 
d'appliquer, au printemps, 125 kilos de nitrate de soude par hectare 
pour donner un coup de fouet à la végétation. 

« On pourrait encore faire succéder l'orge à une récolte de blé 
fumé ou de pommes de terre, ou à une culture de trèfle; dans ce cas 
On appliquerait, quelques jours avant les semailles, sur un hectare, 
une dose de 275 kilos de superphosphate, de 125 à 200 kilos de 
nitrate de soude el 100 à 120 kilos de chlorure de potassium. L’épan- 
dage des semences se ferait à raison de 300 litres à l’hectare ou, par 
l’usage d’un semoir, de 250 litres seulement. 11 sera bon d'effectuer 


70 PROCÈS-VERBAUX 


un roulage du sol après le semis, ou bien encore lorsque les jeunes 
plants d'orge auront donné leur troisième feuille. 

« On obtiendra ainsi, à la maturation, un grain riche en amidon, à 
tégument mince et de belle coloration jaune-paille, surtout si la 
récolte se fait par un temps sec; il faut éviter l’humidité qui donne 
une couleur foncée au grain, et facilite l’envahissement des moisis- 
sures. La dose de semences que nous avons indiquée élant élevée, 
le tallage sera atténué el la récolte aura l’uniformité de grosseur du 
grain qui le fait apprécier des brasseurs, l'accès de la lumière 
étant de plus ménagé, la production des grains vitreux, redoutés par 
l’industrie, sera ainsi atténuée. La récolte devra être faite avec soin 
pour éviter le mélange avec les impuretés, le battage fait sans bru- 
talilé pour éviter de déformer le grain, ce qui porte atteinte à sa 
faculté et à son pouvoir germinatifs. 

« En se conformant aux indications précédentes, nous ne doutons 
pas de la réussite de cet essai, et si vous voulez bien lui accorder la 
faveur de votre assentiment, les chiffres fournis par les expéri- 
mepntaleurs que vous aurez choisis, nous édifieront complètement. 
Les déboires ne sont d’ailleurs pas à craindre, car la récolte obtenue 
sera au moins égale à celles fournies par l'orge Chevalier, adoptée 
dans le département. Il est d’ailleurs probable que la Soctété pour 
l'avancement de l'agriculture expérimentale d'Autriche-Hongrie, 
qui s'occupe de l'extension de la culture de cette variété d'orge, 
voudra bien mettre gracieusement, à la disposition de notre Société 
agricole, la faible quantité de semences qui lui est nécessaire pour 
réaliser cette expérience culturale. » 

M. Pellissier fait la communicalion suivante : 

« Les données barométriques et thermométriques, scrupuleu- 
sement recueillies sur les instruments du kiosque météorologique du 
Fer-à-Cheval et publiées exactement le lendemain, sont suffisantes 
pour nous donner une figure exacte, au point de vue climatologique, 
de la journée de la veille. Nous possédons d’ailleurs, dans les 
Annales de la Société académique, une série de documents très ins- 
tructifs en ce qui concerne l’étude des variations à longue période 
des facteurs du climat de notre région. 

« Toutefois, ces renseignements sont impuissants à résoudre le 
problème que se propose la science météorologique moderne, celui 
de la prévision du temps à brève échéance. Le Bureau central météo- 
rologique met à la disposition des municipalités ou des observatoires 
locaux la Carte météorologique qui donne, le lendemain, pour un 
œil exercé, l'image fidèle de la situation atmosphérique de la veille. 

« La lecture de cette Carte el les renseignements qu'elle fournit 


PP DE 


DES SÉANCES 71 


reposent sur un ensemble de considérations lrès nettes qu’il suffirait 
d'exposer une bonne fois pour toutes, dans une conférence publique, 
pour mettre les auditeurs à même de pouvoir tirer profit des indi 
cations que leur procurerait la communication de la Carte météo- 
rologique. 

« Le météorologiste a compris que son rôle ne se bornaïit pas à 
relever sur un registre les résultats fournis par ses appareils. Les 
lois de la physique générale appliquées à la masse atmosphérique 
ont donné une impulsion nouvelle à la science de la prévision du 
temps. 

« Ces progrès datent surtout du commencement du siècle, de 
l’époque où Le Verrier mit au service de la nouvelle science les indi- 
cations rapides du télégraphe. Depuis, les phénomènes grandioses de 
l'atmosphère qui jettent le trouble dans nos âmes et sèment partout 
la destruction, ont été étudiés dans toutes leurs phases. Dans bien 
des cas on peut les prévoir et même les asservir, comme l’a fait un 
capitaine américain, utilisant la vitesse de translation d'un cyclone 
pour abréger la traversée d'Amérique en Europe. Red et Piddington 
ont énoncé les lois des cyclones, Buys-Ballot celles des tempêtes; 
Maury, dressant la carte des courants marins, a étudié leur influence 
sur les mouvements de l’atmosphère et le climat des régions voi- 
sines , Weyher a soumis les tempêtes à l’expérimentation. 

« Peu à peu la science s’est dégagée des nombreux préjugés 
qu'elle avait eu à combattre dès ses origines — celui de l'influence 
des phases de la lune entre autres qui a trompé Arago lui-même, — 
elle a abandonné aussi son bagage de chiffres qui en faisait un 
fatras indigeste, elle a compris que l’abus des moyennes était pour 
elle une plaie; son enseignement est devenu éminemment attrayant 
et précis dans la bouche de maîtres célèbres : M. Duclaux entre 
autres, directeur de l'Institut Pasteur, qui en est chargé à l’Institut 
agronomique. La carte météorologique couronne tous ces progrès et 
les résume, donnant ainsi aux populations les moyens de se pré- 
parer à recevoir le choc brutal et aveugle des forces naturelles 
déchaîinées. 

« Les connaissances empiriques qu’une longue expérience a fail 
acquérir à la plupart de nos cultivateurs et qui font que, bien 
souvent, ils se trompent rarement dans leurs prévisions, gagneronl 
ainsi d’être éclairées et dirigées. Fortement imprégné de l’ensei- 
gnement attachant du maître que j'ai nommé plus haut et dont le 
nom est la plus sérieuse garantie dont je puisse me prévaloir, 
j'accepterais de grand cœur la mission de diffuser, par les moyens 
que vous jugerez opportuns, les principes sur lesquels repose la 


72 PROCÉS-VERBAUX 


solution du problème de la prévision du temps par la lecture de la 
carte méléorologique. » 

Il sera statué, à la prochaine séance, sur l'admission comme 
membres titulaires de MM. Jouffre, sous-chef de bureau à la préfec- 
lure, présenté par MM. Vallery-Michel et Sklénard, Veysseyre, com- 
missaire-priseur au Puy, présenté par MM. Vialla et Vallery-Michel; 
Bosc, maire de la commune de Saint-Front, présenté par MM. Viala 
et Vallery-Michel. 

L'un des secrétaires, 


A. LASCOMRBE. 


SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE 1896 


Présidence de M. le Dr Morel. 


Présents : MM. Assézat-Faure, Dr Abrial, Hippolyte Blanc, 
Dr Boyer, Dr Coiflier, Chambaud, Canard, Chaudier, de Cailleux, 
Dreyfus, Espenel, Forestier, Giraud Henri, Gueyffier Louis, Gueyfiier 
Edmond, Gire, Gatillon, Hedde, Hilaire, Lascombe, D: Morel, Martin, 
instituteur, O’Farrell, Rocher, Sklénard, Valléry-Michel, Vibert Léon, 
Vignon, Vazeille, Vialla. 


M. Lascombe donne lecture du procès-verbal de la dernière 
séance qui est adopté. 

Il est procédé au scrutin sur l’admission des candidats présentés à 
la dernière séance. Sont admis comme membres titulaires de la 
Société agricole et scientifique de la Haute-Loire : 

MM. Jouffre, sous-chef de bureau à la préfecture; 

Veysseyre, commissaire priseur ; 
Bosc, maire de la commune de St-Front. 

La candidature de M. Solvain-Planté est présentée par MM. 
Hippolyte Blanc et Chaudier, il sera statué sur cette admission à la 
prochaine séance. 

Il est procédé ensuite au scrutin pour le renouvellement du 
bureau de la société. 


DES SÉANCES 73. 


Sur la proposition de M. Léon Vibert, M. le Dr Morel est nommé 
par acclamation président. 
Sont ensuite élus à la majorité des votants : 
MM. Gueyffier Louis, et Dr Coiffier, vice-présidents ; 
Lascombe et Hedde, secrétaires : 
Canard, trésorier-titulaire, et Sklénard, trésorier-adjoint; 
MM. O’Farrell, Jacotin, Chaudier, Vignon et Gatillon, membres du 
conseil d'administration. 
L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 4 heures. 


L'un des secrétaires. 
PH. HEDDE. 


MÉMOIRES 


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MÉMOIRES 


NOTICE HISTORIQUE 


SUR LES 


DOMINICAINS DE PRADELLES 


Le couvent des PP. Dominicains de Pradelles, objet de cette 
courte et incomplète notice, fondé dans les premières années du 
Xvrr° siécie, a disparu depuis la Révolution. La légende, si tenace 
pourtant parmi nos populations montagnardes, est à peu près 
muette au sujet des religieux qui le peuplèrent. Il ne connut point 
sans doute les fastes imposants des grandes abbayes de Mazan 
ou de la Chaise-Dieu ; néanmoins, la générosité des populations 
environnantes y fit régner bientôt le bien-être et l’aisance. Voici 
dans quelles circonstances il fut fondé. 

La ville de Pradelles, modeste chef-lieu de canton aujourd’hui, 
était autrefois une des villes les plus importantes du Velay, du 
Vivarais et du Gévaudan. D'origine très ancienne et placée sur 
les confins de ces trois régions, elle fut mêlée à tous les événe- 
ments de notre histoire locale, et ce n’est pas sans tristesse que 
l’on visite cette ville si vivante et si animée autrefois, si morne et 
si délaissée aujourd’hui. Pradelles possède une statue de la Vierge 
noire dont la provenance est très incertaine et que d’aucuns 
croient apportée par saint Louis. Au dire de M. le chanoine 
Sauzet, qui lui attribue une origine plus ancienne, elle aurait été 
enfouie dans un terrain inculte aux abords de l’église de l’hôpital, 
lors de l'invasion sarrazine. Toujours est-il qu'au commencement 


78 MÉMOIRES 


de l’année 1512 des ouvriers, creusant le sol à l'endroit où s’éléve 
aujourd’hui le clocher de Notre-Dame, mirent au Jour une lourde 
caisse en chène renfermant le précieux dépôt. Ce fut un événe- 
ment à Pradelles. On courut prendre en procession la statue 
miraculeuse, qu'on installa provisoirement dans la chapelle de 
l'hôpital, sous la garde de personnes pieuses. Les pélerins accou- 
rurent de tous les pays environnants, et Pradelles devint bientot 
un lieu de pélerinage très fréquenté. Les mémoires de M. Aula- 
nier, curé du Brignon, parlent en maints endroits de pèlerinages 
à Notre-Dame de Pradelles, faits par les fidèles du lieu sous la 
conduite de leur pasteur. 

Le clergé séculier ne put bientôt plus suflire aux besoins du 
culte et, malgré la vigilance des gardiens volontaires, des désor- 
dres se produisaient chaque jour; ce que voyant, l’évêque de 
Viviers, qui avait alors Pradelles sous sa juridiction, appela des 
religieux de l’ordre de Saint-Dominique, sous l'autorité du 
P. Borie, pour administrer et desservir le sanctuaire. Une ins- 
cription placée dans la chapelle de N.-D. fait remonter au mois 
de juin de l’année 1608 cette installation des religieux. 

L'afHuence des pélerins ne fit que s'accroître et, deux ans 
aprés, le 15 mai 1610, les consuls de la ville de Pradelles, Jean 
Barnoyer et Pierre Faurin, firent donation aux frères prècheurs, 
de l’ordre de Saint-Dominique, de l’église de N.-D. avec la mai- 
son, la grange cet le jardin dépendant de l'hôpital. La donation 
qui suit est extraite du « Livre des actes et contrats passés au 
profit des frères précheurs de l’ordre de Saint-Dominique du 
couvent de Pradelles ‘ ». 

« Au nom de Dieu soit à tous présents et à venir notoire el 
manifeste que, l'an de la circoncision de Notre-Seigneur Jésus- 
Christ, mil six cent dix et le quinziéme jour du mois de mai, 
après midi, au règne de notre très pieux prince Henri, par la 
grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, par devant moi, no- 
taire royal soussigné, présents les témoins bas nommés, ont été 
établis en leurs personnes sire Jean Barnoyer, Pierre Faurin, 
consuls de la ville de Pradelles, lesquels à l'assistance de M: Lau- 
rent Vial, bailli, Beaudoin, lieutenant en la paroisse de Pradelles, 


1. Ce livre, déposé à la mairie de Pradelles, a été donné en 1885 par M. le chanoine 
Sauzet, par l'intermédiaire de M. Amable Bonhomme. 


NOTICE HISTORIQUE SUR LES DOMINICAINS DE PRADELLES 79 


prieur soussigné, M° Guilhon, docteur en droit, Jean Arcougeon, 
Jacques Déabriges, Jacques Poulalhion de Fontvielle, Antoine 
Caires, notaire royal, Jean Simon, Pierre Eyraud, de ladite ville 
de Pradelles, lesquels affirmant les délibérations prises par le 
Gal de la ville, de leur bon gré,...... pour eux et les autres habi- 
tants de ladite ville, qui y sont à présent et y seront à l’avenir, 
ont donné et donnent par les présentes, par donnation privée, 
perpétuelle et irrévocable à la Religion des Frères Prescheurs 
de l'ordre de saint Dominique, de la paroisse de Pradelles, à ce 
présent, stipulant et acceptant, Réverend père Pierre Paul Pas- 
sieony, docteur en sainte théologie, provincial de ladite province, 
assisté des Réverends Pères Jean Rabyes, prieur du couvent de 
N.-D. de Pradelles, Antoine Riboly, Antoine Lyon, liseurs et 
compagnons dudit provincial, frère Jean Féot et Antoine Grail, 
religieux dudit ordre par le général dudit ordre présents et accep- 
tants, l’église de N.-D. avec la maison, grange, jardin, pré en- 
semble joignant au faubourg de ladite ville et au plus bas de la 
rue appelée de la Soulègre, proche du cimetière de ladite ville, 
confrontant, du levant, avec ladite rue de la Soulègre et chemin 
qui va à Puighadis, du couchant, pré de Félix Mathieu, champ 
à Pierre Fournet et maison et Champ de Michel Boutavin, pré 
d'Antuine Fedon, de bise, aussi le jardin dudit sieur Guilhon, 
pré dudit Boutavin ét le susdit chemin. Le tout avec ses bonnes et 
plus vraies confronts ci-dessus cités et libéré de toutes charges, 
taille, charges seigneuriales et autres présentes et futures que 
ladite ville prend sur soi et promet d’en faire être quites les sus- 
dits religieux. Et ont fait ladite donnation soûs les conditions 
suivantes : 

« 1° Que le susdit provincial, en son nom et de celui du Général 
dudit ordre, a promis et sera lenu de tenir et faire venir en ladite 
maison trois pères religieux pour le moins, qui y feront habita- 
tion et effectuelle résidence pour leur office et service divin en 
ladite esglise de N.-D. et dire messes, psalmodier leurs heures 
canonicales, vaquer aux confessions et autres exercices de dévo- 
tion aux heures et suivant les rites de leur ordre, observant et 
continuant les prescriptions de la confrérie du Rosaire qui y est 
déjà fondée. Sera aussi tenu le Général dudit ordre, stipulant et 
promettant comme dessus ledit frère provincial, de tenir audit 


80) | MÉMOIRES 


couvent, dés à présent et à l’avenir, un religieux dudit ordre qui 
tiendra collège ‘ en ladite maison et couvent et y instruira et 
enseignera la Jeunesse de ladite ville et autres lieux environnants 
à la grammaire et les humanités, les rendre capables à souffrir 
examen pour entrer en leur 4° classe, sans toutefois se charger 
de leur apprendre à écrire : et le Général de ladite ville de Pra- 
delles sera tenu, comme les susdits consuls ont promis, ain 
que les susdits frères et religieux aient moyen de vivre et habiter 
en ladite maison et couvent, y exercer leurs charges et fonctions. 
sera tenu de payer et délivrer la pension annuelle et perpétuelle 
de la somme de soixante livres et vingt cartons blé seigle, mesure 
de Pradelles, sçavoir ladite quantité de seigle à chaque jour et 
feste de saint Michel, et ladite somme de soixante livres, chaque 
jour et feste de Notre-Dame du Rosaire, qui a lieu le septième jour 
d'octobre annuellement et perpétuellement, ordonne que lesdits 
frères prendront et exigeront de chacun des enfants de ladite 
ville de Pradelles qui étudieront au collège la somme de cinq 
sous par mois et régulièrement à tous les mois de l’année, et des 
enfants de dehors les frères en exigeront, le double de ceux que 
bon leur semblera. Seront aussi tenus les religieux qui habiteront 
audit couvent, comme ledit sieur provincial accepte comme 
dessus, a promis d'employer tout ce qu'il leur pourra rester 
aprés avoir vécu, de la susdite pension, à instruire les enfants 
du peuple et aux réparations nécessaires en ladite église et maison 
à eux données, et pour l’augmentation dudit couvent à la dispu- 
sition des supérieurs. Et ainsi lesdites parties respectent et pro- 
mettent d'observer et toujours tenir, et les susdits consuls et 
habitants susdits, oblige le prieur de ladite ville à l'effet ci-dessus 
aux rigueurs des cours royales du Velay et sénéchal du Puy. 

« Ainsi fait et écrit à Pradelles dans le susdit couvent. Présents 
Mathieu Gilly... Antoine Chabret, du lieu de Mezerac, illettré 
Alexandre Rabie, élève de Saint-Maxime en Provence, soussigne 


1. On lit à ce sujet dans la nouvelle série des Mélanges hisloriques de M. l'abhé 
Payrard ce qui suit (Tome IT, page 19) : « La petite ville de Chomelix possédait une 
école florissante, dès le commencement du xvi siècle, tandis que la ville du Puy en 
était privée. Aussi, au dire de Médicis, les habitants du Puy « étaient-ils contraincts 
d'aller chercher escoles pour enseigner leurs enfants à Bilhom, Issoire, Chalmellis, 
Pradellas.. » 


NOTICE HISTORIQUE SUR LES DOMINICAINS DE PRADELLES 81 


avec les susdits et moi notaire royal ai soussigné, expédié et 
extrait audit frère Riboly, pére prieur audit couvent de N.-D. de 
Pradelles, donné collation faite sur mes notes originales et ai 
signé : | 

« DUMERCIER. » 


De nombreuses donations ou fondations pieuses suivirent celle 
des consuls de Pradelles. Toutes les riches familles des environs, 
les de Beaune, les Montlaur, les Belvezer, les de Romieu de 
Mazigon, apportèrent gracieusement leurs présents et tinrent à 
honneur, en mourant, de léguer'une partie de leurs biens aux reli- 
gieux ou de fonder des messes moyennant une rente annuelle. 
Deux actes, pris au hasard dans le « Livre de Saint-Dominique », 
en font foi. 


I. « L'an mil six cent neuf et le 24° jour du mois de septem- 
bre, dame Marie de Langeac, consorte de puissant seigneur 
Messire Claude de Beaune, chevalier de l’ordre du roi, haut 
seigneur de la ville de Pradelles, fait et ordonne son testament 
et disposition de dernière volonté et, entre autres légats, donne 
et lègue aux pères religieux en fondation provisoire du couvent 
de N.-D. de Pradelles, pour fondation perpétuelle d'une messe 
de l'office des morts, qu’a voulue être dite et célébrée en haut 
avec diacre et sous-diacre au couvent de Pradelles, le lendemain 
du jour de son obit, la somme de cent sous, payable le jour de 
saint Michel; a aussi établi par son héritier universel en payant 
pour une fois la somme de cent livres, qui sera employée au 
profit dudit couvent en augmentation du revenu de celui-ci... » 

IL. « Par acte du 24 avril 1610, Jacques Deligans, marchand 
de Pradelles, fonde une messe qui devra être célébrée, avec 
diacre et sous-diacre, le jour et fête de saint Claude, etc... 
après la messe, les religieux se rendront au cimetière dudit 
Pradelles, sur son tombeau, pour y dire le Libera et faire l’ab- 
Soute, le tout moyennant la somme de 20 livres que les PP. em- 

Ploieront à l’achat d’une rente de vingt sous, pour le perpétuel 
entretien de la fondation. » 

Mais ce n'étaient point là les seules sources de richesse du 

Touvent. Chaque année, les religieux parcouraient les villages 
6 


82 MÉMOIRES 


environnants pour implorer la générosité des populations, comme 
nous l’apprend le journal du curé Aulagnier : 

« Cejourd’hui, dit-il, 21 décembre 1660, les PP. Jacopins de 
Pradelles faisaient leur quête annuelle dans la paroisse du Brignon 
pour l’honneur de N.-D. » (Journal du curé Aulagnier, par 
l'abbé Payrard, page 481.) 

Cette mention est reproduite en maints endroits du journal de 
M. Aulagnier. Ce dernier ne nous dit point si ces quêtes étaient 
fructueuses. On est cependant autorisé à le croire, la générosité 
des populations d'alors étant sans doute égale à la faveur dont 
jouissait la vierge de Pradelles. Quoi qu’il en soit, le couvent de 
Pradelles connut bientôt sinon la richesse, du moins une aisance 
dorée; le sanctuaire fut décoré richement, le nombre des reli- 
gieux s’accrut, et les bâtiments primitifs furent agrandis et res- 
taurés. Le 28 mai 1623, le vicomte de Beaune posa la première 
pierre d'une nouvelle église plus spacieuse, les étables se rem- 
plirent de jolis bœufs du Mézenc, auxiliaires précieux des reli- 
“ieux pour les travaux des champs. Un compois de la ville de 
Pradelles, daté de 1752 et faisant partie des minutes de M° Frévol, 
notaire, énumère ainsi les propriélès des PP. Dominicains : 

Les RR. PP. Dominicains de ladite ville de Pradelles pos- 
sédent : 

1° Un jardin au Calvaire; 

2 Un jardin à la Placette: 

3° Une maison à quatre étages rue de la Basse-Cour, qui con- 
fronte du levant avec basse-cour d'Antoine Brun, marchand, et 
autre part avec rues publiques; 

4 Une petite maison, cartier de la Soulègre, confrontant du 
levant leur église; 

5° Un champ à Chanteperdrix ; 

6° Un champ à la Rieu du Chanvre: 

7° Un pré à la côte d’Auteyrac; 

8’ Un pastural à las Faugéras; 

9° Un champ au terroir des Clarjes ? 

10° Ün pré et un champ à Ardennes; 
11° Un champ situé à Vaysser; 
Le tout estimé 4,789 livres, 7 deniers. 
Indépendamment de ce qui précède, les religieux possédaient 


NOTICE HISTORIQUE SUR LES DOMINICAINS DE PRADELLES 83 


dans les environs un certain nombre de domaines entiers, dont 
un, celui des Bories, a conservé son nom et que l’on désigne 
encore aujourd'hui sous le nom de domaine des Pères. Il en est 
de même du pré d’Ardennes, que les habitants de Pradelles dési- 
gnent encore sous le nom de pré des Pères. Une de ces pro- 
priétés est devenue le spacieux, mais pauvre et négligé cimetière 
de Pradelles, sur le portail duquel on lit cette inscription si 
simple et si suggestive : Hic Pratel et non supra. (Ici Pradelles 
etnon en haut.) 

La vie s’écoulait au monastère de Pradelles triste et monotone, 
comme d’ailleurs dans tous les couvents. La journée des reli- 
gieux se partageait entre le service du culte, la prière, les prédi- 
cations dans les bourgades voisines, l'étude, les travaux des 
champs et l’éducation de la jeunesse. Leur école fut très fré- 
quentée et forma de brillants élèves, malgré la naïve simplicité 
du programme que leur avaient imposé les consuls dans la dona- 
tion citée plus haut. Un fait, rapporté par le « Livre des Domi- 
nicains », rompt cependant avec la monotonie de la vie monacale. 

Certain jour, grand émoi au couvent. Pendant la nuit, un des 
moines nommé frère Jean-Baptiste-Louis de Beaune s’est enfui 
en passant par-dessus le mur de clôture, emportant les souliers 

et le chapeau de son voisin ainsi que divers autres effets d’habil- 
le ment, et s’est réfugié à Langogne. De là, assemblée du Chapitre, 
dénonciation fulminante de la part du prieur et exclusion du 
ugitif. On rit en lisant le procès-verbal rédigé ad hoc, d’en voir 
le rédacteur prendre un air tragique et considérer cette escapade 
comme un cas pendable. Le Père Jean-Baptiste, qu'avait fait 
appréhender le prieur de Langogne, ramené à Pradelles, fit ses 
excuses d’un air fort contrit et repentant. Absous par le Chapitre, 
\\ s'en fut, quelques jours après, emportant cette fois une plus 
ample provision d’effets et d’objets de valeur. Le manuscrit est 
malheureusement muet sur la fin de l’histoire. Le registre des 
délibérations de la commune de Pradelles parle en certain endroit 
de plaintes portées contre Louis de Beaune, frère convers au 
couve ni de Pradelles, qui, pour des raisons très graves, avait été 
€EnVOY au couvent de Montpellier, et qui, sans le moindre doute, 
n'est æutre que le précédent. 
D'après les notes peu nombreuses qu’il nous a été permis de 


84 


MÉMOIRES 


recueillir, il ne nous est pas possible de constituer la série des 
prieurs du couvent de Pradelles. A peine, de loin en loin, nous 
est-il permis de connaître la composition de la communauté. 
C'est ainsi que le 13 août 1757 elle comprend les RR. PP. Jeanr- 
Baptiste Surrel, prieur; Joseph Blachère, syndic; Vital Frévol, 
Guillaume X., elc, religieux. Nous ne saurions donc mieux faire 
que de citer ici la liste des prieurs publiée par l’abbé Payrard, 
embrassant depuis la réforme de 1672 jusqu’à 1764. 


Les RR. Pères : 


. Lemoyne. 
. Baluze. 

. Labat. 

. Geyman (1678) ‘. 
Gouneau. 
Rome. 
Nouvel. 

. Latour. 

. Moisset. 
10. Aréne. 
11. Gavotz. 
12. Merle. 
13. Moniot. 
14. Arène &*. 
15. Crest. 

16. Du Cros. 
17. Raynaud. 
18. Rey. 

19. Sivard. 
20. Magnelon. 
21. Périé. 

22. Beaudoin. 
23. Lantenas. 
24. d'Orsan. 
25. Magnelon 2. 


© 00 I O UT DO 


1. Le Père Geyman, d'une érudition peu commune, a écrit une Histoire de N.-D. 


de Pradelles. 


C9 
er" 


D D pd M Co 
DURE S 8 & 


RRLELSLSENEYE 


. Martin. 


Audiffret. 
Blazin. 


. Bernard. 
. Calemard. 
. Boucharenc. 


Valon. 


. Bonhomme. 

. Blazin 2. 

. Boucharenc 2°. 
. Icard. 

. Serres. 

. Polge. 

. Blacheyre. 

. Bourlin. 

. Pouderoux. 

. Agret. 

. Jacob Reynaud. 
. Serres £°. 

. Boucharenc 3°. 
. Serres 3. 

. Borie. 

. Benoît. 

. Vialla. 


NOTICE HISTORIQUE SUR LES DOMINICAINS DE PRADELLES 85 


La Révolution eut à Pradelles de fervents adeptes, et les reli- 
gieux durent fuir devant la tourmente. Le couvent fut pillé et les 
richesses dispersées ‘. Le sanctuaire ne fut point épargné. La 
statue, traînée dans les rues, allait devenir la proie des flammes, 
sans l'intervention d’un sieur Deldon, qui réussit à s’en emparer 
et à la cacher chez une pauvre domestique, Marion Dufrêne, qui 
la confia à la famille Johanny de Rochely. Le sanctuaire dévasté 
fut transformé en salpêtrière. Après la bourrasque, un ancien 
dominicain, le P. du Besset, en entreprit la restauration. Grâce à 
ses soins l’église fut rendue au culte en 1802 et la statue reprit sa 
place sur les autels. Les moines dispersés ne purent point se ras- 
sembler, et le couvent de Pradelles, dont les biens avaient été 
vendus comme biens nationaux, avait cessé d'exister. 


F. MosNiEr. 


1. Le sceau du monastère, aujourd’hui déposé à la cure de Pradelles, a été retrouvé 
à la cure de Craponne. 


LA FLORE BRYOLOGIQUE 


DES ENVIRONS DE BORNE (HAUTE-LOIRE) 


Le village de Borne (750 " d'altitude) est un petit chef-lieu de 
commune situé à 12 kilomètres du Puy, et la première station 
de chemin de fer sur la direction du Puy à Clermont-Ferrand. 

Remarquable tout au plus par quelques vestiges d’anciennes 
grottes, Borne est fréquenté à certaines époques par un nombre 
relativement limité d'amateurs de pêche ou de chasse, parfois 
aussi par des touristes ou des promeneurs se rendant au rustique 
château de La Roche-Lambert, non loin de là. 

Mais bien peu de botanistes, à ma connaissance, ont exploré 
ce petit coin de terre creusé de vallées profondes qui offre une 
tlore des plus variées qne l’on trouve rarement ailleurs. 

Pendant les quelques années de mon professorat à l’école 
d'agriculture de Nolhac, il m’a été donné, chaque dimanche, d’ex- 
plorer cette région. Jusqu’en 1892, j'avais limité mes recherches 
aux phanérogames et aux cryptogames vasculaires sur lesquels 
je me propose de publier plus tard quelques notes. La saison 
hivernale, qui compte parfois de belles journées, mais n'offre au 
botaniste d’autre végétation que les mousses et les lichens, était 
donc pour moi une période inactive. 

Je résolus alors, pour donner libre cours à mes goûts, d’entre- 
prendre la récolte et l'étude des muscinées pour me spécialiser 
par la suite dans cette branche de la science botanique. 

Sur les indications et la recommandation de M. MaALINvauUD, 


1. Extrait du Monde des Plantes, revue internationale illustrée de botanique, n° du 
1er avril 1896, p. 66 et suiv. 


LA FLORE BRYOLOGIQUE DES ENVIRONS DE BORNE 87 


secrétaire général de la Société botanique de France, j’adressai 
mes premières récoltes à M. Fernand Camus, le distingué bryo- 
logue parisien, qui consentit avec une gracieuseté sans égale à 
m'en effectuer la détermination. Qu’il me permette de lui adresser 
ici mes plus vifs remerciements pour les conseils et les encou- 
ragements qu’il a bien voulu me donner, je dirai même qu’il a 
bien voulu me prodiguer. | 

La région de Borne est creusée de deux vallées orientées du 
nord au midi. Dans l’une coulent lentement les eaux de la rivière 
de Borne, et dans l’autre celles plus rapides du ruisseau de 
Bourbouilloux. 

Cette dernière vallée, que j'ai explorée tout particulièrement, 
est des plus intéressantes pour le bryologue. Abritée de tous 
côtés par des éminences boisées, et en outre couverte en grande 
partie, sur le thalweg de rive gauche, de prairies irriguées, elle 
offre, par ces circonstances mêmes, qui maintiennent sur ces 
points l’état hygrométrique de l’air très élevé, une des conditions 
les plus favorables au bon développement des muscinées : une 
humidité constante. 

C’est au point de jonction des deux vallées, et par conséquent 
des deux cours d’eau, que se trouve l’ancien pont de Borne, dont 
les joints à mortier de chaux sont couverts par le Tortula mu- 
ralis Timm. Je le prendrai comme point de départ pour suivre, 
avec le lecteur, un itinéraire déterminé, de manière à indiquer, 
au fur et à mesure, les récoltes qu’il est possible de faire. 

Du pont, on accède à la route nationale n° 102, de Viviers à 
Clermont-Ferrand, qui suit, sur près d’un demi-kilomètre, la rive 
£auche du ruisseau de Bourbouilloux. 

Exactement au point d'accès, le talus en déblai de la route est 
formé par un conglomérat alluvial composé d’un mélange de 
marnes siliceuses et de débris de roches basaltiques réunis par 
un ciment argileux. Dans les anfractuosités s’abritent plusieurs 
Muscinées, notamment le Weisia viridula Brid. et‘le Bryum 
Piriforme Hedw. Cette même formation géologique se présente 
Sur Ja rive opposée, et précisément au point où elle affecte une 
sorte de promontoire, se cache une mousse trés intéressante : le 
Fabronia pusilla. Radd. 

En poursuivant la route dans la direction du Puy ou, pour être 


88 MÉMOIRES 


plus clair, en se dirigeant vers Nolhac, on trouve sur la droite un 
bois dont la pelouse de la partie supérieure est entièrement 
constituée par le Dicranum scoparium Hedw, et parsemée de 
quelques rares touffes du Bryum roseum Schreb., tandis qu’à la 
partie inférieure sont accumulés de nombreux blocs de basalle. 
C'est dans les joints, les anfractuosités ou sur la surface de ces 
derniers que croissent, sur un espace trés limité : Bartramia 
pomiformis Hedw.; Encalypla vulgaris Hedw.; Rhacomi- 
trium canescens Brid.; Zèh. heterostichum Brid.; Grimmia 
commutata Huebn.; Gr.leucophæa Grev.; Gr. Schultszii Wils.;: 
G. pulrvinata Sm.; Hedivigia albicans Lindb.; 77. albicans 
forma leucophæa Schimp., etc. 

Sur l’autre côté de la route est également un bois. Si on le tra- 
verse pour rejoindre le ruisseau, force est de s’arrèter au bord 
de rochers à pic d’où le regard plonge sur une petite nappe d'eau 
circulaire que forment en ce point les eaux du ruisseau de Bour- 
bouilloux. On a tôt fait de descendre pour admirer ce que les 
gens du pays appellent le « Gour de la Peirowa » (Gouffre de la 
Marmite). C'est une excavation de 30 mètres environ de circon- 
férence creusée dans la roche volcanique par les eaux du ruis- 
seau et entourée sur les côtés par d'énormes murailles naturelles 
de basaltes prismatiques. Ceux-cirecélent,entre autres muscinées, 
le Barbula ruralis Hedw.; le B. muralis var. obcordata 
Schimp., le Leucodon sciuroides Schx. 

Revenons à la route. À une cinquantaine de mètres du point où 
nous l’avons quittée, débouche un chemin rural qui la prolonge 
pour ainsi dire. Suivons-le jusqu’au commencement de la rampe 
à assiette rocailleuse qui permet l’accès du plateau de Nolhac, 
exactement au point où aboutit sur la gauche un petit chemin 
d'exploitation qui permet de rejoindre le ruisseau de Bourbouil- 
loux. C’est à une dizaine de métres de là, sur le talus rocheux 
côté gauche du chemin rural, qu'on pourra récolter quelques 
touffes stériles du Bryum alpinum L., dont la couleur pourpre 
foncé tranche singulièrement sur la maigre végétation qui re- 
couvre ce talus. 

[l n’est guère utile de pousser plus loin sa course; mieux vaut 
revenir sur ses pas et s'engager dans le chemin d'exploitation 
dont il à été question plus haut. Quelques pas seulement, et on 


/ LA FLORE BRYOLOGIQUE DES ENVIRONS DE BORNE ‘ 89 


trouvera, sur la gauche, un clapier basaltique d’une étendue très 
restreinte, où on peut détacher de superbes échantillons d’Or- 
thotrichum rupestre Schleich, qui croissent sur la surface des 
débris rocheux dont il est formé. 

On peut gravir ensuite le bois montueux à droite, pour accéder 
jusqu'au plateau et récolter Hypnum triquetrum L., H. Rugo- 
sum Ehrh., H. Splendens Hedw., T'hyidium tamariscinum Br. 
Eur., Th. abietinum Br. Eur. 

Une ligne très importante à explorer a été omise dans l’itiné- 

\  raire que je viens de tracer. Je veux parler du bord rive gauche 

du ruisseau de Bourbouilloux, où nombre de mousses trouvent 

| des stations les plus favorables; les unes, l’écorce des arbres 

‘vivants qui croissent le long de ce cours d’eau ou des bois morts 
et pourris, les autres certaines déclivités au fond tourbeux ou 
marécageux, etc. Parmi celles recueillies sur ces diverses sta- 
tions, je citerai : Hypnum serpens L.; H. cϾspitosum Wils. ; 
H. velutinum L.; Leskea polycarpa Ehrh.; Leucodon scriuroi- 
des Schw.; Climacium dendroides Web. et M.; Mnium un- 
dulatum Neck., Bryum roseum Schreb. 

I n'est possible, évidemment, de donner, dans le rapide itiné- 
raire suivi, qu’un aperçu incomplet des mousses récoltées aux 
environs de Borne; sur bien des points il eût été nécessaire de 
S'en écarter. Pour remédier, dans une certaine mesure, à cette 

Aacune, il me paraît utile de résumer, dans une liste générale, 
æoutes celles que j'ai recueillies. 


1° HYPXNÉES !. 


* Hypnum triquetrum L. — Bois humide sur le plateau de 
Nolhac et vers les rochers en face de Borne (F). 

* H. splendens Hedw. — Bois sur le plateau de Nolhac (F). 

H. cuspidatum L. — Prairies humides des environs de 
Nolhac (S). 

* H. cupressiforme L. — Murs de clôture à pierres sèches, 
nature basaltique, à Borne et à Nolhac (S). 


1. * indique les mousses mentionnées dans la Flore du département de la Haute 
Lot re par le Docteur Arnaud (1825) ou le Supplément à cette flore (1830). 

(F). Mousses rencontrées à l'état fertile. 

(S). Mousses rencontrées à l'état stérile. 


00 MÉMOIRES 


* H. rugosum Ehrh. — Bois humide sur le plateau de Nolhac 
(S). 

* H. serpens L. — Troncs d'arbres le long du ruisseau de 
Bourbouilloux (F). 

H. cœæspitosum Wih.— Cette espèce occidentale, dont la pré- 
sence dans la Haute-Loire est très intéressante, a été découverte 
en brins stériles par M. Camus dans un échantillon de Leskea 
polycarpa que j'avais soumis à son examen. Cet échantillon avait 
êté récolté sur des troncs d'arbres bordant la partie de rive gauche 
du ruisseau de Bourbouilloux comprise entre le vieux pont de 
Borne et le « Gour de la Peirowa ». 

Je n’ai pu, avec regret, effectuer par la suite de sérieuses re- 
cherches pour retrouver cetle espèce. Son Æspect est du reste 
assez difficile à saisir pour un débutant auquel il manque le coup 
d'œil, qualité que le temps seul permet d'acquérir. Je suis abso- 
lument persuadé qu’on la retrouvera, et pour cause, j'ai cru utile 
de bien préciser la station du mieux possible. 

* Hypnum velutinum L. — Base des troncs d'arbres à 
Borne (F). 

H. populeum Hedw. — Murs de clôture à pierres sèches. 
nature basaltique, près l’école de Nolhac (F). 

* H. lutescens Huds. — Bord du bois longeant la route na- 
tionale n° 102, à l'entrée de Borne, sur les troncs d'arbres (F). 

* Isothecium sericeum Spruce. — Bords du bois longeant la 
route entre Borne et Nolhac (F). 

Climacium dendroides Web. et M. — Rive gauche du ruis- 
seau de Bourbouilloux en amont du « Gour de la Peirowa » (S). 


2° LESKÉÉES. 


* Thyidium tamariscinum Br. Eur. — Bois humide sur le 
plateau de Nolïhac(S). 

* T. abielinum Br. Eur. — Mëme station que le précédent(S). 

* Leskea viticulosa Spruce. — Murs de clôture à Borne. Base 
des troncs d'arbres bordant la rive gauche du ruisseau de Bour- 
bouilloux (S). 

Leskea polycarpa Ehrh. — Troncs d’arbres de la rive gauche 
du ruisseau de Bourbouilloux (F). 


LA FLORE BRYOLOGIQUE DES ENVIRONS DE BORNE 91 


3° F'ABRONIÉES. 


Fabronia pusilla Radd. — Anfractuosités des rochers formant 
une sorte de promontoire à l’angle Est de la ligne des grottes à 
Borne (F). 


4° NECKÉRÉES. 


* Leucodon sciuroides Schw.— Rochers basaltiques à Borne. 
Troncs d’arbres sur le bord du ruisseau de Bourbouilloux (S). 


5° BARTRAMIÉES. 


* Bartramia pomiformis Hedw. — Anfractuosités de blocs 
basaltiques dans le bois entre Borne et Nolhac, côté gauche de 
la route nationale n° 102 ' (F). 

Cette espèce, que j'ai retrouvée sur d’autres points hors de la 
région de Borne, me paraît assez commune. C’est sans doute 
celle indiquée par Arnaud dans sa flore (p. 9) sous les syno- 
nymes de Bartramia vulgaris D. C. et de Bryuin pomiforme L. 
Ce dernier n’est autre que la plante décrite par Hedwig. 


6° MNIÉES. 


* Mnium undulatum Neck. — Rive gauche du ruisseau de 
Bourbouilloux en amont du « Gour de la Peirowa » (F). 

* Bryum roseum Schreh. Même station que le précédent. Bois 
entre Borne et Nolhac (S). 


* Bryum argenteum L.. — Sur les murs à Borne et Nolhac, 
notamment sur un mur de clôture derrière l’hôtel Gagnaire à 
Borne (F). 


Bryum alpinum L. — Talus côté gauche du chemin rural de 
la route nationale n° 102 à Nolhac (S). 

* Bryum cœæspititium L. — Sur les murs de clôture limitant 
la route entre Borne et Nolhac(F). | 

* Bryum capillare L. — Banquettes de terre de la route na- 
tionale n° 102 entre Borne et Nolhac(F). 


1. La route nationale n° 102 étant intitulée de Viviers à Clermont, le côté gauche 
de cette route est à notre droite dans l'itinéraire suivi pour notre description. 


92 MÉMOIRES 


Bryum piriforme Hedw. — Anfractuosités des rochers for- 
mant talus de la route nationale n° 102, à la sortie du vieux pont 
de Borne (F). 


7° ENCALYPTÉES. 


* Encalypta vulgaris Hedw.— Anfractuosités de blocs basal- 
tiques dans les bois entre Borne et Nolhac(F). 


8° ORTHOTRICHÉES. 


Orthotrichum obtusifolium Schrad. — Troncs d'arbres dans 
le jardin de l’École d'agriculture de Nolhac (S). 

Orthotrichum rupestre Schleich.— Clapiers en amont du «Gour 
de la Peirowa », limitant un chemin d’exploitation des bois (F). 

Orthrotrichum Strumit H. et H. — Clapiers basaltiques dans 
les bois de Borne (F). 

* Orthotrichum anomalum Hedw.— Mèêmes stations que le 
précédent (F). 


9° GRIMMIÉES (Jèhacomitriées). 


Jthacomatrium canescens Brid. — Clapiers basaltiques dans 
les bois, côté gauche de la route nationale n° 102 (S). 

Rhacomitrium heterostichum Brid. — Même station que le 
précédent (S). 

Grimmia commutata Huebn. — Même station et sur blocs 
basaltiques dans un bois près Marminhac  (F). 

Grimmia ovata Br. Eur. — Rochers basaltiques des environs 
de Borne (F). 

Cette espèce a été trouvée par M. Camus dans un lot de 
mousses soumis à son examen et récolté le 31 janvier 1892. Tou- 
tefois, sa détermination n’a pu être absolument précisée, ce 
Grimmia étant trop jeune. C’est une plante intéressante qu'il 
conviendra de rechercher. 


1. Village voisin de Nolhac. 


LA FLORE BRYOLOGIQUE DES ENVIRONS DE BORNE 93 


Grimmia leucophaea Grev.—Rochers basaltiques à Borne(F). 
Grimmia Schultzii Wils. — Clapiers basaltiques entre Borne 
et Nolhac (S). 
Grimmia pulvinata Sm. — Blocs basaltiques à Borne et 
dans un bois près Marminhac (F). 
Grimmia apocarpa Hedw. — Talus perreyé du chemin de fer 
à la station de Borne (F). 


10° GRIMMIÉES (Hedrwigrées). 


Hediwigia albicans Lindb. — Clapiers basaltiques des bois de 
Borne et rochers basaltiques entre Borne et Nolhac (S). 

Hedwigia albicans forme leucophaea Schimp. — Rochers 
basaltiques entre Borne et Nolhac (S). 


11° TRICHOSTOMÉES. 


* Barbula ruralis Hedw.—Talus de Ia route nouvelle n°102, 
entre Borne et Nolhac, et anfractuosités des rochers au « Gour 
de la Peirowa » (F). 

Barbula latifola Br. Eur. — Base des troncs d’arbres sur Ja 
rive gauche du ruisseau de Bourbouilloux (S). 

* Barbula subulata Pal. Beauv. — Sur la terre dans les bois 


de Borne (F). 

* Barbula muralis Timm. — Parapet du vieux pont de 
Borne (F). | 

Barbula muralis var. obcordata Schimp. — Rochers basal- 


tiques du « Gour de la Peirowa » (F). 

Barbula vinealis Brid. — Talus perreyé du chemin de fer, à 
la station de Borne (F). 

Barbula unguiculata Hedw. — Talus du fossé de la route 
nationale n° 102, entre Borne et Nolhac (F). 

Ceratodon purpureus Brid. — Bords du chemin rural de la 
route n° 102 au plateau de Nolhac (F). 


12° DICRANÉES. 


* Dicranum scoparium Hedw. — Partie supérieure du bois 
de Borne, côté gauche de la route nationale n° 102 (F). 


94 MÉMOIRES 


13° WEISIÉES. 


Weisia viridula Brid. — Anfractuosités des rochers formant 
le talus de la route nationale n° 102, à la sortie du vieux pont de 
Borne (S). 

D'après cette nomenclature, ce sont les représentants de la 
région sylvatique moyenne qui dominent aux environs de Borne. 
On trouve cependant quelques muscinées appartenant plus géné- 
ralement à la zone inférieure, telles que : Æypnum triquetrum, 
H. rugosum, Thyidium abietinurn, Bryum roseun, Orthotri- 
chum obtusifolium, Rhacomitrium heterostichum, etc. Mais 
la trop courte durée de mes recherches et surtout leur peu 
d'étendue ne me permettent pas un examen plus approfondi sur 
le point si intéressant de la distribution géographique des mousses 
de cette région. Je laisse ce soin à d’autres plus compétents que 
moi qui, par leur situation et leur ardent amour pour la bryologie. 
pourront se livrer à des herborisations suivies et moins limitées. 

Évidemment, la liste que j'ai donnée, bien que comprenant 
91 espèces ou variétés, dont 28 nouvelles pour la Haute-Loire, est 
fort incomplète; elle n’est que le résultat d'une première année de 
recherches effectuées tout particulièrement pour des études de 
début, et il va de soi que le plus grand nombre d’espèces intéres- 
santes m'ont échappé. Néanmoins, elle donne d'ores et déjà un 
aperçu de la richesse bryologique des environs de Borne. 


P.-V. LyoTARD. 


NOTE SUR QUELQUES MOUSSES 


DES ENVIRONS DU PUY (HAUTE-LOIRE) 


Mes recherches bryologiques pendant les trois premiers mois 
de l’année 1892 ne se sont pas exclusivement limitées à la récolte 
des mousses des environs de Borne, mentionnées dans la notice 
publiée dernièrement par le Monde des Plantes. Il était bien rare 
Qu'une Journée de liberté, autant que le temps pouvait le per- 
mettre, ne fût consacrée à une petite excursion champêtre aux 
environs du Puy, en compagnie d’amis, épris également des 

b æautés de dame Nature. Ces courses, peu lointaines du reste, en 
tæison mème de la courte durée du jour à cette époque de l’année, 
S effectuaient presque toujours l’après-midi; et, lorsque le retour 
avait lieu d’assez bonne heure, elles étaient clôturées par un 
goûter devenu traditionnel, où la gaîté manquait le moins. 

Je dirai tout d’abord que sur les trois points explorés dont il 
va être question, une seule course a été consacrée à la récolte 
des mousses. Il convient d’ajouter également qu'aucune de ces 
eXxCursions n’était faite exclusivement dans ce but; aussi le nom- 
bre d’espèces récoltées est-il très restreint. 

La première course a eu lieu le 31 janvier 1892, à l’Ermatage, 
bameau de quatre feux tout au plus, situé à 2 kilom. 1/2 au nord- 
ouest du Puy, ainsi nommé parce qu’il fut le séjour de plusieurs 
ermites. Ce hameau est placé au pied d’un petit mamelon dont le 
côté sud-est est décoré d’un groupe splendide de colonnes de 


1. Extrait du Monde des plantes, revue internationale illustrée de botanique, 
n° du 1er août 18%. pp. 109 et suiv. 


96 MÉMOIRES 


_basalte prismatique d'environ 15 m. de haut, simulant des tuyaux 
d'orgue, d’où le nom d’Orgques d'Espaly. 

Le sol, recouvert ici de gros blocs et de débris de ces rochers 
basaltiques, offre peu de surface à la vie vésétative, sauf sur 
quelques points où se sont accumulés des détritus suffisamment 
ténus. 

Les mousses y sont très rares. Soit dans les anfractuosités de 
ces rochers ou sur leur surface, soit sur le sol ou le tronc des 
deux ou trois arbres que l’on y rencontre, je n’y ai cueilli que les 
quatre espèces suivantes mentionnées par Arnaud sur d’autres 
points des environs du Puy : 

Leucodon sciuroides Schw., Briyrum capillare L., Encalypta 
vulgaris Hedw., Barbula ruralis Hedw. 

En outre, j'ai récolté l'Hypnum alhicans Neck. au pied du 
mur côté nord du magasin des Ponts et Chaussées, situé au tiers 
environ du trajet du Puy à l’Ermitage. 

Une deuxième excursion a été faite le 20 mars 1892 au lieu dit 
Bois de Paradis, ainsi dénommé par la raison, je crois, qu'il 
appartient ou est voisin de propriétés appartenant à l’Institution 
des frères de Paradis (Sacré-Cœur) à Espaly, près Le Puy. Ce 
bois est situé à plus de 4 kilomètres du Puy, sur le côté droit du 
chemin de grande communication n° 101, du Puy à Langeac, 
exactement en face de la ferme de la Bernarde. 

Il couronne un plateau basaltique (740 m. d’altitude) compris 
dans l’angle que forme la rivière de Borne avec son affluent, le 
ruisseau de Farreyroles. Du côté de la rivière orienté au nord, 
il dévale en une pente rapide constituée par une grande masse 
d'argiles tertiaires que recouvrent les laves basaltiques de la 
partie supérieure. De nombreux suintements règnent le long de 
cette pente boisée et contribuent à y maintenir une fraîcheur 
permanente. 

Le nombre de mousses que j'y ai récoltées est de sept seule- 
ment; ce sont : 

Hypnum triquetrum L.., Leskea viticulosa Spr., Polytrichum 
formosum Hedw., Polytrichum piliferum Schreb., Philonotis 
fontana Brid., Bartramia pomiformis Hedw., Minium undu- 
latum Neck. 

Dans ce nombre, on trouve des mousses caractéristiques des 


NOTE SUR QUELQUES MOUSSES DES ENVIRONS DU PUY 97 


lieux siliceux secs : Polytrichum formosum et piliferum, qui 
croissent sur certains points découverts de la partie supérieure 
de la pente, et des mousses spéciales aux lieux humides : Phz- 
lonotis fontana et Minium undulatum, que l’on trouve à la 
partie inférieure où s'accumulent les eaux de suintement. Entre 
ces deux stations extrêmes doit végéter évidemment un assez 
grand nombre d’espèces intermédiaires, et il est permis de sup- 
poser que le bryologue trouvera sur ce point un plus grand 
nombre de mousses que le chiffre restreint signalé. 

Dans cette liste, seuls, le Philonotis fontana et le Polytrichum 
formosum ne sont pas mentionnés dans la Flore d’Arnaud. 

Le troisième point exploré est le voisinage de la ferme de 
Laval (680 m. d’altitude) à 2 kil. environ du village de Vals, 
près Le Puy, et en particulier le bois y attenant. Ce point, comme 
du reste tout le splendide vallon de Vals que parcourt le ruis- 
seau de Dolaison, est éminemment propice à la végétation des 
mousses. De nombreux canaux d'irrigation inondent les prairies 
qui bordent les deux rives du ruisseau et contribuent d’une 
manière toute spéciale au maintien de l’humidité de l’air qui cir- 
cule dans cette vallée étroite et profonde orientée du sud-ouest 
au nord-est. 

L’excursion que j'y ai effectuée le 1° mars 1892 m'a permis 
de récolter : 


Hypnum cupressiforme L., Hypnum serpens.., Hypnum 
striatum Schreb., Hypnum lutescens Huds., Neckera compla- 
nata Br. Eur., Bryum capillare L., Orthotrichum anomalum 
Hedw., Grimmia Schultsii Wils, Grimmia apocarpa Hedw. 

Or, sur ces neuf espèces, deux seulement : Hypnum striatum 
et Grimmia Schultsii, ne sont pas mentionnées dans Arnaud; 
mais sur les sept autres, six sont citées par lui sur diverses sta- 
tions aux environs de la ferme de Bauzit (850 m. d'altitude), située 
à guère plus d’un kilomètre de celle de Laval. 

Cette dernière indication me paraît d'autant plus intéressante 
à relater, que les deux listes de mousses publiées par le D' Arnaud 
en 1825 dans la Flore du département de la Haute-Loire et en 
1830 dans le Supplénent à cette Flore, tout en se limitant à la 
région du Puy, constituent notamment une vraie monographie 
bryologique des environs de la ferme de Bauzit. En effet, sur 


= 
J 


98 MÉMOIRES 


70 espèces cilées, quarante et une, soit plus de la moitié, sont 
signalées comme croissant dans cette derniére région. 

Si les circonstances m'avaient permis de mettre mon projet à 
exceution, Je me proposais de faire, l’année suivante, des explo- 
rations suivies dans le but d’éludier tout spécialement les musci- 
nées de Bauzit. Il eüût été alors possible, par voie de synonymie, 
de ramener aux dénominations récentes, avec une quasi certitude, 
un grand nombre de mousses citées par Arnaud sous des noms 
aujourd’hui totalement abandonnés, que les auteurs modernes 
ne donnent mème pas en raison de leur peu de précision. 

La synonymie en bryologie offre des complications inextrica- 
bles pour tous les auteurs, tel que le D' Arnaud, qui ont écrit avant 
1860. A cette époque apparut la premiére édition du Synopsis de 
Schimper, qui éclaircit beaucoup cette question et rendit la déter- 
mination des mousses relativement aisée. Dès lors, pour l'étude 
des travaux antérieurs à 1860, il est indispensable de recourir 
à l'herbier des auteurs, si l’on ne veut s’exposer à des recherches 
inutiles ne pouvant fournir que des indications erronées. 

Je n'ai pu savoir ce qu'était devenu l'herbier du D' Arnaud; 
mais J'ai eu l’occasion, en 1892, de feuilleter un herbier déposé au 
musée du Puy. Le nombre des mousses est trés restreint, et, 
coïncidence curieuse à noter, pour toutes celles de la Haute-Loire, 
les stations indiquées correspondent à celles données par le 
D' Arnaud. 

Ainsi donc, d’après les observations précédentes, les rappro- 
chements synonymiqnes que j'ai faits des espèces mentionnées 
dans la présente note et dans celle publiée dernièrement sur la 
flore bryologique des environs de Borne, avec les espèces citées 
dans la /{lore de la Haute-Loire et son Supplément sous les 
anciennes dénominations n'ont qu'une simple valeur statistique 
el n'offrent, au point de vue botanique, qu’un intérèt tout à fait 
secondaire. | 

Avant de clore cette note déjà longue, il me paraît utile de 
signaler une liste de mousses publiée par M. Isidore Hedde, dans 
sa remarquable Monographie de Ronson parue en 1874 '. Les 


1. Le mont Ronzon {799 m. d'altitude), à proximité du Puy, est un mamelmn 
basaltique reposant sur des calcaires d'eau douce très connus des paléontologistes 
par ses nombreux restes d'animaux fossiles. 


NOTE SUR QUELQUES MOUSSES DES ENVIRONS DU PUY 99 


neuf espèces citées sont accompagnées d’un texte descriptif qui 
fait totalement défaut dans la Flore d’Arnaud. La détermination 
de ces mousses a été confiée par l’auteur à M. Debat, de la Société 
Linnéenne de Lyon, auteur de plusieurs ouvrages sur l’ordre des 
mousses et notamment d’une Flore analytique. C’est dire que ce 
travail offre une certaine garantie, même en l’absence d’échan- 
llon en herbier. 

La Flore du département de la Haute-Loire et la Monographie 
de Ronzon sont, à ma connaissance, les seuls documents portant 
des renseignements sur la bryologie de la Haute-Loire. Comme 
on vient de le voir, ils se limitent exclusivement à la Flore des 
environs du Puy; mais malheureusement ils n’ont qu'une valeur 
scientifique bien relative, le premier surtout. 


P.-V. LioTARD». 


LA 


BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


M. TRUCHARD DU MOLIN 


LA BARONNIE 


DE SAINT-VIDAL 


De sa source à l'élang de Malaguet, et jusqu'aux pieds 
de la Chartreuse, où elle marie ses eaux à celles de la Loire, 
la Borne, dans presque tout son cours, visite des lieux histo- 
.riques. 

Avant d'égayer de ses méandres gracieux les vastes prai- 
ries de la Bernarde, les vergers et les substructions gallo- 
romaines de Saint-Marcel, le château épiscopal d’Espaly qui 
vit flotter au moyen âge l'oriflamme de Charles VII et que 
les vaillants capitaines des guerres civiles se disputèrent tant 
de fois, elle traverse les anciens domaines de la maison d’Alè- 
gre, laisse sur sa droite le château de la Roche-Lambert, 
donne son nom à ce frais village qu'on rechercherait pour 
lui-même, s'il ne posait pas par ses grottes étranges un pro- 
blème archéologique dont la science n'a pas dit encore le der- 
nier mot ‘. | 

En sortant de Borne, la rivière enfonce son lit dans les 
profondeurs du sol et va, inclinant au sud-est, dessiner le cap 


1. Mandet, Ancien Velay, pp. 11 à 21. 


404 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


étroit où, comme une autre stalue de Memnon, le château de 
Saint-Vidal attend, de onze heures à midi, les baisers du soleil. 
Mais c’est surtout lorsqu'on v arrive par les plateaux de Loudes 
ou de Saint-Paulien, aux pâles et vacillantes clartés de la 
nuit, qu'il revêt ses formes les plus fantastiques. Une masse 
quadrangulaire, défendue par de formidables tours couronnées 
de machicoulis et dont quelques ouvertures inégales percent à 
regret l'épaisse cuirasse de pierres, écrase l’église et les rus- 
tiques habitations qui l’environnent de son ombre austère 
et lourde. | 

N'y cherchez pas les charmantes fantaisies de la Renaissance 
que créait ailleurs le souffle voluptucux des Valois, ni non 
plus les nudités robustes de l'architecture que cet art nouveau 
venait remplacer. Ce château, dont il semble que le temps. 
par respect pour un nom populaire, n'ose entamer les lignes 
extérieures, n’a rencontré qu'un style hybride et un caractère 
équivoque entre le manoir féodal et les vastes et solides 
demeures de nos pères. 

L’étranger reste frappé de surprise devant cel effort de 
murailles, témoignage de plus de puissance que de goût, pour 
élever du fond de la vallée au niveau de ses crêtes, l’orgueil 
du maître, non moins chatouillé de sa valeur personnelle 
que de l'ancienneté de sa race; mais il fait battre le cœur à 
nous, enfants du pays, familiers à la légende héroïque et san- 
glante du redoutable gouverneur. 

C'est bien son œuvre, en effet, et si vous en pouviez douter, 
lisez, après nous, sous sa couche de badigeon et de rouille, 
scellée à la voûte ‘ de l'escalier d'honneur, cette inscription 


4. Nous avons visité le chäteau de Saint-Vidal à la fin d'août 18517, en com- 
pagnie de MM. Aymard et Camille Robert, aux dernières heures d'une jour- 
née brûlante. C'est à la voûte du premier palier de l'escalier et à la lueur d'une 
mauvaise lampe que nous avons découvert cette inscription inédite et peut-être 
inconnue. 


LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 105 


lapidaire que notre savant ami, M. Aymard, s'est empressé de 
relever pour l’ornement de ces récits. 


1/63 LANNEE: 
QUE VOVENAVLY 


Inscription re ire à la clef de voûte de l'un des arceaux du rez-de-chaussée 
u château de Saint-Vidal. (Échelle de 1/5.) 


Sans cette inscription, la seule chose ici qui soit bien de 
l'homme, sans quelques détails d'architecture qui, à première 
vue, datent un édifice et ses retouches, quel d’entre nous y 
reconnaîitrait le baron de Saint-Vidal? 

Qui croirait que lorsque, toujours armé en guerre et à 
l'allure éperonnée d’un cheval qui ne mordait de ses sabots les 

pavés de basalte que pour en faire jaillir un sillon d’étincelles, 
le soucieux gouverneur se rendait à un conseil de ligueurs ou 


106 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


allait prendre la tête d'une périlleuse expédition, il sortait de 
cette gorge de la Borne, asile naturel d'un prieuré de Béné- 
dictins, et ne descendait pas de ces nids d’aigles aux fiers 
aspects, aux vastes horizons, où les Polignac, les Lévis, les 
Crussol, les Montlaur, les Beaufort isolaient, en dominateurs 
superbes, leur inabordable suzeraineté? 

Qui croirait que le chef politique et guerrier de deux pauvres 
pays vingt fois ruinés par les bandes de d’Acier et de Joyeuse, 
passant sa vie à batailler du Malzieu à Saint-Agrève, de l’Au- 
vergne aux Cévennes, manquant de soldats, de munitions et 
d'argent pour ses plus pressantes entreprises, se donnait, 
comme un gentilhomme de loisir ou comme un riche abbé de 
la Chaise-Dieu, la jouissance des grandes constructions et 
laissait derrière lui une colonie d'ouvriers, des coffres d'or à 
dépenser en mortier et en moellons? 

Qui croirait que celui qui avait escaladé ou forcé tant de 
places, fait ou soutenu tant de sièges, brûlé tant de villes et de 
châteaux calvinistes au feu de son artillerie, devait manquer, 
pour la défense de sa propre seigneurie, des plus simples 
instincts de l'homme de guerre, et élever à contre sens, dans 
un lieu dominé de toutes parts, ouvert aux plus soudaines 
comme aux plus dangereuses approches, une maison forte, 
qu'en son absence une artillerie de quelque portée aurait fait 
trembler sur tous ses fondements ‘? 

Mais le hardi capitaine, pour être devenu gouverneur du 
Velay et du Gévaudan, restait avant tout baron de Saint- 
Vidal, et, sans se meltre en peine d'accorder en lui les contra- 
dictions d’une nature très complexe, quoique d'un relief saisis- 
sant, il ne se prit qu'à la joie d'enfermer le modeste manoir 
des la Tour, qui avait abrité sa jeunesse, dans les splendeurs 


1. Si cette place résista aux canons de Chambaud, en 1592, c'est que ces canons, 
pour la plupart fondus au Puy pendant la guerre civile, presque aussi inoffensifs 
que des arquebuses, n'avaient qu'une très faible puissance de destruction. 


LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 107 


du nouveau château qu'édifiait sa fortune, certain que ses 
ennemis, qu’il ne craignait guère, se tiendraient toujours à: 
respectueuse distance de son fief et de son arquebuse. 

Mondain et dévot, soldat doublé de moine, partisan sans 
scrupule et loyal gentilhomme, hautain et bon compagnon, 
violent et rusé, contenu au conseil et téméraire dans l'action, 
homme de parti et homme de foi, il trouva dans la Ligue où 
Je portait son tempérament monarchique et religieux, l'occa- 
sion de se mettre hors de pair et de saisir aux mains d’une 
ville ivre de la sainte union et exaltée jusqu’au délire par 
les sarcasmes de la vicomté, un pouvoir de commandement el 
de volontaire obéissance qui fut une sorte de dictature et 
qui flattait à la fois son ambition, son orgueil et ses qualités 
militaires. Il vint à propos, ne rencontra sur son chemin per- 
sonne à sa taille et mourut aussi de fortune, à la veille de ne 
savoir que faire de sa cause, de lui et des siens, dans une de 
ces rencontres émouvantes qui donnent aux héros de la mul- 
titude de royales funérailles. 

Son sens droit pour les choses présentes faillit à toute pré- 
voyance pour les choses à venir, d'abord en politique où il 
aurait suivi Mayenne jusqu'à se perdre, ensuite dans ses affaires 
privées où, par animosité contre son frère et pour lui enlever 
l'espérance de succéder à ses terres substituées, il se supposa 
un fils en remplacement de celui qu'il avait perdu, et avec 
celte fraude, que rien n’excuse, ne légua à sa famille désunie 
el trompée que soixante ans de discordes, de procès, de scan- 
dales et de ruine. De ce qu'il avait cru fonder par le bien et 
par le mal pour l'éternelle durée de sa maison, rien ne lui 
Survécut. Son nom, porté par sa fille Claire dans une maison 
étrangère, y fut relevé quelque temps et s'y perdit à la longue, 
et, cruelle dérision des grandeurs humaines ! lorsque de cette 
ancienne baronnie de Saint-Vidal tombée en poussière, il ne 
resta plus qu'un titre sans domaines, le marquis de Château- 


108 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


neuf-Randon qui la possédait pour ses enfants, la vendit aux 
Pollalion autorisés à la transférer sur Glavenas; l'écusson 
même des la Tour disparut de la salle des États! 

Mais cet homme, mélange de tant de qualités et de faiblesses, 
n'aura laissé après lui qu'une mémoire. contestée ? eh bien, 
non, Antoine de Saint-Vidal est et restera la grande figure 
hislorique du Velay, car ce montagnard, si fortement bronzé 
de son siècle, c'est tout son pays. 


MAISON DE LA TOUR 


= —————— 


D'or à la tour de gueule crénelée, maconnée 
et ajourée de sable. 


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_ LA à 


MAISON DE LA TOUR 


Aussi loin qu'on remonte dans le passé, on trouve des la Tour 
vivant sur leurs fiefs de Barges et de Saint-Vidal jusqu’à l'heure 
fatale de l'année 1591 où le dernier mâle de cette vieille et forte 
race tombait, au pont d'Estroulhas, sous la dague de Pierre de la 
Rodde. La race et la baronnie, arrivées ensemble à l’histoire, con- 
fondirent leurs destinées pendant plus de trois siècles. 

D'où venaient-ils? 

Cette question est la même pour tous ces fiers barons de l'an- 
cienne sénéchaussée de Beaucaire, à peu près souverains dans 
leurs domaines, qui, à l'exemple du vicomte de Polignac, en 1295, 
ne permettaient au roi de lever un subside sur leurs vassaux 
qu'en faisant leurs réserves pour l'avenir ‘, et il est plus facile 
de la poser que de la résoudre. 

Le nom de la Tour surcharge tous les nobiliaires et appar- 
lient à tous les pays. En Velay, plusieurs familles l'ont porté et le 
portent encore, ainsi les la Tour d'Auvergne qui possédèrent la 
baronnie de Bouzols jusqu’en 1621, les Fay qui succédèrent aux 
Mallet en 1527, et qui, par là, devinrent, comme eux, barons de 
la Tour-Maubourg ; les Colomb de la Tour-Daniel se continuant 
plus tard en la Tour-de-Beauzac; les Odde de la Tour du Villard 
dont les titres de noblesse furent vérifiés en 1699, mais qui, dès 
l'année 1593, étaient mentionnés dans le contrat de mariage de 


1. D. Vaissète, Histoire générale du Languedoc, . 1V, p. 83; d'après Chabron, His- 
loire manuscrite de la maison de Polignac. 


110 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Boucicaut avec Antoinelte de Beaufort‘; les Sonyer-Dulac, à la 
vérité plus hommes de leltres que gentilshommes, originaires de 
la ville de Saint-Didier, le père, avocat du roi au bailliage de 
Montbrison, décédé le 2 août 1792, auteur d'ouvrages encore 
estimés, Île fils, moins érudit, mais qui a laissé une Histoire du 
Forez et l'Histoire du canton du Puy, en signant ses livres du nom 
de Dulac-de-la-Tour, depuis quil habitait le château de la Tour 
d’Aurcc *: 

Pour ceux qui possédèrent la baronnie de Saint-Vidal, le nom 
de la Tour était patronymique. Leur généalogie imprimée ou 
manuscrite n'existant nulle part, on ne saurait dire s'il y avait 
quelque parenté entre eux ct les la Tour de Bains et de Choisinet, 
maintenus dans leur noblesse, au diocèse de Mende, le 29 novem- 
bre 1668, sur preuve de six générations; mais il est au moins 
vraisemblable que les la Tour Saint-Vidal, seigneurs de Roche- 
brune et de Pompignac, qui donnaient des capitaines de Carlat 
dès 1616 *, étaient du même sang. 

Une famille noble, du nom de Saint-Vidal, dont les titres suivis 
remontent à 1532, dont les membres, de père en fils, prennent la 
qualité de seigneurs d'Orserolles et du Champ, ne se rattache pas 
même par unc alliance à celle que nous recherchons. Arnaud * 
mentionne Benjamin de Saint-Vidal, sieur d'Orserolles, comme 
ayant reçu, le 28 février 1591, une somme de 100 écus pour lui et 
pour la solde de dix arquebusicrs en garnison sous ses ordres au 
château d'Éspaly et comme ayant été du nombre des gentils- 
hommes royalistes qui succombèrent à l'attaque de la ville du 
Puy, le 17 octobre 1594. Les ducs de Bourbon et de Ventadour 
les instituaient à peu près héréditairement baillis et capitaines 
de la baronnie de Roche-en-Regnier, et ils étaient Saint-Vidal, 
puisque leurs titres les nomment ainsi; mais ils n'étaient pas des 
la Tour qui, eux, ne rendaient ni des services ni des hommages 
aux autres maisons baronnales du pays. Si, depuis le xvi° siècle, 


1. Justel, Histoire de la maison de Turenne, liv. 1, aux preuves, p. 427. 

2. Sonyer-Dulac a son article dans la Biographie universelle de Michaud, t. XII, 
p. 149. 

3. D'Aubais, Pièces fugilives,t. II, p. 181; Bouillet, Nobiliaire d'Auvergne, t. NI. 
pp. 356, 359. 

4. Histoire du Velay, t. 4, p. 508 et t. LI, p. 28. 


MAISON DE LA TOUR 111 


ce nom de fief a prévalu sur leur nom patronymique, c'est que tel 
était l'usage du temps ct que le gouverneur du Velay, Antoine de 
la Tour, avait attaché à ce nom de Saint-Vidal une célébrité qui 
ne périra pas. 

Comme celle des Lévis. cette race aurait mérité un titre de 
Maréchal de la Foi, car aucune ne s'est montrée plus héréditai- 
rement catholique, et certes ce ne fut point faute d'enthousiasme 
religieux et d’ardeur guerrière si les premiers ancêtres du capi- 
laine de la Ligue, en Velay, ne tombèrent pas à la bataille 
d'Antioche, près d'Iléracle de Polignac, sous le cimeterre des 
infidèles. Mais lorsque, en 1455, le roi convoqua la noblesse du 
Languedoc pour marcher contre le comte d'Armagnac, cet autre 
mécréant, rebelle, ami des Anglais, et, de plus, incestueux, trois 
gentilshommes du pays, le seigneur de Saint-Vidal, Guyot de la 
Tour-Maubourg ct Jacques de Bains, étaient au nombre des vingt 
lances levées par Tanneguy de Joyeuse dans la sénéchaussée de 
Beaucaire !. 

À deux siècles en arrière, le samedi avant la fète de Saint- 
Pierre-aux-liens, l'an 1265 de l’incarnation de Notre-Seigneur 
Jésus-Christ, Adhemare, femme de Hugues de la Tour, chevalier, 
seigneur de Barges, dictait ainsi ses dernières volontés : 

« Comme l'institution d'hériticr est le chef et fondement de 
tous testaments et voulant disposer de ma dot qui s'élève à 
10,000 sous du Puy, ainsi que de tous mes biens présents et à 
venir, J'institue pour mes héritiers, Guicharde et Elixeus, mes deux 
filles, en .cinquante livres chacune pour leur légitime, et j'instituc 
dans le reste de mes biens, pour mon héritier général et univer- 
sel, Hugues, mon fils mineur; et s’il advient que mon fils Hugues, 
ce que Dieu ne veuille, décède en minorité ou plus tard, je lui 
substitue Guicharde, ma susdite fille, et s’il arrive qu'elle-mème 
meure sans héritier légitime, je lui substitue Elixeus, mon autre fille. 

«Je recommande mon âme au Très-Ilaut, son créateur, et je 
choisis pour mon corps, une sépulture dans le cimetière des 
Frères Mineurs du Puy. Pour mon enterrement, je donne et lèguc 
50 livres du Puy. 


1. D. Vaissète, Histoire du Languedoc, t. V, p. 18: -— Arnaud, Histoire du Veläy, 
t. Jer, p. 258. 


112 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


« Item, Pour un repas à faire chaque année à perpétuité le jour 
de ma mort, je donne et lègue 50 livres aux dits Frères Mineurs, 
afin d'acheter des rentes pour les frais de ce repas, et Hugues, 
mon héritier, et ses successeurs posséderont ces rentes; 

« Item, Je lègue un repas de vingt prètres qui se fera chaque 
année à Saint-Vidal, et à chaque prêtre je donne ct lègue treize 
deniers du Puy; 

« Item, Je donne et lègue vingt livres du Puy à l'œuvre de la 
chapelle à construire à Barges; 

« tem, Je donne et lègue cinquante sous du Puy à l'œuvre de 
l'église de Saint-Vidal, cinq sous à la luminerie et quinze sous au 
chapelain de cette église, et six livres du Puy pour les offrandes 
du pain et du vin qui se feront chaque jour pendant un an; 

« ltem, Je donne et lèsuc deux sous du Puy aux églises de Sans- 
. sac, de Saint-Remy, de Chaspuzac et de Borne pour leur luminerie, 
et deux sous aussi du Puy au chapelain de ces églises ; 

« Item, Je donne et lègue quarante sous du Puy pour faire un 
repas au monastère de Saint-Philibert, ct je donne aux prètres de 
Goudet et au chapelain du château deux sous du Puy; 

Item, Je donne et lègue aux luminaires des églises de Saint-Phi- 
libert et de Saint-Pierre, cinq sous du Puy chacune; 

« Item, Aux deux chapelains de l'église paroissiale d'Arlempdes, 
deux sous du Puy chacun, et à la luminerie de cette église, deux 
sous du Puy; 

« Item, Je donne et lègue deux sous du Puy au chapelain de 
Saint-Arcons qui aura charge d'âme, et à la luminerie de cette 
église, deux sous; 

« [tem, Au chapelain de Saint-Paul, cinq sous du Puy; 

« ltem, Je donne et lègue soixante sous du Puy à partager éga- 
lement entre les pauvres de l'hôpital de Notre-Dame du Puy et les 
prêtres et femmes qui en font le service; 

« Item, Aux Frères Prècheurs du Puy, quarante sous pour un 
repas ; 

« Item, Quarante sous du Puy aux religieuses de Bellecombe, 
el semblable somme aux religieuses de Mercœur; 

« Item, Je donne et lègue quarante sous du Puy pour vêtir des 
pauvres, ct je veux qu'on fasse choix des pauvres de Barges et de 


Saint-Vidal: 


MAISON DE LA TOUR 113 


« tem, Je donne et lègue aux Frères de la Pémitence du Puy, 
quinze sous du Puy pour un repas, et je veux et ordonne que le 
repas de vingt prêtres et l'habillement des pauvres soient acquittés 
dans la première année de ma mort; quant aux autres legs, qu'ils 
soient acquiltés successivement dans l'ordre précité, de façon que 
pour ces legs on paie chaque année dix livres du Puy, au moins 
jusqu’à parfait acquittement. 

« Pour assurer l'acquittement et l’exécution de ces legs, je fais 
el constitue pour mon exécuteur testamentaire, [ugues, mon 
mari, lui donnant plein et entier pouvoir en tout et pour tout. 

« Fait les an et jours que dessus à Barges, dans la maison haute 
de Hugues, en présence des témoins suivants : Pierre de la Tour, 
clerc et célericr. du Puy, Ebrard de Pradelles, Durand de Freys- 
sinet, damoiseaux, Mathieu de la Brugère (de la Brugeira), Pons 
de Bargettes, prêtres, Pierre Brun de Barges, Guillaume de 
Lobaresse, damoiseau, ct Béraud de Freyssinet, clerc du Puy; ct 
comme je n'ai point de sceau, moi Adhemare, je scelle mon testa- 
ment avec le sceau de mon mari Hugues, le dit Hugues présent 
el y consentant; ct nous autres témoins susdits Ebrard, Durand, 
Béraud, Mathicu Pons, nous scellons le présent testament avec 
nos Sccaux,; et moi Pierre de la Tour, comme je n'ai pas mon 
sceau, Je scelle ce testament avec le sceau d'Ebrard sus nommé; 
ct moi Guillaume de Lobaresse, comme je n'ai pas de sceau, je 
scelle avec celui de Durand sus nommé; et moi Picrre Brun, 
n'ayant pas de sceau, je scelle Le présent testament avec le sceau 
du susdit Béraud ‘. » 


1. Ce beau et curieux titre que possède M. le comte de Bonnevie, conservé peut- 
être comme un des titres de la maison de la Tour d'Auvergne qui aurait échappé aux 
recherches de Baluze, a bien vite été reconnu applicable à la maison de la Tour 
Saint-Vidal, par notre excellent ami, M. le baron de Sartiges-d'Angles, qui 's'est em- 
Pressé, aidé de M. Augustin Chassaing, substitut au tribunal de Cusset, ancien élève 
de l'École des Chartes, de nous en envoyer la description et la traduction. La pièce 
est Irès bien conservée, ct sur parchemin. Des huit sceaux, il en manque deux et 
Précisement celui de Hugues de la Tour. 

Chaque mot de ce document historique mérite d'être étudié et peut servir à révé- 
ler le berceau de la maison de la Tour. Hugues est qualitié seigneur de Barges et 
non de Saint- Vidal ; c'est à Barges, dans sa maison haute, que lui et sa femme habi- 
lent, el qu'est fait le testament. Des legs pieux et en grand nombre témoignent de 
l'affection d'Adhemare pour toutes les localités environnantes de Barges et de Saint- 
Vidal. N'en faut-il pas conclure, puisque sa famille n'est pas connue, qu'elle était une 


8 


114 LA RARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Quoi qu'il en soit, un de ces la Tour mariait sa fille, Lucie de 
Saint-Vidal, à Armand de Servissas, et son fils Hugues à Girine 


Germaine de Glavenas ‘, ce dernier mariage est même antérieur 


à 1300, puisque Iugues rendait hommage au nom de sa femme à 
Jean de Cuménis, évêque du Puy, en l'année 1296. C’est par celle 
alliance, renouvelée plus tard avec la maison de Lardeyrol, que la 
maison de la Tour acquit et conserva si longtemps une pagésie 
démembrée de la seigneurie de Glavenas el une part indivise dans 
le péage du Pertuis ?. 

Le P. Ansclme * mentionne un différend de l'année 1284, élevé 
au sujet d'un hommage entre le seigneur de la Tour et le vicomte 
de Polignac et qui fut laissé à l'arbitrage de Guillaume IV de Chi- 
tecauneuf-Randon, beau-père du vicomte. Le souvenir de cette pre- 
mière contestalion n'élait pas de nature à se perpétuer ; on voit 
cependant que les relations entre la baronnie de Saint-Vidal ct la 
maison vicomtale, malgré le voisinage ou peut-ètre à cause du 
voisinage, restèrent toujours réservées ct froides. 

Au degré qui suit on rencontre une Vierne de la Tour, mariée à 
Bertrand de Brion. Mais de quels Brion s'agit-il ici? Ceux qui pos- 
sédèrent la terre de Combronde en Auvergne ‘ étaient d'origine 
de finance : tenons pour ceux du Vivarais plus anciens et plus 
connus en Velay. 

Le frère aîné de Vierne était Maurice de la Tour, chevalier, 


fille dotée ‘de 10,000 sous du Puy) de la maison de Saint-Vidal, mariée à Hugues de 
la Tour, seigneur de Barges, et que le fils héritier de cette maison étant mort sans 
postérité, autre Hugues, fils d'Adhemare, aura, par sa mére, succédé au fief de Saint- 
Vidal devenu dés lors le principal manoir de la Tour ? 

Telle est notre conjecture, elle expliquerait le long attachement qui fut presque 


un culte de la maison de la Tour Saint-Vidal pour ces domaines de Barges, de Gou- . 


det, de Beaufort, d'où elle tirait son origine, et que dans un jour de puissance et 
d'orgueil, le gouverneur du Velay fit ériger en vicomté de Beaufort. 

4. Notre ami, M. Paul Le Blanc, a bien voulu nous communiquer une généalogie, 
par lui faite sur pièces des maisons de la Tour et de Rochefort d'Ally qui se suc- 
cédèrent à la baronnie de Saint-Vidal, ce travail consciencieux nous a beaucoup 
aidé, ct quoique, pas plus que celui-ci, il ne soit exewpt d'erreurs, c'est quelque 
chose même à ce prix d'avoir pu introduire un peu d'ordre et de suite dans les degrés 
de ces deux familles. : 

2. Sur ces faits voir Baronnie de Lardeyrol et consulter aux archives de la Ilaute- 
Loire le Répertoire général des hommages rendus aux évêques du Puy. 

3. Histoire des grands officiers de la couronne, t. WE. p. 810, 

4, Bouillet, Nobiliuire d'Auvergne, t. 1er, p. 355. 


en = : 


MAISON DE LA TOUR 415 


scigneur de Saint-Vidal, dont l'alliance n’est pas connue, quoiqu'il 
ait laissé plusicurs enfants. Par ses dernières dispositions, à la date 
du 16 décembre 1356, il institue, pour héritier universel, son fils 
lugon avec substitution dans l'ordre de progénilure, et il fonde 
une vicairie dans l'église de Saint-Vidal, en y affectant une somme 
de soirante sols tournois cet la rente perpétuelle de deux setiers de 
seigle. On croit que ses trois filles épousèrent : Valborge, Pons de 
Saint-Projet, seigneur de Fontannes, au diocèse de Saint-Flour; 
Béatrix, Simon de la Brosse, ct autre Béatrix, Guigon de Belvézer. 
Rien de plus sur ce Maurice de la Tour et même la date de son 
lestament n'est pas posée avec une grande certitude. 

Dans le xiv° siècle, un évèque du nom de Bertrand de la Tour 
vint s'asseoir sur le siège du Velay et y mourut en 1382, avec le 
litre de patriarche de Jérusalem. C'était un temps de contesta- 
lions opiniâtres et de lamentables calamités. Les chroniques font 
honneur à ce.prélat d'avoir éteint d'anciennes difficultés entre le 
chapitre de son église ct l'abbaye de la Chaise-Dicu; d’avoir 
porté autour de la ville, dans de solennelles processions, la statue 
de la Vierge pour que lé ciel donnât d’abondantes récoltes au 
pays mourant de faim; d'avoir soutenu d'un massif éperon la 
façade de Notre-Dame ébranlée de vieillesse ou par un tremblement 
de terre, dit Odo de Gissey. Et là n'est pas tout ce qui compte 
dans la vie de cet évèque, car il reçut au Puy le grand du Guesclin 
partant pour le siège de Châteauneuf-Randon, ct déposa bientôt 
lui-mème le cœur du vaillant capitaine dans cette église de Saint- 
Laurent où il est encore. Bertrand de la Tour occupait donc le 
siège épiscopal dès 1361, lorsque les troupes congédiées par le roi 
d'Angleterre après le traité de Bretigny, dispersées en compagnies 
de routiers, ravageaient sans merci toute la province de Lan- 
guedoc ; lorsque les Badefol, les Rambaut, les Pacimbourc, les 
Bouvetaut pillaient Brioude, le Monastier et Saugues ; lorsque 
finissait à peine une longue et cruelle guerre entre les seigneurs de 
la Roue et les vicomtes de Polignac ; et il gouverna ainsi son diocèse 
pendant vingt années assez remplies d'événements et d'émotions. 

Mais cet évêque était-il de la maison de Saint-Vidal ? 

Les historiens de Notre-Dame n’en doutent pas ‘; c'est pour 


1. Odo de Gissey, p. 512. — F. Théodore, p. 326. — L'abbé Monlezun, pp. 111 
et 175. — Le P. Caïillau, pp. 330 et 331 n'a pas suivi ce courant, mais sans motiver 


son opinion. 


116 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


ainsi dire la tradilion de l'église du Puy ct l’auteur de l'Ancien 
Velay ‘ l’a acceptée de confiance. Tous répèlent après Odo de 
Gissey que Bertrand de la Tour « était de la noble maison des 
barons de Saint-Vidal et qu'il avait son monument aux Cordeliers 
où l'ont aussi ceux de sa maison, y ayant été enscveli, proche le 
grand autel en habit de Saint-François, le 1# de mai 1381 ». 
Mais la Gallia christiana Vui donne une autre origine ct une 
autre sépulture. Elle dit qu'il repose aux Cordeliers de Clermont 
et elle propose cette explication pour accorder les tables nécrolo- 
giques de deux couvents : Caun obusset Anicii, prius depositum 
est ejus corpus in ecclesia Minorum hujus urbis, unde post aliquot 
dies dilatum est ad ecclesiant Minorum Claromont *. On pourrait 
même admettre pour les restes de l'évèque Bertrand, comme pour 
ceux du connétable, un partage, le corps transporté à Clermont, 
le cœur laissé aux Cordeliers du Puy. 

Arnaud a vu la question ct la décide à sa manière en s’abste- 
nant de rattacher Bertrand de la Tour à la maison de Saint-Vidal *. 

Baluze, appuyant son texte de documents qui lèvent toute 
incertitude, établit ainsi la notice de cet évèque : « Bertrand de 
la Tour, évèque de Toul et du Puy, né en l'année 1330, comme il 
parait par un acte rapporté dans l'histoire de Toul, dans lequel 
il déclare qu'il était âgé de vingt-six ans lorsqu'il fut fait évèque 
de Toul. Ceux-là se sont grandement écartés de la vérité qui ont 
transplanté ce seigneur dans la maison de la Tour Saint-Vidal, 
au diocèse du Puy, étant très certain qu'il était fils de Ber- 
trand IV, scigneur de la Tour d'Auvergne, et d Ysabeau de Lévis, 
comme il le dit [ui-mème dans un titre de l'année 1356 qui cest 
au Trésor des Chartes de France. De plus, Guyot de la Tour, dans 
son testament, appelle ses frères les évèques du Puy et de Langres. 
Il fut premièrement abbé de l’église collégiale de Saint-Genès à 
Clermont et puis évèque de Toul en l'année 1355, et le fut durant 
l'espace de sept ans, comme dit Richard de Wasschbourg, qui 
remarque quil était beau et bien doué de nature. W fut transféré 
de l'évêché de Toul à celui du Puy, le 18 décembre 1361, et étant 
mort le 44 mai 1381, il fut enterré en habit de cordelier dans les 


. Mandet, Ancien Velay, p. 2%. 
Gall. christ, LI, col. 727 et 728. 
. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, pp. 212, 2262 € Hp. 451. 


19 


MAISON DE LA TOUR 117 


sépultures de sa maison aux Cordeliers de Clermont, où néanmoins 
son obit est marqué x. fa. Jun, c'est-à-dire le 23 mai, ce qui se 
doit sans doute entendre du jour qu'il fut enterré, ayant fallu 
quelques jours pour transporter son corps de la ville du Puy en 
celle de Clermont ‘.» 

Les auteurs de la Bibliothèque sacrée * suivent le sentiment de 
Baluze et avec raison, car aucun acte, aucun document ne place, 
dans la généalogie de la maison de Saint-Vidal, soit à cette date, 
soit à une autre, un Bertrand de la Tour, évêque du Puy, ce qui 
démontre la nécessité d’une étude à nouveau sur cette branche, 
quoique la plus travaillée, de l'histoire du Velay. 

Revenons donc à la postérité de Maurice de la Tour. 

Son fils aîné Hugues ou Hugon, chevalier, seigneur de Saint- 
Vidal, portait le sobriquet de Becherot. IL épousa Béatrix de 
Sereys, fille de feu Astorge de Sereys et de Béatrix de Vissac de 
Jalande. Les de la Tour ne se mariaient jamais que pour ajouter 
à leurs domaines, et lorsqu'une nouvelle terre était entrée dans 
leur maison, ni cadets, ni filles, ni partages, ni arrêts ne pou- 
valent l'en faire sortir. Ce trait de race se reproduit à chaque 
génération. L'héritière de Screys, du chef de son père, apportait à 
son mari de grands biens, tout ou partie du Thiolent, des Ternes 
et de Jalavoux, situés aujourd'hui dans les communes de Ver- 
gezac el de Chaspuzac, et où Maurice de la Tour percevait déjà 
une rente pour laquelle il avait donné reconnaissance à l'évèque, 
Jean de Chandorat, en 1343 *. Bertrand et Guérin, de la maison 
de Sereys, chanoines de l'église du Puy, et qui possédaient par 
moitié cette propriété de Jalavoux, alors dans la paroisse de Saint- 
Remy, en avaient fait hommage à l’évêque en 1284 cet en 1309. 
Des hommages rendus par Hugues de la Tour et Béatrix de 
Sercys, sa femme, nous rapprochent beaucoup de la date de leur 
mariage, car le premier de ces hommages dut le suivre de près, et 
ilcest de l’année 1343 : un autre est de 1358. Enfin, celui de 1383, 
rendu par Hugon, qui pouvait être le fils de Hugues ct de Béatrix, 
nous apprend qu'au moyen d'une transaction passée entre les 


1. Baluze, Histoire de la maison d'Auvergne, t. X, p. 312; 4 1, pp. 392, 615 et 617. 

2. T. XXIX, p. 80. 5 

3. Répertoire général des hommages rendus aux évêques du Puy. Feuillet 246. au 
mot Jalavour. re 


118 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


deux sœurs de Sereys, les deux bories de Jalavoux, désormais 
réunies, appartenaient à la maison de Saint-Vidal. 

Ces faits, déduits de quelques lignes du Répertoire général, qui, 
malgré de nombreuses erreurs de dates, de noms, de personnes 
et de lieux, contient lant d'indications importantes sur l'état de 
la propriété en Velaÿ en ces temps éloignés, sont confirmés ct 
complétés d'autre part dans un passage de Chabrol qu'il faut citer. 

« La terre de Jalavoux est située près du Puv, paroisse de Saint- 
Remy. En 1531 (devrait-on lire 1341 ?) elle appartenait à Hugues 
de la Tour, aliàs Becherot, fils de Maurice, seigneur de Saint- 
Vidal, et de Béatrix de Sereys, fille d'Astorgue et de Béairix de 
Vissac de Jalande.. Hugues de la Tour ct Béatrix de Screys 
donnèrent au chapitre de Saint-Georges du Puy, par acte du 
3 avril 4357, la dime de leur domaine sur le fondement qu'il 
n'était, disaicnt-ils, d'aucune paroisse; mais les curés primitifs 
de celle de Saint-Remy l'ayant réclaméc, le chapitre se contenta 
d'une redevance annuelle de cinq seticrs, par traité du 6 décembre 
suivant .» : 

Dans son testament, qu'on date de l'année 1361, Béatrix de 
Sereys, nomme pour héritier son fils Hugon qui vraisemblable- 
ment était l'aîné, et gratilie de quelques sommes d'argent les 
cordeliers et les Jacobins de la ville du Puy. Elle mourut peu de 
jours après ces dispositions, puisque, dès 1362, c'est Iugon de 
la Tour, son héritier, qui représente la famille et rend à l'évêque 
un hommage pour les biens de Chaspuzac. 

Si elle laissait cinq fils, un d'eux était le Drogon de Saint- 
Vidal, élu en 1390 ct que la Gallia christiana inscrit comme le 
quarante-deuxième dans la série des abbés de Saint-Chaffre. 
Froissart a sauvé de l'oubli le nom d’un autre, car il cite Pierre 
de Saint-Vidal au nombre des douze genlilshommes de l'em- 
bûche dressée par le vicomte de Meaux, devant la place de la 
Roche de Vendais, en 1390, ct dans laquelle tombèrent [es com- 
pagnons du fameux Aimerigot Marcel qui tenait cette forteresse 
pour les Anglais et fut obligé de l'abandonner. (Chroniques, 
livre IV, édition du Panthéon littéraire, t. IX, p. 75.) 

Et encore celui de Guyonnet : « Messire Guillaume le Boutillier 


1. Chabrol, Coutumes d'Auvergne, t. IN. pp. 7176 et 771. 


MAISON DE ,LA TOUR 119 


ct messire Jean Bonne-Lance (il s'agit du siège de Ventadour qui 
durait depuis plusieurs années, car la place était tenue par Île 
capitaine Gcoffroy Tète Noire) qui ne pensoient à cette ordon- 
nance que tout bien pour cux, et ne cuidoient pas que les deux 
Bretons (Alain et Pierre Roux) les voulsissent trahir ni deccvoir 
pour avoir leurs corps ni leur argent, escripvirent tantôt unes 
lettres au mieux faites que ils purent et le mieux dictées, pour 
envoyer au duc de Berry, qui pour ces Jours ce tenoit à Riom 
en Auvergne; ct prirent un gentil homme des leurs qui bien 
savoit parler, qui se nommoit Guyonnet de Saint-Vidal, et l'in- 
formèrent de tout le fait, ct lui dirent que rien il n'oubliât à dire 
au duc de Berry. Et pensoient que de ces nouvelles il seroit moult 
réjoui, car fort désiroit, ct avoit désiré grand temps, à ravoir le 
châtel de Mont-Ventadour. L'écuyer prit les lettres à l'ordon- 
nance et parole des deux chevaliers et se départit des bastides, 
informé quelle chose il devoit dire et faire. Et tant chevaucha, tra- 
versant Limousin et Auvergne, qu'il vint à Riom, et là, ce m'est 
avis, trouva le duc de Berry. Il s'agenouilla devant lui, et Jui baïlla 
les lettres en recommandant les chevaliers à lui, ainsi que le scut 
faire. Le duc prit les lettres, les ouvrit et lisit ; et quand il eut bien 
entendu et conçu de quoi elles parloient, si fut grandement réjoui, 
et commanda à ses maîtres-d'hôtel que on pensât bien de lui. Il 
fut fait. » (Chroniques de Jean Froissart, livre IV, chapitre x1;, édi- 
tion du Panthéon littéraire, tome III, p. 35.) L'événement est de 
l'annéc 1389. 

Quant à Hugues, la date de son décès n'a pu être fixée. On voit 
seulement qu'en 1383, ce n’est plus lui, mais Hugon, son fils, qui 
rend les hommages même pour les biens patrimoniaux de Gla- 
venas et qui traite avec ses cadets. Ainsi, une sentence du juge de 
Grateloup, renduc le 26 juin 1388, le maintient en jouissance de 
la succession de son frère Guigonnet de la Tour, décédé sans tes- 
lament et aussi sans alliance. | 

Îl eut été plus intéressant encore de savoir en quelle année et à 
quelles conditions Hugon contractait avec Catherine de Goudet un 
Mariage qui devait faire tomber dans la maison de la Tour ces 
belles terres de Montvert, Montusclat, Eynac ctde Vilar, si âpre- 
ment disputées aux Rochefort d'Ally à la fin du xvi° siècle, et le 
S'and fief voisin du château d'Arlempdes que la Loire traverse 


120 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


presque au début de sa course, et que le gouverneur du Velay, 
dans un jour de puissance, fit ériger en vicomté de Beaufort !. Cet 
acte s'est dérobé à toutes les recherches. 

Goudet, en 875, était un prieuré dépendant de l’abbaye de 
Tournus et souvent mentionné dans d'anciennes chartes *?. C'était 
aussi, non pas peut-être un fief titré de baronnie, mais une sei- 
gneuric importante dont les possesseurs étaient comptés en Velay 
ct même dans la sénéchaussée de Beaucaire. C'est, en effet, une 
particularité assez remarquable que lorsque les de la Tour sont, 
avec les seigneurs de Chalencon ct de Roche-en-Regnier, convo- 
qués par Charles VIT à l'assemblée des États-Généraux du Langue- 
doc, que ce roi présida en personne à Vienne, en Dauphiné, le 
20 mars 1436, et à l'assemblée des mêmes États tenue au Puy, en 
1439, ils le sont comme seigneurs de Goudet et non pas comme 
barons de Saint-Vidal, au moins s'il faut donner ce sens au titre 
par lequel on les désigne *. 

En ce qui concerne la première maison de Goudet, un vieil 
inventaire des titres et papiers de la seigneurie du Villar au 
temps où les Montaigu de Bouzols la possèdent, et qu'une heureuse 
recherche nous a fait découvrir aux archives de l'Empire (Lettre P, 
n° 4860), analyse une donation de la terre d'Eynac, aux dates de 
1272 et 1277, par Pons de Chapteuil, en faveur de Pons de Goudet, 
son neveu, ct des séries d'hommages, qui remontent à 1285 pour 
ne s'arrôter qu à 1383 ‘, attestent que toutes ces seigneurics de 
Montvert, de Montusclat, d'Eynac, du Villar, de Goudet, apparte- 
naicnt alors à des Pons, à des Gilbert, à un autre Pons et enfin à 
un Lambert, tous ancètres de Catherine de Goudet qui en fut sans 
doute la dernière héritière. 

L'inventaire déjà cité rappelle, à la date du 30 mars 1405, le 
testament de Hugues de Saint-Vidal, seigneur de Goudet. 

Des filles nées du mariage de Hugon ou Ilugues de la Tour et 
de Catherine de Goudet, une du moins, Marquèse de Saint-Vidal, a 


1. Œuvres d'Henrys, édition de 13534, 3° vol., pp. 471 et suivantes, arret du 
13 mai 1616. 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1er, pp. 60 et 70. 

3. D. Vaissète, Histoire générale du Languedoc, t. IV, p. #83; Arnaud, Histoire du 
Velay,t. 1, pp. 252 et 253. 

&. Archives de la Ilaute-Loire, Répertoire général des hommages rendus aux 
évèques du Puy, feuillets 340 et 352, 


MAISON DE LA TOUR 121 


laissé sa trace. Elle était religicuse à Bellecombe; elle céda, le 
14 mars 1410, à son neveu Dragonnet une partie de ses droits, et, 
en 1429, elle était abbesse de ce monastère, où nous retrouverons 
d'autres dignitaires du mème rang et du même nom !. Trois autres 
filles, Dauphine, Marguerite et Béatrix de la Tour, furent du 
monde, comme on disait alors, et y trouvèrent d'honorables 
alliances. 

Un second fils, Gonot de la Tour, se maria, mais sans avoir de 
postérité. 

L'ainé, Guiot ou Ginot, suivant quelques titres, épousa, en 1394, 
Dauphine de Faydit, de la Haute-Auvergne, petite-fille de Maurice 
de Tourzel, seigneur d'Alègre. Hugues de la Tour qui vieillissait, 
donna à son fils les châteaux de Saint-Vidal et de Barges, ce der- 
nicr voisin sinon dépendant de la seigneurie de Goudet et pour 
lequel il semble que les Montlaur avaient rendu hommage à 
l'évèque du Puy, en 1274. 

Que sait-on de plus de ce Ginot? rien, si ce n'est qu'il laisse une 
fille, Police de la Tour, laquelle se marie, le 6 avril 1412, à Jean 
Itier, seigneur de Giorand, au voisinage de Goudet, et un fils du 
nom de Dragonnet qui continue la lignée des barons de Saint-Vidal. 

Dragonnet avait épousé Dauphine de Saint-Projet, d'une autre 
famille sans doute que celles des Saint-Priest du Forez, dont une 
branche, établie dans la seigneurie d'Apinac, eut aussi, mais plus 
tard, des alliances avec la maison de la Tour. Quoi qu'il en soit, il 
fit son testament au château de Saint-Vidal vers 1446, en présence 
de Jean Itier, seigneur de Giorand, de Claude de Saint-Projet, 
chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, ct de Pierre de 
Gorce, baron de Loudes. Ce testament est à relenir, car il donne 
des détails complets sur l'état de la famille de la Tour à cette 
époque. 

Il veut d'abord que pour son enterrement on habille de drap 
noir trente pauvres qui pricront Dicu pour lui et pour ses parents 
et amis; qu'on appelle cent prètres au jour de ses funérailles ct 
qu'on leur donne deux gros tournois et un diner convenable ; que 
le lendemain on célèbre un retour dans le couvent des Frères 
Mineurs avec assistance de cinquante prètres. Il donne au couvent 


1. Gall. christ.,t.1l, fol. 176. 


122 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


des Frères Prècheurs du Puy, dix livres tournois, à la charge par 
eux de dire cent messes pour le repos de son âme et même somme 
à même condition au couvent de Notre-Dame du Mont-Carmel de 
la dite ville. I donne aux religieuses de Sainte-Claire quinze livres 
tournois, semblable somme aux religieuses de Vals, et il lègue à 
l'église de Saint-Vidal un calice en argent du poids d'un marc et des 
ornements saccrdotaux d'une valeur de dix livres. Il fait remise 
aux habitants de ses terres et seigneuries de tous arrérages jus- 
qu'au Jour, à raison des enquêtes faites devant ses justices et à la 
charge par eux de prier Dieu pour lui. Il donne ct lègue à titre 
d'institution à Guillaume de Saint-Vidal, son fils, les châteaux du 
Villar ct d'Eynac, sans qu'il puisse demander autre chose, et à 
la charge de contribuer pour sa part aux dettes de la baronnie de 
Goudet lui substituant, s'il meurt sans enfants, son fils Louis de 
Saint-Vidal, s'il n'est pas dans les ordres. 11 donne et lègue à ce 
fils Louis une rente annuelle de quarante livres tournois jusqu’au 
jour où il sera pourvu d'un bénéfice, et il charge son héritier de 
pourvoir à son entretien et de le tenir dans les écoles jusqu'au jour 
où il sera prébendé. Il lègue à sa fille Antonic, pour l'aider à se 
marier, une somme de trois mille livres tournois pour tous droits 
dans sa succession, et à son autre fille, Dauphine de Saint-Vidal, 
deux mille cinq cents livres. Il laisse l'administration et la jouis- 
sance de ses biens à Dauphine de Saint-Projet, sa femme, tant 
qu'elle vivra et gardera la viduité. Enfin, il institye Béraud de 
Saint- Vidal, son fils, pour héritier universel en lui substituant 
successivement ses autres fils et filles, et, à défaut des enfants de 
ceux-ci, les enfants de Police, dame de Giorand, sa sœur ! 

Par un acte assez étrange, à la date du 21 avril 1446, l'annéc 
même de son testament, Dragonnet, sur la requête des habitants. 
avait accordé à Guigon-du Thiolent la permission de convertir sa 
demeure en maison forte pour la mettre à l'abri des gens de 
guerre cet des voleurs, ce qui fait conjecturer que les barons 
de Saint-Vidal n'avaient là qu'une scigneurie ou une terre sans 
château. 

1 n'existait plus lorsque Antonic, l’ainée de ses filles, s'unit en 
mariage, le 22 août 1453, à Falcon de Glavenas, baron de Lar- 


1. Extrait des archives de la baronnic de Lardevrol. 


MAISON DE LA TOUR 123 


deyrol, puisqu'elle est uniquement assistée de Béraud, son frère ‘. 
Le sort de Delphine, la cadette, reste inconnu. 

Selon les dispositions de son père, Béraud succéda d'abord à la 
baronnie de Saint-Vidal ct à tous ceux des biens de sa maison qui 
navaicnt pas été donnés en apanage à Guillaume, mais de son 
mariage avec Louise de Joyeuse, sœur de Tannegui*, il ne vint 
que deux filles et, comme tous ces biens étaient substitués en 
faveur des mäles, c’est naturellement à Guillaume, plus heureux 
de ce côté, qu'ils devaient retomber. Sa veuve, car il mourut 
jeune. entra, par un double mariage, dans la maison d’Apinac : 
le 26 février 1460, elle épousa Louis de Saint-Priest, le père, et sa 
fille, Antoinctie de Saint-Vidal, épousa Jean de Saint-Priest, fils 
ainé *. 

Avant cette alliance avec la maison d’Apinac, qui eut des con- 
séquences de plus d'une sorte sur les destinées de la maison de 
Saint- Vidal, Guillaume de la Tour était venu commencer une 
branche cadette dans le château du Villar que son père lui avait 
_légué pour sa part successive et où il vivait en 1458 avec sa propre 
famille. Il avait épousé l'héritière de Mons, scigneurie voisine de 
la ville du Puy, et dont lui et ses descendants conservèrent la 
propriété jusqu'après 1636 *. Mais, à la mort de Béraud, qui ne 
laissait pas de fils, Guillaume, de cadet devint aîné, ce qui dut 
porter Louise de Joyeuse à quitter à la fois son veuvage et Sant- 
Vidal. Un procès témoigne des sentiments qui suivirent celte 
séparation et déjà le 13 août 1474, un arrêt avait maintenu Guil- 
laume en possession de la terre de Goudet malgré les prétentions 
contraires de Jean d'Apinac ct de sa femme, Antoinette de Saint- 
Vidal. C'est que cette grande fortune immobilière, toujours accrue 


1. Archives de Lardeyrol. 

2. Voir Baronnie de Saint-Didier, maison de Joyeuse. 

3. P. Anseline, Histoire des grands officiers de la couronne, 1. WE, pp. 835 et 836. 
Cette double alliance avait été déjà indiquée par le Laboureur dans ses Masures de 
l'Isle-Barbe, in-4°, Paris, 1682, p. 390. 

4. Arnaud, Histoire du Velay, t. WW, p. 436. I existait un autre chäteau de 
Mons dans la paroisse de Saint-Gcorges-l'Agricol, anciennement démembré de la 
baronnie de Roche et possédé par la maison d'Agrain, conne on peut le voir dans 
les Notes historiques de Garde des Fauchers, p. 69. Il nous semble que, malgré son 
exactitude ordinaire, Arnaud fait ici quelque confusion ; mais en tous cas, c'est bien 
le château de Mons, voisin de la ville du Puy, qui était échu à la maison de 
Saint-Vidal. 


124 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


ct jamais liquidée, était une cause permanente de gène; le mariage 
d'Antonie avec Falcon de Glavenas avait failli se rompre scanda- 
leusement, parce que Béraud n'avait pu se mettre en mesure pour 
le trousscau et pour la dot de sa sœur. Succédant à tous les biens 
par l'ouverture de la substitution, Guillaume était aux prises avec 
les mêmes difficultés, et aussi empèché d'éleindre les dettes 
anciennes que de payer les droits légitimaires de ses deux nièces. 

Son premier mariage ne lui avait pas préparé des ressources 
pour cette situation. Mourant sans enfants, Claudine de Mons lui 
donna un fief de plus, mais avec des charges nouvelles, et on ne 
voit pas que sa seconde femme, Marguerite de Monestier, dont il 
eut deux filles et deux fils, ait apporté beaucoup d'aisance dans 
sa Maison. 

Il fit son testament le 7 avril 1488 ct mourut bien peu de jours 
après, car, le 30 mai 1489, Irail, son fils et son héritier, était con- 
damné par arrêt à asscoir cent cinquante livres de rente en faveur 
de Jean d'Apinac et d Antoinette de la Tour, ses cousins *. 

La veuve fit le sien, le 29 mars 1492, dans la chambre dite de 
Madame, au château du Villar où elle vivait en douairière, en 
présence de Gcoffre Itier, seigneur de Giorand, de Guillaume de 
Pouzols, ct de plusieurs prêtres de Saint-Pierre-Eynac. Quelques- 
unes de ses dispositions ont de l'intérêt comme détails de mœurs : 

Noble et puissante dame, Margucrite de Monestier, dame de 
Saint-Vidal et de Goudet, ayant bon sens ct entendement, mais 
débile et malade de corps, Dieu le voulant ainsi, veut que son 
corps soit enscveli dans l'église des Frères Mineurs du Puy, au 
tombeau de feu son mari, et qu'il soit accompagné des religieux 
des quatre couvents mendiants de la même ville, à chacun desquels 
ordres il sera donné vingt sols. Cinquante pauvres de Jésus-Christ, 
auxquels il sera donné par ses héritiers deux aulnes d'étoffe de 
Mende, y assistcront, portant chacun une chandelle de cire du 
poids de deux livres, sur laquelle seront affichées ses armes parties 
avec les armes du seigneur de Saint-Vidal, son mari. Les cent 
prètres, appelés pour son enterrement, recevront pour leurs 
messes ct prières chacun trois sols et neuf deniers. Les cinquante 


1. Aux archives de l'Empire, Inventaire des Tilres de la seigneurie du Villar. 
déjà cité. 


MAISON DE LA TOUR 1425 


qui, le lendemain de sa sépulture, viendront faire un retour, de 
mème que les cinquante qui feront la quarantaine et le bout de 
l'an, recevront chacun deux sols ct six deniers; mais elle prescrit 
que durant la grand’messe célébrée dans ces occasions, cinquante 
chandelles de cire demeurent allumécs dans le chœur de la dite 
église. Elle ordonne que le jour de son enterrement, une aumône 
de trois sctiers de blé converti en pain soit faite aux pauvres de 
Jésus-Christ. Elle lègue à l'église de Saint-Germain, un habit 
d'écarlate pour une chasuble, à l'église de Saint-Vidal, une sienne 
robe de satin pour semblable usage ct une sienne robe de velours 
noir à l’église des Frères Mineurs du Puy pour faire aussi une 
chasuble. Elle lègue vingt ducats d'or, une fois payés, au dit 
couvent, à la condition que les Frères Mineurs seront tenus, tous 
les premiers lundis de chaque mois, et ce à perpétuité, de célébrer 
une messe avec diacre et sous-diacre pour l'âme de la testatrice et 
celle de tous ses parents et bicnfaiteurs. Elle délaisse à noble 
Louise de la Tour, sa fille, femme d'Antoine de Cades, seigneur 
d'Entraigues, unc somme de dix livres, ct pareille somme à son 
autre fille, noble Catherine de la Tour, femme de noble Jean 
Magu, écuyer. Elle lègue vingt livres à noble Agnès Lemosine, 
sa demoiselle de compagnie, pour l'aider à se marier, ct après 
avoir fait à noble Guillaume de la Tour, baïilli de Saint-Vidal !, à 
sa chambrière, à son porcier, à sa vacheronne, à d'autres serviteurs 
encore, des libéralités, clle revient aux siens et donne à noble 
dame Catherine de Monestier, sa sœur, religieuse, dix livres une 
fois payées ct trois cents livres à Jean de Moncestier, son frère, sur 
la dot à elle constituée. Enfin, elle institue pour ses héritiers, par 
égale portion, ses deux fils, Erail de la Tour, seigneur de Saint- 
Vidal et de Goudet, Jacques ee la Tour, scigneur d'Eynac ct du 
Villar *. 

En ce temps-là, pays et familles se gouvernaient d'après les 
traditions. Dragonnet de la Tour avait donné en apanage à son 
second fils les terres d'Eynac et du Villar; on voit que, dans son 
testament du 7 avril 1488, Guillaume avait fait exactement de 
même et sans oublicr les substitutions, car Ilenri de la Tour, sieur 


4. Le testament n'en dit pas davantage sur ce Guillaume de la Tour, bailli de 
Saint-Vidal, ce qui nous semble indiquer un bâtard du mari, 
2. Documents particuliers. 


126 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


de Montvert, un autre cadet de Saint-Vidal, s'en autorisait dans 
l'arrèt du 13 mars 1616 dont nous aurons à parler en son licu; 
mais le testament fut sans conséquence pour Jacques puisqu'il 
mourut sans alliance ct en tous cas sans postérité. 

Restait done Érail, au cours de sa vie, capitaine de deux 
enseignes de gens de A6 ', et qui, comme baron de Saint-Vidal et 
de Goudrt, assistait en personne aux États du Velay, tenus à 
Yssingeaux, le 29 mai 1494 *. 

Ce fait, à peine indiqué par un mot dans un procès-verbal véné- 
rable, le plus ancien de tous ceux qu’une main pieuse a recueillis, 
est cependant l'explication toute simple de la manière dont se sont 
formés nos États. On convoquait dans la noblesse ceux qui par 
leur fortune, par leur àge, par le rang de leur maison étaient Île 
plus en vue et les plus intéressés aux affaires du roi et du pays, et 
ce nombre de dix-huit barons en droit d'entrer dans l'assemblée 
et d'y représenter seuls tout leur ordre n'est qu'un hasard qui est 
devenu règle en se reproduisant. Au xv‘ siècle, lorsque les États, 
fréquemment réunis par Charles VII, prirent une sorte de fixité 
et se donnèrent des habitudes qui nous semblent des lois, il n'est 
pas douteux que la seigneurie de Kolignac y aurait été appelée 
si elle n'avait pas été alors recueillie ct absorbée par la vicomté de 
Polignac, et il en aurait été de mème pour le fief de Goudet, si ce 
fief n'élait pas tombé dans la maison de Saint-Vidal. Plus tard, 
lorsqu'une longue possession eut consacré le privilège des dix- 
huit baronnies, il restait inhérent à chacune et ne s abdiquait pas 
par leur réunion; mais dans l'origine il n'en fut point ainsi, 
ce qu il serait facile de démontrer par d'autres exemples. Les 
anciennes institutions des pays d'États n'élaicnt que des usages, 
et personne ne sait comment les usages s'établissent. 

Erail de la Tour, en épousant, le 1°" juin 1497, Françoise d'Albon, 
de cette grande maison d'Albon à laquelle appartenait le maréchal 
de Saint-André, trouva peut-être Ie moyen de terminer de regret- 
tables contestations avec ses parents d'Apinac, car il existait 
d'étroites alliances entre ces Saint-Priest et les d'Albon. Françoise 


1. Le Laboureur, Masures de l'Isle-Rarbe, p. 146. 

2. Archives de la Haute-Loire, Proces-verbaux des États du Velay, t. 17; Arnaud. 
Histoire du Velay. À. 1, p. 235. C'est lui qui a recueilli et classé ces précieux 
monuments de Fhistoire du pays. 


MAISON DE LA TOUR 127 


élait fille d'Ifenri, seigneur de Saint-Forgeux ct de Curis ‘, et son 
frère Antoine, qui mourut en 1525, était chanoine-comte de Lyon, 
successivement prévôt et doyen de l'église de Saint-Jean, ce qui 
aida à la vocation de plusieurs cadets de la maison de Saint-Vidal. 

De cette première Françoise d’Albon, devénue dame de la Tour, 
et que le père Anselme nomme Guillemette, on ne sait plus rien. 
Érail, son mari, fit son testament, le 6 novembre 1537, par lequel 
il institua son fils Antoine pour son héritier universel avec substi- 
tution en faveur des enfants de ce dernier, dispositions que l'état 
de la famille rendait d’ailleurs bien faciles, puisque Fautre fils 
Bertrand était archidiacre de Saint-Jean à Lyon, et la fille Fran- 
çoise, abbesse de Bellecombe. 

Une sorte d'hérédité collatérale transmettait la crosse dans les 
abbayes comme l'hérédité directe transmettail le ficf dans les 
familles. On a vu, dans le testament de Margucrite de Monestier, 
que sa sœur, Catherine, était religieuse. 

Les auteurs de la Gallia christiana complètent ces indications *. 
Ïls nous apprennent qu'elle appartenait à une famille noble des 
environs de Clavas, qu'elle devint abbesse de Bellecombe, le 
14 juin 1513 et qu'elle mourut après 1319. C'est à elle que succéda 
Françoise de la Tour, sa nièce, alors âgée de douze ans et qui 
n'avail pas même fait encore profession. Mais le pape Léon X, 
par une bulle donnée à Saint-Pierre de Rome le 1°" novembre 1512, 
avait couvert cette infirmité d'âge en prescrivant qu'elle n'entre- 
rait en possession de sa dignité que lorsqu'elle aurait atteint sa 
vingtième année, et que jusque-là l'abbaye serait administrée par 
Marguerite de la Tour, religieuse professe de la Séauve-Bénite. 
Une autre Francoise de la Tour, sa nièce aussi, désignée dans la 
liste des abbesses de Bellecombe, sous le titre de Françoise IT°, Ia 
remplaça en 1557. — Voilà donc ce que fut la destinée de la fille 
d'Erail de la Tour. 

Son cadet, l'archidiacre Bertrand, passait les dernières années 
de sa vie autant à Bellecombe, près de sa sœur, qu à Lyon, quoique 
dignitaire de l'église de Saint-Jean. Le 28 mai 1564, il assistait 


1. Le Père Anseline, Hisl{oire des grands officiers de la Couronne,t. VIT, p. 196. 
Généalogie de Ja maison d'Albon. 
2. T. 1, col. 176. 


128 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


au mariage de Jeanne de Marcenat, héritière de la baronnie de 
Lardeyrol et sa parente, avec François de Polignac d'Adiac ?, 
et le 19 août de la môme année, il dictait son testament à Antoine 
Aulanier, notaire à Bellecombe, sans qu'il füt d'ailleurs en mala- 
die. I élit sa sépulture à l'église de Saint-Jean de Lyon, au tom- 
beau d'Henri d'Albon, jadis camérier de la dite église, tout au 
devant du bénitier. Ses libéralités ne pouvaient être considérables, 
mais celles sont nombreuses, soit en œuvres pics, soit en œuvres 
charitables, et nous notons deux retours ou chantars aux corde- 
liers du Puy, l'un après son décès, l'autre au bout de l'an, et 
deux autres chantars à l'église de Saint-Rambert dont son héritier 
el ses exécuteurs testamentaires, Antoine d'Albon, archevèque de 
Lyon, et Pierre d'Apinac, caméricr de Saint-Jean, auront à fixer 
la dépense. Il lègue à sa belle-sœur, Françoise d’Albon, la tapisse- 
rie d'une salle ct de sa chambre, son bassin d'argent, trois coupes, 
une aiguière, une salière et huit cuillers en argent, mais en 
prescrivant qu'après la mort de sa belle-sœur cette tapisserie 
reste au château du Villar. Il lègue à Antoine de Saint-Vidal, 
écuyer, seigneur de Saint-Vidal, quatre coupes ct deux salières 
en argent. Îl institue pour son héritier universel, noble ct véné- 
rable homme Bertrand de la Tour, dit de Saint-Vidal, prieur de 
Montregard, comte de l'église de Saint-Jean de Lyon, son neveu *. 

Antoine de la Tour, Île frère de cet archidiacre, avait en effet 
épousé, au mois de novembre 1533, une autre Françoise d'Albon, 
fille de Gabriel d'Albon, quatrième du nom, et de Gabrielle de 
Saint-Priest qui élait par conséquent la nièce de la première 
Françoise, femme d'Erail de la Tour. En faveur de ce mariage 
qui renouvelait ainsi l'alliance des deux familles, Erail donna à 
son fils Antoine la moitié de ses biens, donation qu'il conver- 
it en institution universelle, le 6 novembre 1537, mais en la 
compliquant de clauses de substitutions qui, moins d'un siècle 
après, devaient amener entre leurs successeurs de déplorables 
déchirements. 

La vice publique d'Antoine de la Tour, baron de Saint-Vidal, 
n'a laissé aucune trace. Père de neuf enfants, c'était une assez 


1. Voir Baronnie de Lardeyrol. 
2. Documents particuliers, 


MAISON DE LA TOUR 129 


grande affaire d'élever et d'établir une famille aussi nombreuse. 
Il mourut le 49 août 1564, laissant un testament fait le 12 juil- 
let 1552 par lequel il iñstituait, pour son héritier universel, cet 
autre Antoine de la Tour, son fils, le dernier des mâles de sa 
race ct destiné à rendre célèbre le nom de Saint-Vidal. 

Le vicux manoir de Saint-Vidal que, depuis 1563, le gouverneur 
du Velay s’eflorçait de restaurer et de fortifier, restait toujours la 
résidence des barons aînés de la famille; mais, depuis deux ou 
trois générations, les scigneuries d'Eynac et du Villar servaient 
d'apanage aux cadets et de douaire aux veuves, la transaction du 
& septembre 1563, qui affecte ces châteaux au douaire de Françoise 
d'Albon, en est une nouvelle preuve *. 

Cette veuve eut une longue existence. Par son testament du 
16 juillet 1589, elle institua pour son héritier, non pas Antoine 
second, son fils aîné, qui tenait alors une si grande place cn 
Velay, mais Henri de la Tour, son autre fils, connu sous le nom 
de sieur de Montvert, et qui ne prit aucune part aux affaires 
publiques de son temps. 

Des cinq filles d'Antoine premier de la Tour ct de Françoise 
d'Albon, quatre se marièrent : Claire, le 20 juin 1557, avec 
Claude de Tournon, dit de la Chaize; Antoinette, le 15 jan- 
vier 1574, avec Louis de Roquelaure ; Louise, le 14 avril 1577, 
avec Gui Béraud, scigneur de Servissas. La cinquième, Françoise, 
élevée dans le Lyonnais, vint faire profession à Bellecombe, appc- 
lée en 1557 par le monastère ct surtout par l'abbesse, sa tante, à 
laquelle elle succéda en 1561. Elle est citée dans une charte de 
1568, et, en l'année 1603, clle reçut l'hommage de François de 
Polignac, pour la seigneurie d’Adiac *. | 

Des quatre fils, deux furent d'église : Jean, chanoine-comte du 
chapitre de Saint-Jean, qui testa en faveur de Françoise d'Albon, 
sa mère; Bertrand, prieur de Montregard, également chanoine- 
comte de Lyon, héritier de son oncle l'archidiacre, et qui, le 
6 août 1572, fit son testament en faveur d'Antoine de la Tour, 
son frère. 

Henri de la Tour, sieur de Montvert, ne sortit de son obscu- 


1. Archives de l'empire, inventaire des titres de la scigneurie du Villar. 
2, Gall. christ., col. 116 et 7711. 


130 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


rité que par les dissensions qui éclatèrent dans la famille, après 
la mort du gouverneur, baron de Saint-Vidal. Il habitait avec sa 
mère au château du Villar, se maria, le 145 août 1598, avec une 
demoiselle Martine de Chartreviclle, dont la maison n'est pas 
connue en Velay, et fit son testament, le 18 juin 1612, par lequel 
il instilua sa femme pour son héritière, mais à la charge par elle 
de remettre son hérédité à Bertrand de la Tour, leur fils, avec 
substitution en faveur de Marie de la Tour, leur fille. Ce Ber- 
trand mourut jeune; Marie épousa, le 14 décembre 1627, François 
de Chapteuil, seigneur de Bonneville, et on a lieu de croire 
qu'après celle, les biens que les transactions et les procès avaient 
aüribués à Henri revinrent aux Rochefort d'Ally. 

Avant de suivre Antoine de la Tour, second du nom, dans sa 
vice publique, il faut dire quelques mots de sa vice domestique. 

Le 2 juillet 1563, il avait contracté mariage avec Claire de 
Saint-Point, fille de Guillaume :, gouverneur de Màcon; et d'An- 
toinctte de la Forèt. Des enfants nés de ce mariage, Gilbert 
mourut jeune, Claire épousa Claude de Rochefort d'Ally, le 
1° août 1582; Marie, N....... Ménardeau, sieur de Champré; 
Madeleine, Théophile de Damas, seigneur de Digoine, et Anne 
de la Tour fut religicuse. 

Le baron de Saint-Vidal qui, au cours de ses expéditions en 
Gévaudan, y acquit des terres considérables, n'ajouta que peu de 
choses à ses scigneuries du Velay; une maison cependant, siluéc 


4. « Philibert de Saint-Point, scigneur du dit lieu et de la Salle, cut un fils et deux 
filles. Le fils eut nom Guillaume, lequel avant servi pour la reprise de Mäcon, 
exécutée le 2 août 1562, y fut mis commandant par le seigneur de Tavanes, lors 
lieutenant de roi au gouvernement de Bourgogne. Or, comme il est bien certain 
que les honneurs changent les mœurs, Guillaume de Saint-Point, devenu de licute- 
nant du seigneur de Pierrecloux commandant à Mâcon, s'intitula gouverneur comme 
si celui qui n'est que licutenant au gouvernement avait pouvoir de créer des gou- 
verneurs. Entré en trop grande opinion de lui-:méme et impatient de compagnons de 
profit il ne sc put entretenir longuement en l'amitié de ceux qu'auparavant il soulait 
honorer. Mémement, avant bravé (par un visoureux refus de traite de vin: à 
messire Francois de la Baulme, chevalier, comte de Montravel, baron de Saint- 
Sorlin, gouverneur de Bresse, Bugey et Veromey, pour le duc de Savoie, il s'accou- 
tuina de ne respecter personne. Dont advint que l'un des frères d'Adson (jeune 
geutilhomme qui avait une compagnie de gens de pied du Maconnais\, se sentant 
offensé de lui, lui fit perdre la vie. Il laissa une fille, son unique héritière, laquelle, 
quelque temps après, fut mariée au seigneur de Saint-Vidal en Velay. » (Pierre de 
Saint-Julien, Des Antiquités de Macon, in-f°. Paris, 1581, p. 317.) Le vrai titre du 
volume est de l'Origine des Bourquignons. 


MAISON DE LA TOUR 431 


dans la ville du Puy, avec jardin, et désignée sous le nom de la 
Grulerie, lui avait élé vendue, le 7 septembre 1578, par Louis dit 
Armand, vicomte de Polignac. 

Lorsque Saint-Vidal arrivait à l'âge d'homme, une question 
religieuse et une question politique, le schisme de Luther ct l'am- 
bition des Guise, troublaicnt et cnsanglantaient la France. 

Ce n'est pas ici qu'on aurait à développer longuement les causes 
éloignées ou prochaines de ce tumulte de princes et de sectaires 
qui, à travers plus de soixante ans de gucrres internationales ct 
de guerres civiles, changea les constitutions de la vieille Europe, 
sépara plusieurs nations de l'Église romaine et introduisit, jusque 
chez les peuples les moins travaillés de l'esprit nouveau, le dogme 
redoutable du libre examen. Pendant ce siècle incomparable, tous 
ou presque tous, par l’épéc, par la parole ou par la plume, prirent 
part à la lutte, et à aucune époque l'homme n'a autant agi et 
autant écrit. La passion et aussi quelquefois la raison y burinèrent 
des pamphlets immortels, et la plupart de ces rudes capitaines ne 
se reposèrent de leurs agitations, sans jamais quitter leurs har- 
nais de gucrre, qu'en les racontant dans des mémoires d'une saveur 
et d’une allure que la révolution du xvin° siècle n’a pas su retrouver. 
Il y accusèrent si bien leur personnalité et leur temps que pour 
eux du moins le style est tout l’homme ct la littérature toute 
l'image de la société. Le vieux Saulx-Tavannes appelait sa plume 
une épée de repos. 

Les historiens de l'École philosophique et ceux de l'École narra- 
tive se sentent également attirés vers cette douloureuse et drama- 
tique transition du moyen âge à l'ère moderne, ct chaque jour les 
maîtres de la science, s'inspirant de ces nombreux documents, 
cherchent à rendre plus vif et plus complet le tableau de cette 
grande époque. Après eux, de jeunes ct vaillants esprits ont cir- 
conscrit leurs études dans le champ de leur province, et c’est 
ainsi qu'ont été publiées l’Histoire des querres civiles en Velay, 
l'Histoire des querres religieuses en Auvergne, l'Histoire des querres 
civiles en Vivarais'. Recommencer ces livres où une intelligente 
érudition a mis en œuvre les chroniques locales en les éclairant 


4. Tout le monde sait que les auteurs de ces livres sont : MM. Mandet, Imberdis, 
Poncet et Dourille. 


132 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


des enseignements de l’histoire générale, ne serait qu'une témé- 
rité inutile. Mais la physionomie, et, si on le pouvait dire, l'accent 
de ces événements n'a élé nulle part le même, et peut-être reste-t- 
il encore à rechercher quel a été leur caractère particulier, leur 
raison d'être dans chacun de ces pays. C'est à quoi nous nous 
borncrons pour le Velay, en contrôlant ensuite, par les faits dont 
Saint-Vidal fut le promoteur, la valeur de ces rapides aperçus. 

Comment pénètrent la vérité et l'erreur dans les sociétés hu- 
maines? La marche des idées comme celle de certaines conta- 
gions restera toujours plus ou moins mystérieuse : elle n'échappe 
pas cependant tout entière à l'observation. Tandis qu’en Alle- 
magne, la Réforme envahit les États du Nord, elle entame à peine 
les États du Midi, et c'est justement le contraire qui arrive en 
France, où le Dauphiné et le Languedoc furent de toutes nos pro- 
vinces les premières et les plus ardentes à l'accucillir, sans qu’un 
Luther, un Calvin, un Knox ou quelque autre de ces hommes 
puissants dans l'agitation religieuse, y soit Jamais venu enflammer 
les esprits de sa prédication. 

On s'est demandé s'il ne fallait pas voir dans les guerres civiles 
des provinces méridionales, aux xvi et xvn° siècles, une lutte 
cachée de nationalité, une sorte de révolte sous prétexte de reli- 
gion, un eflort de peuples conquis pour reprendre leur ancienne 
indépendance, et on l'a dit surtout pour le Dauphiné, plus annexé 
que réuni à la couronne par le traité de 1349 *. 

Les faits résistent à cette opinion moins solide que spécicuse. 

Que la Réforme, dans certaines phases de la lutte, ait cherché 
quelques étincelles dans ce foyer éteint, que même d'aventure elle 
ait réveillé ce qui pouvait rester au midi de vieil esprit de natio- 
nalilé, certes, au désordre moral de ce temps tout a été osé et tout 
s'est vu, la Liguc allait bien donner la couronne de France à l'Espa- 
gne! mais les moyens d'une révolution n'en révèlent pas toujours 
les principes et le but, ct ricu n'autorise à prêter aux calvinistes du 
Dauphiné et du Languedoc une sérieuse aspiration d'indépen- 
dance territoriale non plus que de liberté politique. Si, depuis Île 
jour de leur annexion à la grande famille française, elles sc mon- 


1. M. De Lavergne traite, en courant, cette question dans son très remarquable 
Ménuire sur l'économie rurale de la France Moniteur du 7 décembre 1857). 


MAISON DE LA TOUR 133 


trèrent jalouses de conserver leurs antiques privilèges, tels qu'ils 
leur avaient été garantis par les traités, jamais, même lors- 
qu'elles eurent à se plaindre de quelque grave violation du con- 
trat, leur fidélité ne parut ébranlée. Bien loin, d'ailleurs, d'avoir 
été mises par la couronne au dur régime des pays conquis, ces 
provinces conservaient alors dans toute sa force cette adminis- 
{ration des États, source et garantie de leurs libertés. Plus qu’elles, 
la Bretagne regrettait sa souveraineté perdue, et la Bretagne, 
malgré l'occasion, n'essaya pas, pour la recouvrer, de tendre la 
main à la Réforme. En Languedoc, ce sont deux religions qui vou- 
lurent réciproquement s’exclure par la violence, l'heure de vivre 
en paix à côté l’une de l’autre-n'étant pas encore venue; mais ni 
les calvinistes ni les catholiques ne prirent les armes pour séparer 
la province du royaume de France. À aucun moment de la guerre, 
leurs chefs, les Montbrun, les des Adrets, les Crussol, les Joyeuse, 
les Montmorency, non plus que Lesdiguières, quoi qu'on en ait 
. dit, n’en conçurent le dessein. Après le grave historien de Thou, 
on a bien repris cette accusation contre les actes de l'assemblée 
de Saumur, en 1641, d'une nouvelle République de Hollande com- 
posée de toutes ses parties et séparée du reste de l'État, qui avait 
ses lois pour la religion, le gouvernement civil, la justice, la dis- 
cipline militaire, la liberté, la levée des impôts et l'administration 
des finances ‘; mais d'abord ceci aurait été autre chose que le 
sentiment prêté au Dauphiné et au Languedoc de vouloir ressaigr - 
leur ancienne indépendance et ensuite cet État dans l'État, selon 
notre expression moderne, en dehors de la petite mais héroïque 
cité de La Rochelle, ne fut jamais qu'une passagère nécessité de 
s entendre pour des églises dispersées, qu'une organisation acci- 
dentelle et défensive, sans autre portée politique et religieuse que 
d'assurer à la masse des Réformés ce que leur donna l’édit de 
Nantes, la liberté de conscience et l'état civil. 

À vrai dire, la Réforme n'a apporté en France aucune idée poli- 
tique, car elle n'en a pas plus laissé de trace dans les institutions 
que dans les mœurs, si peu que dans la grande révolution du 
xvin siècle, on chercherait vainement ce que les constituants de 
l’école de Montesquieu et les républicains de l'école de Rousseau 


1. M. L. Anquez, Histoire des assemblées politiques des Réformés de France. 


134 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


lui auraient eniprunté. A la différence des anabaplistes qui, en 
d’autres contrées, s'enfiévrèrent de doctrines démagogiques, le cal- 
vinisme français, comme la fronde, fut un peu jeu de princes, et 
les capitaines de ses armées aussi bien que Îles ministres de ses 
Églises, tous sortis de la noblesse et de la bourgeoisie, s'ils avaient 
travaillé à autre chose qu'à la liberté religieuse, l'auraient fait 
sans s'en douter. Sur la foi novateurs hardis et passionnés, sur 
tout le reste ils ne se montrent pas moins conservateurs que les 
catholiques ; on peut même affirmer sans paradoxe que si un mou- 
vement d'égalité rapproche les rangs sociaux, si on sent un peu 
frémir la fibre communale, si dans ce bruit de controverses et de 
batailles percent quelques notes démocratiques ct révolution- 
naires, c'est du côté de la Ligue qui, dans les chaires et dans les 
rues de Paris, de Toulouse et du ruy: eut et eut seule de véritables 
tribuns. 

En allant au fond des choses, ct sans s’arrêterni aux compétitions 
de pouvoir ni à ces scèncs de pillage ct de meurtres qu'exécu- 
tèrent pour leur compte personnel, à la faveur du désordre géné- 
ral, tant de partisans exécrés, tel fut, du moins en Languedoc, 
le caractère propre de ces longues agitations : au début, une guerre 
purement religieuse, ct, au cours des événements, une question 
dynastique, mais sans rêve de séparation et sans aucun désir 
d'accroître les libertés publiques. La Réforme y trouva l'édifice 
social assis sur la base des Trois-Ordres et n'y changea rien. Loin 
d’abolir ou de développer le régime d'États cher à la province, elle 
se borna à s’en servir en le scindant; chaque parti eut son assem- 
blée composée de même et votant les subsides dans les mêmes 
formes. Toutc la différence, c'est que les Montmorency adminis- 
traicnt ou gouvernaient pour le roi et les Joyeuse pour les Guises. 

Ce régime d'Élats n'avait pas non plus préparé le Languedoc 
à l'invasion du calvinisme, car on nc voit point que dans les autres 
pays d'États, en Bretagne ct en Bourgogne, par exemple, il en 
ait beaucoup profité. Seulement, les provinces méridionales, par 
le double effet de leur éloignement et de leurs institutions qui 
permettaient à toutes ces cités de se gouverner elles-mêmes, 
échappaient plus que celles du Nord à l’action du pouvoir central 
et donnaient ainsi à la guerre civile plus de prise et de durée. 

À nen pas douter, ce qui, au commencement du x siècle, 


MAISON DE LA TOUR 135 


avait favorisé en Langucdoc l'hérésie des Albigcois, y favorisa, 
au xvi° siècle, la Réforme ; le levain de ce premier schisme y fit 
fermenter le second ‘. Quant à l'ardeur de la lutte, elle s'explique 
par le génie ardent de ces populations, car là tout sentiment 
s'exalle, toute idée se passionne, ct ce qui, ailleurs, resterait dans 
le domaine spéculatif, s'y traduit immédiatement en action. 

Le calvinisme entra dans la province par la vallée du Rhône 
et y jeta des flammes qui ne s’éteignirent plus *. Tout le Vivarais 
où, par unc exceplion significative, le clergé n'avait jamais cu de 
place dans les États *, en fut soudainement embrasé, ct, de proche 
en proche, l'incendie gagna jusqu'aux crêtes des Cévennes et du 
Mézenc. Mais il ne lui était pas donné de franchir cette barrière, 
car à l'autre aspect de ces montagnes vivaient, immuables dans la 
foi catholique, les populations de la Hautc-Auvergne, du Gévau- 
dan et du Velay, dont l’histoire n’a pas assez apprécié le rôle 
dans cette grave conflagration. Que serait-il arrivé, en effet, si 
cette coulée de lave qui s'avançait incandescente du Dauphiné et 
du Languedoc, ne s'était pas arrêtée aux picds de Notre-Dame ? 
si les armées de Coligny *, de Chatillon, de des Adrets, de Bla- 


41. M. Poncet, Mémoires historiques sur le Haut-Vivarais, À. 11, p. 17. 

2. Des sept cent soixante églises que la Réforme possédait en France, sous 
Louis XIII, il y en avait environ cent cinquante dans le Languedoc, ce qui faisait 
le cinquième de tous les religionnaires du royaume (Arnaud, Histoire du Velay, t. I, 
p. 111). 

3. M. Albert Dubois (Album du Vivarais, p. 19). 

£. M. Imberdis {Histoire des querres religieuses en Auvergne, p. 81) a très bien 
compris le plan de campagne de ce grand homme de guerre : « Lorsque les opéra- 
tions furent reprises, la grande armée des protestants quittait le voisinage de 
Toulouse, se dirigeant vers Castres et se renforcant .de plusieurs compagnies 
d'arquebusiers levées aux pieds des Pyrénées, les principaux capitaines avaient 
rejoint Coligny. Après avoir passé successivement devant Perpignan, Narbonne et 
Carcassonne dont les portes ne s'ouvrirent pas, le généralissime annonca de Nimes, 
à ses soldats, qu'il allait les ramencr dans les murs de Paris. Une pensée habile 
avait dicté ce parti au vieux chef. 1l voulait faire à peu près le tour de la France et 
rallier sous ses drapeaux les protestants de chaque province. Des forces imposantes 
étaient ainsi présentées aux catholiques, ct la capitale se voyait menacée d'une 
attaque redoutable que pouvait seule empêcher une paix prompte et sérieuse. 
Prenant par Ja vallée du Rhône jusqu'à Aubenas, là évitant les montagnes du 
Vivarais en passant de la droite à la gauche du fleuve... » Ici M. Imberdis se 
trompe : ce qu'évita Coligny, c'est le Velay, et cncore passa-t-il sur sa frontière 
orientale, car il parait avoir fourragé près de Montfaucon, fait intéressant dont 
notre ami M. de Vazeilhes a trouvé la preuve dans une vieille procédure et qu'au 
surplus Arnaud n'a pas ignoré (voir t. I, p. 358), puisqu'il l'avait emprunté à 
M. D. Vaissète (Histoire du Languedoc, t. V. p. 304). 


136 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


cons, de Ducier, de Merle, de Chavagnac, s'étaient ouvert ces pas- 
sages ct avaient pu communiquer librement du midi au nord de la 
France ? si les églises des bords du Rhône avaient, par-dessus ce 
noyau catholique, écrasé, donné la main aux églises des bords de 
la Loire? si comme Mende, Aubenas, Tournon, Annonay, Saint- 
Éticnne, Ambert, Issoire, Aurillac, et presque toutes les villes du 
Centre, celle du Puy avait été occupéc d'une manière permanente 
ou mème surprise par les religionnaires? Nul ne le sait. Mais 
au moins est-il évident que le comte de Saint-Hérem n'aurait 
pas eu si bon marché d'Issoire, cette petite Genève de l'Auvergne, 
si les calvinistes avaient été les maitres du Velay. Il en était tout 
autrement, et ce sera l'éternel honneur de ce coin de terre d'avoir 
un jour pesé pour quelque chose dans les destinées de la grande 
patrie. 

Point de rencontre de la France du Nord et de la France du 
Midi, le Velay, quoique attaché au Langucdoc par un lien fédé- 
ratif ‘ abritait dans les plis d'un sol tourmenté ses institutions 
particulières, ses mœurs traditionnelles, un établissement reli- 
gieux sans pareil, auquel il devait sa fortune, ses fêtes, sa renom- 
mée. Les étrangers, que les pèlerinages et les jubilés y amenajent 
en grand nombre depuis les ferveurs du moyen âge, n'y avaient 
laissé que des richesses et des semences de dévotion. Un clergé 
riche, mais sans faste, prépondérant sans être oppresseur, un 
peu mondain peut-être, car la cour de Rome en donnait alors 
l'exemple, jouissait de l'autorité qu'il avait acquise en protégeant 
la ville de Notre-Dame et le pays tout entier contre les excès de 
la puissance féodale, et dirigeait d'une main chaque jour plus 
intelligente ct plus douce, les rouages très simples de son admi- 
nistration. Cette sorte d'aristocratie de savoir et de vertus, acces- 
sible à tous, à la fois personnelle et héréditaire, l'oncle d'ordi- 
naire appelant le neveu, obtenait encore plus de sympathie des 
classes populaires d'où elle sortait, que l'aristocratie de race ou 
d'épée ct ne laissait guère de prise sur les masses à des nouveau- 
liés qui menaçaicnt de fermer la carrière à leurs plus chères 
ambitions. 

La noblesse qui, au jeune âge, avait pu suivre, au-delà des 


1. Albisson, Lois municipales el économiques de Languedoc, t. 1, p. 359; t. IV, p. 619. 


MAISON DE LA TOUR 137 


monts, François 1°, était revenue d'llalie obéréc, souffrante de 
plus d'une sorte de blessures, mais plus atteinte dans ses mœurs 
que dans ses croyances, vieillissait tristement dans ses châteaux, 
essayant de refaire, par l'ordre, par le repos, par l’économie, une 
fortune dont elle sentait que la nouvelle génération allait avoir 
besoin. Sauf quelques exceptions, elle ignorait encore le chemin 
de la cour, de même que le tourment des grandes ambitions, ct 
de ceux qui entraicnt dans la vie, bien peu reçurent des leçons 
d'amour ct d'intrigue de la reine Margucrite ou des sirènes que 
Catherine logeait près d'elle au Louvre et promenait dans ses 
voyages pour le succès de sa politique. Ses chefs naturels, les 
Polignac, les la Tour Maubourg, vieux sang des croisades, ne 
pouvaient pas être d'autre religion que de celle de saint Louis : 
après la guerre de la suzeraineté, les vicomtes et les évêques 
n'avaient plus de querelles que pour des intérêts de second ordre, 
et la maison de Fay avait traversé l'ère féodale sans en avoir. 
Quant aux Crussol, aux Joyeuse, aux Montlaur, aux Lévis, aux 
la Tour d'Auvergne dont quelques-uns devaient s’agiter dans ces 
convulsions nationales et y grandir, ils ne résidaient pas dans 
leurs baronnies de Beaudiné, de Saint-Didier, de Montbonnet, de 
Roche et de Bouzols, domaines éloignés et pour eux sans grande 
importance, qui ne leur donnaient ni autorité décisive sur les 
affaires du pays ni de puissantes ressources pour leurs entreprises. 

Presque toute la bourgeoisie, concentrée dans les neuf villes 
consulaires, vivait d'offices de judicature ou d'industries qui la 
rendaient dans une certaine mesure dépendante de la noblesse ct 
du clergé. Des gradués sortis des écoles de Toulouse, des com- 
merçants, des hommes exclusivement voués par position et par 
goût au soin de leurs intérêts privés et à la gestion des intérèts 
communaux, assez avisés d’ailleurs pour comprendre que la 
nouvelle religion n'ajoutcrait rien à leur bien-être et à leurs 
franchises, s'ils devaient se passionner pour quelque chose, c'était 
pour qu'une soldatesque étrangère ne vint ni rançonner leurs 
villes, ni piller les sacristies, ni insulter au culte des ancûtres. 
Au Puy, ils se laissèrent entraîner jusqu'aux dernières obstina- 
tions de la Liguc; à Yssingeaux et ailleurs, ils restèrent roya- 
listes ; huguenots nulle part. Classe déjà émancipée et déjà forte, 
la bourgeoisie du Velay, qui se risquait très volontiers dans une 


138 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


sédition contre le vicomte ou mème contre l'évêque, leur donnait 
dans l'occasion de magnifiques fêtes et ne pardonna jamais à 
Antoine de Naint-Nectaire d'avoir failli au serment de la Sainte- 
Union et déserté sa cathédrale et son palais épiscopal *. 

Les campagnes étaient, plus encore qu'aujourd'hui, soumises à 
la direction morale du clergé. Aucune école laïque ne s'élevait 
à côté de l'enseignement religieux. Une foi robuste, un culte 
émouvant et poétique, la vicille église du village avec ses tou- 
chantes cérémonies pour tous les grands actes de la vice chré- 
ticnne, le cimetière orné d'une croix rustique où, de génération 
en génération, tous viennent dormir dans la même poussière ; ce 
moine, ce prêtre, ces religieuses sortis de la famille pour peupler 
les pricurés, les monastères, les abbayes et les couvents, mais y 
revenant quelquefois et y entretenant par l'exemple, par Îles 
cxhortalions, par l'intérêt même pour tout ce qu'on en reçoit 
d'honneur et de considération, les habitudes pieuses, le respect 
de l'église et de ses ministres, car quel honnète cultivateur n'avait 
alors et n'a de nos jours en Velay la très légitime ambition de 
donner un de ses fils au sacerdoce, et plusieurs de ses filles aux 
congrégalions! Telles étaient, ct bien d’autres, les défenses de 
cette classe, la plus immuable dans ses croyances et dans ses 
mœurs, contre ce qui s'élablissait ailleurs à titre de religion 
nouvelle. 

Évidemment, sur un groupe social ainsi constitué et comme 
pétri de catholicisme, la Réforme ne devait trouver que bien peu 
de fissures pour y pénétrer. Elle n'y pénétra pas, elle ne fit que 
l'eflleurer, fait très considérable, un peu méconnu de nos histo- 
riens et qui donne un sens tout autre à ces événements bien divers 
dans leurs causes qu'on a confondus sous le nom de Guerres civiles 
du Velay *. Oui, deux partis politiques prirent les armes l'un 
contre l’autre, pour s'arracher le pouvoir, lorsque la mort d'Henri 
de Valois posa, entre la maison de Bourbon et la maison de Lor- 
raine, une question dynastique, lorsqu'il s'agissait de savoir qui 


1. Arnaud, Hisloire du Velay, t. 1°", pp. 463, 473; —Mandet, Guerres civiles du Velay, 
pp. 232, 235. 

2. Arnaud lui-même, n'écrivant que d'après des chroniqueurs plus passionnés que 
réfléchis, n'a pas, selon nous, suffisamment marqué cette distinction, quoiqu il ait 
mis tous les faits à leur date avec son exactitude habituelle. 


MAISON DE LA TOUR 139 


l'emporterait d'Henri IV converti ou du prétendant de la Liguc et 
de l'Espagne. Mais non, le pays ne s’est pas divisé et déchiré pour 
la question religieuse, et s’il a fait la guerre de religion, il l’a 
faite avec toutes ses forces contre le calvinisme qui venait en 
étranger et en armes pour l'envahir. 

Sur un point cependant, sur la lisière orientale en contact 
immédiat avec le Vivarais, quelques paroisses du Velay reçurent 
des dogmes de Genève une empreinte durable. Ni les missions 
apostoliques du $. P. Régis, bien plus efficaces sur les catholiques 
eux-mêmes ct qui mesurent en quelque sorte la bande étroite de 
territoire que le calvinisme avait conservée, en 1636, ni les sacri- 
fices que les États tourmentés de ce voisinage firent pour ramener 
les dissidents ‘, ne parvinrent à l'effacer. Missions et persécutions 
n'y ont rien fait, pas plus que les dragonnades de Villars et les 
conversions payées de Letelier dans les autres parties du Lan- 
guedoc. Sans reculer ni avancer d’une ligne, cette église de Saint- 
Voy garde sur la carte de la Haute-Loire, respectée dans sa foi, 
n'exerçant et ne subissant aucun acte de prosélytisme, la même 
place restreinte qu'elle s'était faite en Velay pendant le xvi‘ siècle. 

Est-ce à dire que, trompant toute vigilance, quelques livres de 
Genève, arrivés en contrebande dans la ville sainte, dans cette 
Mecque catholique des montagnes, objet de toutes les colères et 
de toutes les convoitises des partis calvinistes, n’essayaient pas 
en secret d'ébranler l’orthodoxie de quelques esprits curieux ou 
libertins? Non certes; mais le sentiment populaire passait contre 
ces nouveautés hérétiques de l'effroi à la fureur ct rendait impi- 
toyables les sentences de la cour commune. Devant de telles abo- 
minations, le chroniqueur Médicis, hors de lui, animé de toutes 
les passions de son pays ct de son temps, nous raconte comment 
un distributeur des vétupérables écrits de Calvin, surpris ct arrêté, 
en 1557, fut exécuté en pleine procession, jour de dimanche, lui fai- 
sant faire amende honorable tout en chemise; et comment « sur 
« l'obscure nuyct du lundi Sainct, quelques scélératissimes et mal- 
« eureux héréliques mal de la foy ruarcnt grands coupzde pierre 
« au dévot et sainct crucifix qui est au carré du petit cimentière 
« de Breulh par le moyen de quoy luy coupirent et brisarent bras 


1.-Arnaud, Hisloire du Velay, t. 1, p. 1017. 


410 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


« ct jambes dont la chronique de ce faict en est lamentable et dou- 
« loureuse et que constitua la pauvre ville merveilleuse et incré- 
« dible tristesse ! ». 

Est-ce à dire encore que dans cette ville du Puy, ouverte à tant 
d'étrangers par ses foires, par son industrie, par ses curiosités 
pittoresques, pas un habitant n'aura, ouvertement et en secret, 
changé de religion, n'aura cherché, mème au péril de sa vie, à favo- 
riser les desseins des calvinistes? nullement; nous savons qu'en 
1562, Jacques Guitard eut l'audace de s'adjoindre à Blacons; qu'en 
1574, le bonnetier Vidal Guyard surprit Espaly en s'y introdui- 
sant par un égout; qu'en 1568, un baron de Vinselles, bourguignon 
d'origine, présidait des conciliabules où l'on chantait les psaumes 
de Marot; mais nous savons aussi comment ils furent traités par 
leurs concitoyens. 

Ces faits ct quelques autres de moindre importance prouvent 
tout justement, par l'indignation publique qu'ils excitèrent, l'état 
des esprits en Velay. Ils ticndraicnt moins de place dans nos 
annales si, comme en Vivarais et comme en d’autres contrées du 
Languedoc, ils n'avaient été que la conséquence naturelle de Îa 
situation. 

Ce n'est pas la semence qui a manqué, elle était dans l’air et 
tombait de toute part; mais le sol ne lui était pas propice et elle 
n'y a pas germé. Un auteur ecclésiastique * l'a bien vu et l'a dit : 
« La ville du Puy, illustre dans nos histoires par un genre de 
« célébrité qu'elle ne partage qu'avec un très petit nombre de 
« villes, dut à la Mère de Dieu, sa patronne, la conservation de 
« l'ancienne foi. Malgré les efforts que fit l'hérésie pour s'y insi- 
« nucr, elle n'y put réussir ; et à l’arrivée de M. de Lantages, on 
« n'avait encore vu au Puy qu'une seule famille huguenotte. » 

Quelle autre, au surplus, des villes du pays à peine closes et 
facilement surprises, n'a pas fait d'incroyables efforts peur rester 
inviolée aussi bien que la ville épiscopale? Sur quatre cents reli- 
gionnaires de Privas qui, au mois d'août 1621, avaient, pendant la 
nuit, enfoncé les portes d’'Yssingeaux, quarante à peine s'en retour- 


1. Mémoires inédits d'Étienne Médicis: — Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, pp. 299 
et 303. 

2. Vie de M. de Lantages, premier supérieur du séminaire de Notre-Dame, p. 58. in-8°. 
Paris, 1830. 


MAISON DE LA TOUR 141 


nèrent. Un vieux curé, à la tête des habitants, avait commencé 
leur déroute et de Chaste qui survint l’acheva !. 

S'il y avait eu en Velay un véritable parti calviniste, ce parti 
aurait fait quelque chose; il aurait eu des chefs, des soldats, des 
places fortes, et rien de cela n'apparaît. On voit Saint-Nectaire, 
Rochebonne, Saint- Vidal, de Chaste, la Tour-Maubourg, ensemble 
ou séparément, la noblesse et le peuple avec eux, partir en expé- 
ditions jusque par delà Iles frontières, chasser les religionnaires 
de la Chartreuse de Bonnefoi, de Fay, de Tence, d’Espaly, de 
Saint-Pal-des-Monts, de Saint-Agrève, de toutes les places de 
l'intérieur ou du voisinage dans lesquelles ils s'étaient établis, 
les assiéger et les détruire, les livrer à la fureur des soldats ou à 
l'office du prévôt. Mais de guerre intestine, d'enfants du pays 
divisés sur la foi et combattant entre eux pour cause de religion, 
il n'y en a pas trace : nous ne connaissons qu'un seul gentilhomme, 
Saint-Just, de la maison d'Alègre, l'histoire l’a nommé, qui ait 
tourné son épée contre l’église de Notre-Dame en fraternisant 
avec Blacons *, encore était-il plus d'Auvergne que du Velay. 

Un jour vint cependant où il y eut, dans le pays, deux drapeaux, 
deux partis et deux camps; où, pour mieux dire, la ville du Puy, 
se séparant pour la Ligue du pays resté royaliste, retira des Mont- 
morency sa vieille fidélité pour la porter aux Joyeuse, ne voulant 
d'autre gouverneur que Saint-Vidal, l’homme de Mayenne, prit de 
Chaste ct les Polignac en exécration, assiégea son évêque dans 
Espaly en abreuvant ses derniers jour d'amertumes, jura enfin 
qu'elle ne reconnaîtrait jamais le roi hérétique, et, comme Paris 
el Toulouse, dépensa au service d’une grande erreur politique son 
sang et sa fortune. 

Pourquoi donc la ville du Puy fut-elle ligueusc entre toutes et 
la dernière de France à comprendre, à aimer ce grand roi Henri IV, 
ce rare esprit dont le règne, si malheureusement interrompu par 
lc couteau de Ravaillac, a légué tant d’admiration et de regrets à 
l'histoire? 

Deux siècles et quels siècles! se sont écoulés depuis que la vigic 
de Corneille signalait à toute heure le danger d’une surprise, 


- 4. Arnaud, Hisloire du Velay,t. LU, p. 119. 
2. Mandet, Guerres civiles dans le Velay, p. 36. 


412 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


depuis que, réveillée chaque nuit au bruit sinistre du tocsin, cette 
foule s'agitait éperdue des hauteurs de Notre-Dame aux portes 
d'Avignon et de Pannessac, ne sachant ce qu’elle avait le plus à 
redouter des corses d’Ornano, de l’armée de Châtillon, de Bla- 
cons ou de Merle, d'un partisan tel que Pierre de la Rodde ou de 
ce sénéchal de Chaste, charmant gentilhomme, mais détesté; 
depuis que, le 25 janvier 1591, on rapportait sur un brancard 
dans la ville consternée Île corps sanglant du gouverneur traversé 
d'un coup de dague aux prairies d'Estroulhas, ct que dans le mas- 
sacre du 16 octobre 1692, la fleur de la noblesse du pays tom- 
bait au faubourg Saint-Gilles ; et lorsque, dans les apaisements de 
notre âge, à l'ombre de ces rues étroites aujourd'hui silencieuscs 
et presque délaissées, où tant de nobles cœurs cependant se mou- 
raient alors d'angoisses en jurant qu'ils mangeraient femmes et 
enfants plutôt que violer leur serment à la sainte-union ‘, nous 
invoquions ces lamentables souvenirs en suivant des yeux sur la 
promenade du Breuil égayée de verdure, de soleil, de luxe, de 
fète et de vie heureuse, ces nouvelles générations si insouciantes 
des misères d'un autre temps, combien de fois s'est dressée dans 
notre esprit cette grande question de notre histoire : pourquoi la 
ville du Puy fut-elle si ardemment et si opiniâtrement ligueuse? 

Les causes générales de ce paroxysme religieux et politique où 
on sent battre jusqu'à se rompre, dans une convulsion suprème, 
le cœur même du pays, sont connues de tous ceux qui ont étudié 
les événements du xvi° siècle. Depuis Clovis, la France était un 
royaume catholique et il faudrait être bien étranger à toutes nos 
traditions nationales pour ne pas comprendre à quelle profondeur 
devait troubler les âmes, ce fait, si nouveau et si énorme que 
Henri IV lui-même ne put le rendre possible que par sa conver- 
sion, d’un prince Acérétique allant s'asseoir sur le trône de saint 
Louis ?! L'historien moderne le moins suspect de partialité 
dans cette question * ne s’y est pas trompé cet n'a point hésité à 


4. Arnaud, His{oire du Velay, t. \, p. 410. 

2. Et, en effet, comine l'a dit dans son beau langage, le R. P. Lacordaire {Discours 
sur la loi de l'histoire, œuvres, t. V, n. 301), depuis Tolbiac, jamais l'erreur ou 
l'hérésice n'avait approché l'âme d'un roi de France, et le seul qui en eût été 
atteint loin des marches du trône, ne put y monter qu'en recevant à Saint-Denis, 
par une abjuration nécessaire, l'onction sans tache de la royauté française. 

3. H. Martin, Histoire de France, t. 1X, pp. 525 à 529, 4° édition. 


MAISON DE LA TOUR 143 


écrire que la Liguc défendait le principe fondamental de l’an- 
cienne constitution française, en défendant le système de Ja reli- 
gion d'État. Mais nous n'avons qu’à indiquer ici quelques-unes 
des causes particulières qui, en Velay, irritèrent et prolongèrent 
plus qu'ailleurs les péripéties de ce grand débat. 

C'est de Toulouse qu'était partie la Liguc, approuvée par une 
bulle du pape, le 145 mars 1568 ‘. Toulouse plus que Paris, était la 
capitale de la France méridionale, et, par son parlement si cruel- 
lement orthodoxe, par son archevèque, par tous les Joyeuse 
ingrats aux Montmorency ct jaloux de leur quasi-royauté langue- 
docienne, exerçait un ascendant presque sans bornes sur la ville 
du Puy où elle envoya, le 3 avril 1589, huit députés : un évêque, 
un président et deux conseillers de la cour, deux capitouls et 
deux marchands, pour fraterniser avec elle et lui faire solennelle- 
ment jurer la sainte union. Cet engagement, contracté au palais 
épiscopal, dans une assemblée de plus de deux mille personnes : 
chanoines, membres du clergé, officiers de la sénéchaussée, du 
bailliage et de la cour commune, consuls, nobles, bourgeois, 
médecins, avocats, procureurs, marchands, lia d'honneur la ville 
entière et la rendit sinon vassale, au moins solidaire de la cité 
toulousaine *. 

Blessée de voir son évêque, plus guerrier que fanatique, aimant 
mieux châtier les huguenots dans une rencontre armée que les 
martyriser sur la place du Martouret, opposer des réserves hau- 
taines à tous les emportements d'un zèle excessif et ne voulant 
pas, lui, comte du Velay, n'être que l'instrument de la Confrérie 
de la Croix qui tentait de se l’asservir, elle l’obligea, pour conser- 
ver sa liberté, à s'enfermer dans son château d'Espaly cet, plus 
tard, dans son abbaye du Monastier. Puis, le redemandant avec 
colère et ne pouvant le décider, ni par la menace ni par la prière, 
à venir se perdre dans cette fournaise, se livra corps et âme 
aux prédications du cordelier Gallesiant *, qui, comme les curés 


1. Arnaud, Histoire du Velay, t. V°r, p. 354. — D. Vaissète, Histoire du Languédoc 
t. V, p. 290. « Cette ville, dit le bénédictin, a le triste avantage d'avoir donné 
l'origine à cette célèbre association, qui causa, quelques années après, tant de troubles 
dans le royaume. » 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1°r, p. 445. 

3. Arnaud, Hisloire du Velay, pp. 504 et 505. — Burel, Manuscrits,t. I°r, p. 243. 


144 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


de Paris d'où l'avait amené Saint- Vidal, soufflait le feu sur la 
multitude aussi bien de la chaire de Notre-Dame que de la borne 
des carrefours. 

Fière el jalouse à l'excès de sa constitution municipale, accou- 
tumée aux orageuses délibérations de l'Hôtel de ville, ne reculant 
même Jamais devant les périls d'une sédition lorsque les vicomtes 
ou Îles évêques, au mépris de ses libertés, voulaient serrer le 
frein aux cxubérances populaires, elle trouva dans ses misères et 
dans ses douleurs une sorte d'ivresse démocratique à faire tonner 
ses canons à la fois contre Polignac et contre Espaly, à braver, 
du haut de ses remparts, ses deux scigneurs suzerains, à lancer 
ses partis de moines et de bourgeois contre celte noblesse, contre 
ces Politiques qui venaient avec arrogance imposer le roi des 
huquenots à la vicille cité de Notre-Dame. 

Plus que tout le reste peut-être, un souvenir, dont rien n'avait 
diminué l'amertume, pesait sur les cœurs ct aigrissait les esprits : 
En 1581, Louis-Armand de Polignac, voulant punir quelques indi- 
vidus qui avaicnt frappé la femme de son procureur, entra dans 
la ville accompagné de de Chaste et d'environ quarante gen- 
tilshommes à cheval et, en passant rapidement sur les boulevards, 
ils blessèrent grièvement de leurs épées plusieurs citoyens. Une 
asscmblée générale, à laquelle assista Saint-Vidal en qualité de 
gouverneur, prescrivit des poursuites à la cour du sénéchal, et 
comme le vicomte, à la sommation d'un décret d'ajournement, 
répondit par une décharge de canons ct d’arquebuses, tint la 
campagne avec ses gens, maltraitant tous ceux dont il pensait 
avoir à se plaindre, empêchant les fermiers de payer leurs rede- 
vances, ce fut une véritable guerre renouvelée d autrefois entre 
la ville ct la maison vicomtale, que des conférences ouvertes 
dans la maison de campagne de Gabriel d'Orvy, sieur d'Agrain, 
entre le commandeur de Chaste, Saint-Vidal et le maître-d'hôtel 
de l'évêque, ne parvinrent pas à apaiser. Un jugement de la cour 
du sénéchal qui suivit la rupture de ces conférences, condamna 
à mort, en prononçant la confiscation de leurs biens, le vicomte, 
le jeune de Chaste et quelques autres impliqués ; mais le roi, à 
la demande des Joyeuse, alliés aux de Chaste, évoqua l'affaire à 
son conseil, le 4° avril 1582, fit apporter la procédure par le 
juge-mage en personne, et une somme de 1,000 écus à prendre 


MAISON DE LA TOUR 145 


sur les deniers du roi pour distribuer aux parents des victimes 
de cette querelle fut, de ce côté, l'unique résultat de toutes ces 
informations ‘. Le juge-mage qui rapportait cet arrêt, accusé 
d'avoir trahi les intérèts de la ville parce qu'il avait obtenu en 
même temps un siège de présidial, eut à souffrir de ces mécon- 
tentements et vit sa conduite désapprouvée en plein conseil. Com- 
ment, un peu plus tard, les railleries, les sarcasmes de la vicom- 
tesse, tombant en flèches aiguës sur ce populaire qui s’avisait de 
fermer ses portes et de montrer ses arquebuses au beau sénéchal, 
son second mari, ne l'auraient-ils pas exaspéré jusqu’à la fureur ? 
Sa haine contre la fille de Montmorin, si tôt consolée d'être la 
veuve d’un Polignac, si peu compatissante aux maux de son pays 
d'adoption, aurait suffi pour prolonger la guerre civile ct pour 
retenir dans la Ligue, jusqu’à la dernière heure, cette ville insultée 
et meurtrie, dont même la mort de ses deux ennemis, de Chaste 
et Chalençcon, n'épuisaient pas la vengeance, puisque, pendant 
tout un mois, elle laissait pourrir leurs cadavres dans le cloître 
de Saint-Pierre, en les refusant aux larmes de la vicomtesse ?. 

Voilà le sens historique de ces événements. Voilà pourquoi, 
après un immense eflort fait en commun et dans un même esprit 
pour repousser au loin les dogmes nouveaux et les armées calvi- 
nistes qui travaillaient sans succès comme sans cesse à s'établir 
dans cette citadelle du catholicisme, le pays en vint à se diviser 
lorsqu'il fallut choisir entre le roi de Navarre relevé, mais encore 
suspect d’hérésie, et ces expédients de rois impossibles qu'impro- 
visait la Ligue, déchirement déplorable dans lequel le pays passa 
d’un côté et la ville du Puy, égarée, de l'autre. 

Quelque lumière se fait donc dans ces guerres civiles ainsi 
comprises, et il devient en même temps plus facile de juger à ses 
œuvres le baron de Saint-Vidal, dont le nom, nous n'osons pas 
dire la gloire, reste inséparable parmi nous de la part que prit 
le Velay aux agitations du xvi° siècle. 

Jeune, il y entra sans calcul, entraîné par l'exemple des autres 
gentilshommes, ses voisins cet ses amis, par ardeur guerrière, par 
des croyances chez lui toujours sincères ct qu'entretenaient toutes 


4. Arnaud, His{oire du Velay, t. 1°r, pp. 398 à 406. 
2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 11, p. 38. 


146 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


ses relations de famille ; mais, à l'âge mûr, il y fut retenu par des 
sentiments moins élevés et moins purs. Dieu et le monde, le 
courage cet la ruse, le sacrifice et l'ambition, tout se mèlait étran- 
gement chez les hommes de cette époque, et il y a de tout dans 
la vice de ce capitaine, populaire en Velay, maudit en Gévaudan, 
dont il était aussi gouverneur. 

Depuis le 5 août 1562, que le connétable Anne de Montmorency 
expédiait à Saint-Vidal ses premières lettres de commandement 
pour combattre les séditieur, jusqu'au 25 janvier 1591, jour de sa 
mort, c'est-à-dire pendant près de trente années, il ne se fit 
en Velay, en Gévaudan, en Vivarais, en Forez, en Auvergne, 
presque pas une expédition contre les religionnaires, heureuse ou 
malheureuse selon la fortune des armes, qui ne fût conduite ou 
soutenue par cet homme infatigable. C'était, avec Saint-Hérem 
et Saint-Chamont, un des frois saints, comme on les nommait 
alors, qui reprirent sur Blacons, en 1562, l'abbaye de la Chaise- 
Dieu et relevèrent Ie pays de la terreur que l’ancien chevalier de 
Malle, devenu le licutenant de des Adrets, répandait sur son 
passage *. 

AÏlié aux Saint-Priest par sa propre maison et par celle de 
Françoise d'Albon, sa mère, il assista Saint-Chamont et s'en 
assista dans plusieurs campagnes, chassa avec lui de la ville de 
Saint-Étienne, le capitaine Sarras, en 1562 *, et l'eut — dirons- 
nous pour compagnon ou pour complice? — lorsque, en 1574, 
après avoir mis Tence au pillage, passé les habitants au fil de 
l'épée, fait pendre les ministres comme responsables des troubles, 
ils allèrent de là déloger de Saint-Pal-de-Monts les religionnaires 
dont Saint-Priest, pour sa part et pour l'exemple, en fit massa- 
crer six dans son château *; exemple qui portait, en effet, ses 
fruits, car les calvinistes n'étaient pas plus miséricordieux lorsque 
les catholiques tombaient dans leurs mains sans pouvoir racheter 
leur vic par de grosses rançons. 

Pendant que le gouvernement du Velay s'énervait en passant 
de l'évèque au sénéchal de Châteauneuf, de celui-ci à la Tour- 
Maubourg qui le rendit quelques mois après à Antoine de Saint- 


1. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, pp. 328 à 331. 
2. Dourille, Guerres civiles du Vivarais, p. 52. 
3. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1°, pp. 334 et 374. 


MAISON DE LA TOUR 147 


Nectaire, les ennemis s'étaient emparés de plusieurs places - 
fortes et n'attendaient qu'une occasion pour surprendre la ville 
du Puy. Mais, l’année suivante, Saint-Vidal, nommé de nouveau 
gouverneur par Montmorency -d'Amville et confirmé dans ce 
commandement, le 30 septembre 1574, par Henri IIF, alors à 
Lyon, commença bientôt le siège d'Espaly, où il fut blessé, et sans 
réussir à s'en rendre maître. Encore plus furicux de son échec 
que de sa blessure, se retournant contre Adiac, le fief patrimonial 
de François de Polignac, baron de Lardeyrol, son frère d'armes , 
contre Saint-Quentin, Chapteuil, Bessamorel et Bellecombe, il 
délivra toutes ces places, de vive force ou par capitulation, des 
capitaines qui les tenaient pour les religionnaires et livra même 
l'un d'eux, ainsi qu'un ministre, à la justice expéditive du pré- 
vôt?. 

Les deux sièges de Saint-Agrève, en l'année 1580 et en l'an- 
née 1588, furent ses plus heureuses campagnes et ajoutèrent 
beaucoup à sa réputation d'homme de gucrre. Le vicomte de Poli- 
gnac,; qui avait là une partie de ses domaines provenus de la 
maison de Solignac ; Antoine de Saint-Nectaire, qui, comme tant 
d'autres de ses prédécesseurs à l'église du Velay, aimait assez à 
faire de sa crosse une épée; la Tour Maubourg, toujours au service 
de son pays ; de Chaste, qui n’était pas encore sénéchal, mais qui 
était enseigne dans la compagnie de Saint-Vidal, avec une grande 
partie de la noblesse du Velay, et Just-Louis de Tournon, gouver- 
neur du Vivarais, scigneur de la ville de Dessaigne *, prirent part 
à la première de ces expéditions. La ville du Puy en salua le 
succès par une procession générale et par des feux de Joie, car 
Saint-Agrève n’était qu'à deux ou trois marches, et elle s’inquié- 
tait, non sans raison, d'avoir si près d’elle le capitaine Chambaud. 
De nouveaux ouvrages exécutés par ce chef des religionnaires du 
Vivarais rendirent le second siège plus diflicile et plus meurtrier; 
le seigneur de Tournon cet le sénéchal de Chaste en partagèrent 
de mème avec Saint-Vidal les périls et la gloire. Un instant com- 
promis, le succès était chaque jour demandé à Dieu par des 


1. Expressions relevées du testament d'Antoine de la Tour, à la date du 16 juil- 
let 1589. 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1°", pp. 368 à 373. 

3. Le chevalier de Courcelles (Généalogie de la maison de Tournon). 


148 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


prières publiques à Notre-Dame ct dans les autres églises du 
Velay ‘. 

Le temps, le zèle, le courage et mème les ressources employées 
ainsi par Saint-Vidal à la défense de son propre pays, lui ont été 
et lui sont encore amèrement reprochés par le Gévaudan en proie, 
de son côté, à toutes les entreprises des calvinistes. Une délibéra- 
tion des États tenus à Mende, le 27 septembre 1388, et dont un 
mémoire de l'abbé de Siran a conservé le texte ?, donne à ces 
reproches un caractère ofliciel : 

« Considérant, les dits États, que depuis neuf ou dix ans, le 
pays de Gévaudan n'a été assisté du secours qui lui était bien 
nécessaire contre les ennemis et rebelles pour avoir le sieur de 
Saint-Vidal toujours eu tant d'occupations en son gouvernement 
du pays de Velay, qu'il lui était, comme il est encore, malaisé et 
quasi impossible de secourir et assister le dit pays de Gévaudan 
aux fréquentes courses et entreprises que ces rebelles y font, ce 
qui a été l’une des causes qu'ils y ont pris si grand pied et avan- 
lage, voyant éloigné du pays celui qui en avait la charge et pro- 
tection sous l'autorité de Sa Majesté, et cela mème pourra faire 
perdre ledit pays entièrement s'il n’y est promptement remédié. 
Au moyen de quoi les dits Élats ont conclu que Sa dite Majesté 
sera très humblement priée, que, à la nomination du dit pays, il lui 
plaise pourvoir d'autres personnages au gouvernement du dit pays 
de Gévaudan, au lieu du dit sieur de Saint-Vidal, attendu ses occu- 
pations en son gouvernement du Velay et le péril éminent de Ja 
perte dudit pays, et néanmoins a été avisé qu’au préalable ledit 
seigneur de Saint-Vidal sera prié, de la part des dits États, se 
démettre volontairement du dit gouvernement, et que M. de Saint- 
Auban, commis de la noblesse du dit pays, qui en a été LE de la 
part dé dits États, ira à cette fin, vers M. de Saint-Vidal.. 

Sous ces ormules contenues ronde l'indignation de tout un _ 
contre un homme puissant qu'il fallait ménager, mais elle éclatedans 
une adresse au roi que possèdent les archives de la Lozère et publiée 
dans les Documents historiques sur la province du Gévaudan * 


1. Arnaud, Jlistoire du Velay,t, Xr, pp. 393, 394, 435 et 436. 

2. Communiqué par M. Le Blanc. 

3. « Au Roy. — Sire. — Vos trés-humbles, très-obéyssants et fidelles subjects les 
habitants ecclésiastiques, ofliciers de vostre justice, consuls et autres habitants de 


MAISON DE LA TOUR 149 


Le gouverneur y avait cependant fait plus d’une apparition. 
En 1562, une bande de rcligionnaires sortie des Cévennes, était 
venue mettre le siège devant la ville de Mende, tremblante d'effroi 


vostre ville de Mende et des paiïs de Gévaudan, vous remonstrent en toute humilité 
qu'ayant pleu à Vostre Majesté donner la charge et commandement dudict païs à 
Monsieur de Sainct-Vidal, chevalier de vostre ordre, en l'absence de Monseigneur le 
Maréchal de Joyeuse, vostre lieutenant-général en la province de Languedoc, les sup- 
plians ont toujours avec toute fidélité et obéyssance receu et honoré ses commande- 
ments tant pour vostre service que pour le sien particulier, n'ayant oncques faict 
choses en son endroict qu'il les deust provocquer à aucun mécontentement. — Mais 
au lieu de recevoir quelque fruict et solaigement de leur si grande subjection et 
obéyssance, et d'estre par luy garantis de toute force et viollence, comme leur estant 
donné de Vostre Majesté pour la représenter et faire jouyr des bénéfices de la protection 
qu'ils ont toujours receus de vostre bonté, ils sont contraincts remonstrer à Vostre 
Majesté que ledict sieur de Sainct-Vidal a conceu contre les dits supplians vos sujetz 
et principalement contre les habitants de la dite ville de Mende, une si grande ini- 
mitié, et l'a témoignée avec tant de rigueurs qu'il leur a esté impossible de le paci- 
fier par la plus abjecte servitude ct subjection qu'ils luy ayent peu déférer. — Et à 
cette fin, Sire, que Vostre Majesté cognaisse que les pauvres supplians ne recourent à 
ce dernier remède d'en fère plaincte à leur prince, et souverain protecteur sans avoir 
essayé par tous moyens de luy fère gouster quelque bonne volonté en leur endroict, 
il vous plairra entendre que le dict sieur de Sainct-Vidal ne leur a jamais rien com- 
mandé qu'ils ne l'ayent incontinant effectué, comme si Dieu même ou Vostre Majesté 
le leur eust commandé, espérans, par cette grande patience et serville ohéyssance, le 
disposer enfin à réduire et changer son cœur envers vostre pauvre peuple. — Mais, 
Sire, il en est advenu tout le contraire, sa rigucur s'en estant tellement endurcye 
qu'il n'y a espèce de mauvais traictement qu'ils n'ayent soutferts de luy; car non- 
seullement en ses propos ordinaires, il diffame les pauvres supplians comme les 
plus méchants et détestables personnes du monde, mais aussi il leur a procuré tant 
de mal que d'avoir voulu persuader Vostre Majesté que sans le nouveau siège de 
sénéchal de Mende ils se feussent rangéz du party des rebelles; à quoy ils ne firent 
aultre réponse que de mettre en avant leur ancienne et inviolable fidellité ct protester 
devant Dieu, qui pénètre les plus secrets des hommes, qu'ils aymeroient mieux 
souffrir la plus cruelle mort que d'en avoir heu la moindre volonté ct conception, 
n'y adhérer jamais à party quelconque contrère à Vostre Majesté. — Toutefois, Sire, 
il ne laisse à leur faire cngnoistre sa mauvaise volonté en leur endroict, par effects 
et par parolles, soit en particulier, soit en général, méprisant les pauvres suppliants 
de telle facon que en plaine assemblée des Etats dudict païs, en l'année mil cinq cens 
quatre-vingt-huit, où plusieurs notables personnaiges assistaicent tant de l'église, de 
la noblesse que du tiers-état, il se mist en telle colère, que jectant son chappeau par 
terre, il leur dict tout hault qu'il aymeroit mieux estre parmy des ladres, et quils 
étaient des bestes et des gueux; et tous parce qu'ils ne pouvaient luy fournir promp- 
tement deux mil escuz qu'il leur demandoit, dont les pauvres supplians feurent con- 
traincts luy bailler douze cens, etc. — Comme en l'année mil cinq cens quatre-vingt, 
il entreprist le siège de la ville de Mende, lors occupée par le capitaine Merle et secs 
complices et pour cest effect fist fère aux susdicts habitans dudict paiïs de grands 
préparatifs, tant par impositions de deniers que par départements de munitions, de 
vivres, poudres, artilherie et boulets revenants à plus de soixante mil escuz, et tout 


150 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


au bruit des atrocités dont la ville de Montbrison avait été le théâ- 
tre et la victime. Relevée de cette défaillance par le seigneur d’Ap- 
chier, elle eut bientôt de nouvelles inquiétudes, mais des catho- 


cella fust consommé en dépense inutilement, sans que ledict païs en receust aulcun 
advantage ny commodité, combien que le tout provenu de la subsistance du pauvre 
peuple, lequel oultre cella feust contrainct souffrir le passage de plusieurs compai- 
gnies de pied et de cheval qu'il fist roder par ledict diocèse pour y manger les dictes 
munitions, et après, laissant l'entreprise dudict Mende, emplova le tout au siège de 
Saint-Agrève, en Velay, monstraut le peu de soinz qu'il avoit à deslivrer le Gévau- 
dan de ses misères. — Mende rédouict en vostre obéyssance par composition faicte 
avec Jledict Merle, et les habitans remis dedans, ayant pour cest effect le baron 
d'Apchier baillé audict Merle, sa baronye de Lagorce, pour tirer ledict païs de la 
misérable servitude où il estait, sans que le dict sicur de Sainct-Vidal en tint aucung 
compte, icelluy sieur de Sainct- Vidal, en l’année mil cinq cens quatre-vingt et ung, 
se mist encore aux champs dans le dict diocèse, assembla des forces, fist fère plu- 
sicurs impositions en deniers et vivres, pour munitions, promectant de tirer le dict 
pais de l'oppression des voleurs qui avoient quasi de tout ampietté le dict diocèse de 
Mende ; mais il n’en fist aultre chose que de prendre lesdictes munitions et appeau- 
vrier les catholiques, etc., etc. — Sur quoy, Sire, plaira à Vostre Majesté entendre 
que le dict païs de Gévaudan n'est qu'ung petit couppeau de inontagnes fertilles en 
herbages, qui nourrissoit les bestiaux gros et à laine du Bas Languedoc, en nombre 
de plus de quarante mil bestes; de leurs furmatures, les terres du dict pais s'en en- 
graissoient et leur y faisoient produire abondance de bleds; le laict et les laines en 
partie demeuraient dans ledict Gévauldan, et quelle guerre qu'il y eusse, cella se con- 
tinuoit fors jusques en l'an mil cinq cens quatre-vingt-six, peu auparavant que vostre 
armée conduicte audict Gévaudan par Monseigneur le Duc de Joyeuse, arrivast audict 
pais, lors le dict sieur de Sainct-Vidal mist en proye et au pillaige les dicts bestiaux, 
mené et conduict la pluspart au pais de Velay, ce qui a esté le comble et entière 
misére du dict païs, et qui a osté le moïen de plus vivre dans icelluy au pauvre 
peuple, contrainct avec leur famille aller et éourir les aultres provinces circonvoy- 
sines pour y vivre. — Ledict sieur de Sainct-Vidal fist courir ledict diocèse à plu- 
sieurs gens de guerre qu'il avoit assemblé en la dicte annte mil cinq cents quatre- 
vingt-cinq, pour aller assiéger, comme il disoit, Marvejolz, combien que vostre 
Majesté, Sire, le Iuy eust deffendu, et après avoir coureu et ruyné ledict pais, il 
s'attaqua comme il a toujours faict à ladicte ville de Mende, mist au-dedans et à 
l'entour d'icelle deux ou trois régimens de pied, en laquelle il ÿ convocqua les gens 
des Etats particuliers, et ezdicts Etats feust faict par le dict Me Martin Vidal, Juge- 
Maige estably en la sénéchaussée, une imposition de cinquante-sept mil escuz; fist 
manger les munitions qui avaient esté préparées au dit Mende pour le dict siège de 
Marvejolz, et pour la nourriture de ses gens et domestiques fist par force payer aux 
particuliers dudict Mende douze cens escuz, qu'il disoit vouloir donner aux cappi- 
taines qu'ils l'avoient accompaigné, se saisit à l'instant des tours et portes appelées 
Aiguesparses et clochers de ladicte ville de Mende, les fist fortiffier à leurs dépens, y 
establit garnisons pour subjuguer les supplians et s'emparer de la dicte ville avec 
toute la force et facon indigne d'un tel personnage donné par Vostre Majesté, non 
pour leur ruyne, mais pour leur conservation. — Lequel sieur de Sainct-Vidal priva, 
dès l'heure, les dicts habitans de l'entrée des dictes tours et clochers, de sorte que cer- 
tain temps après, ils feurent advertis par leurs amys que l'ennemy des Cévennes et de 


MAISON DE LA TOUR 151 


liques voisins, au nombre desquels était Saint-Vidal, apportèrent 
leurs concours à d’Apchier, et tous ensemble, refoulant dans les 
Cévennes ces hôtes incommodes, les auraient détruits à Florac, 


Marvejolz avoient intelligence dans les dictes tours, et qu'ils vouloient, par échelles 
du couste d'icelies tours, envahir et surprendre la dicte ville, et de fait en mêmes 
temps, les dicts ennemys environ de mil à douze cens hommes de guerre, feurent 
une nuict pour poser les dictes échelles à l'entour des dictes murailles, et sans la 
diligence des dicts habitans, cetqu'ils se contregardoient, eussent esté attrapez et prins. 
— Lesdicts habitants en voullurent fre plaincte au dict sicur de Sainct-Vidal et luy 
firent entendre l'advertissement susdict, lequel les rabroua rudement, leur disant que 
les cappitaines et soldats qui estoient dans les dictes tours et clochers estaient plus 
de gens de bien que non pas Îles plus justes des supplians; de sorte qu'ils demeurè- 
rent longtemps en tel estat trouble entre eulx jusqu'à ce que les armes furent posées 
par ieulx qu'on dict de la Ligue, et lors le dict sieur de Sainct-Vidal peu à peu fist 
déloger des dictes tours et clochers les dictes garnisons ; et sans l'inspirée grâce que 
Vostre Majesté leur fit d'envoyer le seigneur de Joyeuse au païs pour la délivrance de 
son pauvre peuple d'icelluy, les dicts suppliants étoient constitués en perpétuelle ser- 
vitude et traictés avecque plus de sévérité et aigreur que non pas les rebelles, lesquels 
n'ont jamais esté attacqués par ses trouppes, combien que soubz prétexte de fère la 
guerre aux susdicts rebelles, les dictes impositions et munitions ont esté consommées 
sans eflicace ni de rien servir encontre les dicts ennemys. Toutes ces misères ct 
ru ynes ont été cause que le dict sieur de Joyeuse à son entrée dans le dict païs, n'y 
trouva aulcune chose pour la nourriture de son armée, etc. — Lequel sieur de Sainct- 
Vidal, après que, par les généreux exploits de guerre exécutés au dict païs par le 
dict sieur Duc de Joyeuse, les villes de Malzieu, Marvejolz et Peigre cussent esté 
réduites en vostre obéyssance, il désiroit de faire ruyner et voir au feu la dicte ville 
de Malzieu appartenant à Monsieur le Duc de Mercœur, parce que jamais il n'avoit 
aimé les habitans de ladicte ville et qu'il présupposoit avoir esté refusé d'eulx en des 
commandemens ou aultres choses qu'il leur avoit demandé, ect au dict Marvejolz 
incontinant que mon dict sieur de Joyeuse l'eust quitté et faict marcher l'armée à 
Peyre, le dict sieur de Sainct-Vidal y fist au dépens dudict pays, dresser une grande 
citadelle, pensant la tenir pour tousjours dominer dans le dict pais, etc. — Depuis 
ce temps il a laissé le dict païs et diocèse, et tenu au Puy, d'où il ne bouge et ne vient 
au Gévauldan que lorsqu'il est adverty que les Etats dudict païs se doibvent assembler; 
et sans que les sieurs evesque de Mende, comte de Gévauldan, baron d'Apchier, de 
Sainct-Didier et aultres gentilshommes qui ont soing dudict païs, se soient souvent 
mis aux champs accompagnez des soldats ct gens de guerre qu'ils tirent de villes du 
dict Gévauldan, les dicts ennemys s'y seroieut remis et nichés et aultant advancez 
que jamais. — Et encores qu'apprès la réduction de Marvejolz, il eust plu à Dieu de 
visiter la ville de Mende ct le reste du diocèse d'une si contagieuse peste que les 
deux tiers du peuple en sont décédez et que ceste aflliction deust esmouvoir à pitié 
les plus malveilhans de la dicte ville, néansmoing le dict sieur de Sainct-Vidal a faict 
arrester et conduire en la ville du Puy le preunier consul dudict Mende, aflin qu'il n'y 
eust aulcune police ni conduicte entre les dicts habitants de la dicte ville de Mende, 
sans qu'il soit peu sortir de prison jusques à ce que le terme de son Consulat fust 
expiré et qu'il luy eust payé mil escuz qu'il disoit lui estre deubs par la dicte ville, 
pour quelque obligation tirée d'eulx sans cause et non libres. — Et après, pour 
mesme prétexte, il fist faire prisonnier par vertu des lettres de ladicte sénéchaussée 


152 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


si Beaudiné en personne n'était venu les secourir ‘. En l’année 
4571, il n'était pas inutile au Gévaudan lorsqu'il chassait de Saint- 
Paul-de-Tartas, de Cros et de Langogne, ce François de Bar- 
ghac, seigneur de Pierre-Gourde, qui, dit Arnaud, avait été cha- 
noine au Puy, et qui, devenu un des chefs des Calvinistes du 
Vivarais, courait à la tète de deux mille hommes sur les frontières 
du Velay *. D'ailleurs, dans ces premières années, la guerre civile 
s'y réduisait à quelques coups de main sans grande importance. 
Elle ne devint désastreuse, pour ce pays, qu'en 1579, lorsque 
Mathieu de Merle, baron de la Gorce, gentilhomme du roi de 
Navarre, le plus habile et le plus redouté des chefs calvinistes 
dans cette partie de la France, déjà maitre de Malzieu, s'intro- 
duisit, la nuit de Noël, à la faveur de quelques intelligences, dans 
la malheureuse ville de Mende, où il se fortifia après l’avoir livrée 
à la discrétion d'une soldatesque effrénée *. L'audacieux capitaine 
étendit de [à son autorité sur presque tout le Gévaudan dont il 
reçut, mème de ses partisans, le titre de gouverneur, et les États, 
réunis à Chanac, au mois d'octobre 1580, ne purent qu'implorer 
de Saint-Vidal qui s'y trouvait avec Christophe d'Apchier, de 


de nouveau érigée au dict Mende plusicurs des habitants, et un bourgois d'icelle, 
pour avoir payement de douze cens escuz qu'il leur dermandoit pour une aultre 
obligation forcée, ct au lieu de les laisser aux prisons de la dicte sénéchausste, les 
fist transporter et conduire par l'huissier et commis du Greflier de la dicte séné- 
chaussée et de ses soldats dans le chasteau de Sainct-Saturnin, appartenant à ung 
sien parent, distant de six lieues loing dudict Mende, et ne sortirent d'icelluy jusques 
à ce qu'ils eussent satisfaict les dicts douze cens escuz pour lesquels il fist vendre 
les meubles et grains trouvés en la maison de Pons Destrictis, lors récepveur dudict 
païs, etc. — Et d'aultant que la mauvaise volonté dudict sieur de Sainct-Vidal est si 
grande envers les pauvres supplians, qu'il n'esparnera moyen quelconque pour leur 
nuyre en leurs personnes et biens, ensemble à leurs dicts déléguez, ils vous supplient 
aussi, Sire, que vostre bon plaisir soit de les vouloir prendre en vostre protection et 
sauvegarde, et ils prieront Dieu de vous donner en toute félicité, longue et heureuse 
vie. » (Suivent les signatures.) 

Archives de la Lozère, R. 359; — Documents historiques sur la province de (évau- 
dan, par M. Gustave de Burdin, t. 11, pp. 59 et suivantes. 

4. Dourille, Guerres civiles en Vivarais, p. 51. — Arnaud, Jistoire du Velay, t.{er, 
p- 338. Quelque incertitude règne sur la date précise et sur quelques circonstances 
de ce fait; mais les deux auteurs s'accordent à constater la présence de Saint-Vidal 
dans cette expédition d'Apchier sur Florac. 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1cr, p. 381; — Dourille, Guerres civiles du Viva- 
rais, p. 114. 

3. Vaissète, Histoire du Languedoc, t. V, p. 381; — Arnaud, Histoire du Velay. 
pp. 386, 391, 392. 


MAISON DE LA TOUR 453 


+ 


venir à leur secours lorsque la saison le permettrait et qu'il aurait 
remonté ses compagnies des fatigues et des pertes essuyées au 
siège de Saint-Agrève !. 

Malgré les édits de pacification et un accord signé entre les 
parties, la paix ne régnait pas, en Gévaudan, dans l'année 1585, 
et Saint-Vidal écrivit, le 43 juin, à Saint-Haon, qui était alors au 
Puy, de faire occuper le château de Naussac, armé de deux canons, 
le priant « d'adviser que les soldatz, qu'il métroit dedans, et celui 
«qui leur commandera soicnt cogneuz et bien fiables ». Ce Saint- 
Haon qui tenait, pour le service du roi, le château de Naussac, 
reçut de nouveaux avertissements de se tenir sur ses gardes, par 
deux lettres, dont une datée de Mende, le 21 septembre, el signée 
votre humble voisine, comtesse de Saint-Point, dont l'autre datée 
du Puy, le 24, et de Saint-Vidal, lui-même, témoignent de sa vigi- 
lance : « Monsieur de Saint-[aon, j'ay esté fort ayse d'entendre 
« par la vostre le bon debvoir en quoy vous vous estes mis pour 
« la conservation et seurcté du chasteau de Naussac, contre les 
« forces des ennemis, lesquelles encore que se soyent esloignées, 
« ce n’est point touteffois qu'elles ne puissent bien revenir; ct si 
« leur intantion estoit d'entreprendre sur Naussac ou Langogne 
« et quelles ayent licu, le bon debvoir en quoy tous ceulx dudict 
« Langogne que vous vous estiez mis pour les recepvoir, qu'ilz 
« n’ayent eslé contraincts de remettre ct différer l’exécution de 
« leurs mauvais dessains. C'est pourquoy, je vous prie de conti- 
« nuer à ce bon debvoir nécessaire pour la conservation dudict 
« Naussac ; et quant à la poudre et plomb que je vous ay envoyé, 
« de n’y laisser toucher, en fasson que ce soit, sinon en cas de 
« nécessité, car je fis prendre ladicte poudre et plomb du magasin 
« ordonné en cette ville, que j'emprunte pour vous en secourir. Je 
« vous prie de me donner advis souvant de ce que vous pourrez 
« aprendre, mesme des desceins des ennemis. Sur quoy, je me 
« vais recommander bicn affectionement à vos bonnes grâces, et 
« pric Dieu vous donner, Monsieur de Saint-Haon, en très bonne 
« santé, longue ct heureuse vie. Vostre affectyoné à voz services. 
« Saint-Vidal®, » 


1. Cette intéressante délibération est conservée dans les archives du département 
de la Lozère. 
2. Ces deux lettres autographes sont aux archives de la Lozère et ont été déjà 


154 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Au commencement de l'année 1581, lorsque Châtillon se porta 
vers le Gévaudan, pour faciliter au capitaine Merle la prise de 
Quesac et de Bédouëse, Saint-Vidal vint encore, en personne, y 
organiser la défense, à la tête de quinze cents hommes de pied 
et de deux cents chevaux, et s'il dut se retirer vaincu par les 
rigucurs de l'hiver, il y laissa au moins toutes les ressources dont 
il pouvait disposer ‘. 

Eafin, on ne le sait que trop, il conduisit les canons de la ville 
du Puy à cetle armée catholique, que l'amiral de Joyeuse, en 
1586, employa à raser quelques places du Gévaudan, avant de la 
faire succomber à Coutras. Malheureusement, si, dans cette cam- 
pagne, Saint-Vidal renouvela ses preuves de courage et de capa- 
cité militaire, nul, il faut bien l'avouer, ne se montra plus impi- 
toyable aux vaincus du Malzieu et de Marvéjols *. Le souvenir des 
services rendus par le gouverneur s'effaça au milieu des scènes 
d'horreur, dont même un favori d'Henri I avait fui le spectacle! 
Et ce pays, épuisé par tant de souffrances, excité par la jalousie 
de sa noblesse, chargea alors ses députés aux États de Blois de 
porter aux pieds du trône, contre le cruel auteur de tant de ruines, 
ce cahier de doléances arrivé jusqu’à nous. Les habilants de la 
Sicile ne dressaient pas, par la bouche de Cicéron, un réquisi- 
toire plus violent contre le proconsul Verrès. 

Tenons-nous en garde contre d'aussi implacables ressentiments. 

Qu'en un temps d'alarmes publiques si fréquentes et si sou- 
daines, ce double gouvernement, confié à Saint-Vidal, impliquant, 
dans plus d'une occasion, des intérêts contraires et des devoirs 
incompatibles, ait été un malheur pour le Gévaudan, on n'en 
saurait douter. Mais vouloir que, lorsque les deux pays étaient à 
la fois pressés sur toutes leurs frontières, ils cussent été à la fois 
également protégés par un homme de guerre qui, sauf sa com- 
pagnie, n'avait à sa disposition aucune de ces forces régulières et 


publiées dans les Documents historiques sur la province de Gévaudan, t. A, p. 4. On 
peut croire qu'elles étaient adresstes à ce Claude de Saint-Haon, qui, n'ayant qu'une 
fille, la maria, le 24 avril 4620, à Jean de la Rodde, fils de ce fameux partisan 
Picrre de la Rodde, plus connu sous le sobriquet de Cadet de Séneujols. 

1. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1er, pp. 396 et 397. 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. Aer, pp. 425 et 426; — Daubais, Pièces fugilives 
pour servir à l'histoire de France, t. lor, a publié une relation très curieuse et trés 
peu connuc de cette campagne d'Anne de Joyeuse en Gévaudan. 


L 3 


MAISON DE LA TOUR 155 


permanentes, dont nos armées modernes sont l'admirable modèle, 
c'est se montrer exigeant d'une chose impossible, et, en tous cas, 
ce n'est pas parmi nous qu'on pourrait faire un crime au gouver- 
neur d'avoir, entre ces périls, couru de préférence à ceux qui le 
touchaient de plus près. Pour délivrer la ville de Mende des 
étreintes du capitaine Merle, il ne fallait pas lui ouvrir les chemins 
de la ville du Puy :, ni non plus abandonner le Velay aux excur- 
sions de Chambaud et de Barghac. Dans une semblable situation, 
le chef devait nécessairement faillir quelque part. 

Doit-on ensuite beaucoup s'étonner si ce gouverneur, après 
tout étranger et de façons assez rudes, avait rencontré plus de 
haines jalouses que cordiales sympathies dans cette vieille noblesse 
du Gévaudan, qui siégeait aux Étuts-Généraux du Languedoc où 
elle s'inclinait à peine devant les vicomtes de Polignac et qui ne 
pouvait, qu'en frémissant, résigner son orgucil à des services 
subordonnés ? 

Un d'eux surtout ne méritait pas cet affront et dut en être 
crucllement ulcéré. Nous voulons parler de celui que le P. An- 
selme désigne sous le nom deJean Il°, seigneur d’Apchier, de 
cette maison de Châteauneuf-Randon, déjà connue en 1050, régnant 
Philippe [°', et à laquelle appartenait Béraud d'Apchier, cham- 
bellan de Charles VIT, fait chevalier dans l’église de Notre-Dame 
du Puy en 1420, et qui reccvait, par lettres datées d'Espaly, en 
1424, 1,000 livres, en considération de ses grands services en fait 
de querres. Celui dont il s'agit ici, né le 29 août 1539, capitaine 
de cinquante hommes d'armes, avait été nommé gouverneur du 
Gévaudan en 1574, par le maréchal de Montmorency-d'Amville, 
et son commandement avait eu pour sa cause d'utiles résultats. 
Peu à peu, il avait repris sur les religionnaires les châteaux où ils 
s'étaient établis, et lorsque tout conseillait de l'encourager dans 
cette mission, le roi, voulant joindre le gouvernement du Gévau- 
dan à celui du Velay, donna les deux charges à Saint-Vidal, en 
déchargcant le scigneur d’Apchier de la sienne, par brevet du 
19 mars 1577, fait d'ingratitude ct de fausse politique qui explique 
bien des choses. Et cet homme, qui était disgracié pour avoir bien 
servi son pays, on lui avait donné, en dédommagement, le 19 juil- 


1. Arnaud, Hisloire du Velay, t. 1cr, pp. 403 et 406. 


1456 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


let 1576, quoi? une commission de chasser au loup dans tout le 
royaume pendant trois ans, avec le droit de prendre sur chaque 
feu dans un certain rayon du lieu où la bête serait tuée, deux 
deniers par loup et quatre par louve ! Il fit mieux, le 29 juin 1581, 
il offrait ses propres: places de la Gorce et de Salavas, au capi- 
taine Merle, pour l'engager à rendre la ville de Mende au duc 
d'Anjou et par là faciliter Ja paix. Le 29 décembre suivant, il 
obtint même du roi l'autorisation d'aller retirer du châtcau de 
Saint-Vidal deux canons pour reprendre les châteaux de Gorce el 
de Quesac; mais il n'en eut pas besoin, ces deux places s'étant ren- 
dues au mois de juin 1582 ‘. On voit, au moins par là, combien il 
eût été difficile au gouverneur de ne pas laisser une mémoire 
odicuse en Gévaudan. 

Mais à quelle occasion avait-il élé amené à prendre unc si 
grande part aux affaires de ce pays? Aucun document ne répond 
à cette question : on ne sait pas même à quelle date précise et à 
quel titre il devint possesseur de cette terre de Cénaret, qualifiée 
de baronnie, qui lui donnait entrée aux États particuliers de Gé- 
vaudan, et par tour, aux États-Généraux de Langucdoc. D'après 
un manuscrit qu'il nous a été permis de consulter et qui contient 
plus d’une note intéressante sur toutes les anciennes maisons de 
la province, à celte date déjà reculée *, on pourrait croire, cepen- 
dant, que ce fief ne lui était pas échu avant les premiers troubles, 
puisque, le 25 octobre 1575, si la note est exacte, un Bertrand, 
baron de Cénaret, et son gendre, le seigneur de la Motte-Mourgon, 
se présentaient à l'arrière-ban et offraient leurs services. Quoi 
qu'il en soit, Saint-Vidal acquit, en Gévaudan, et laissa, après lui, 
à ses héritiers, les terres de Cénaret, de Culture, Montferrand, 
Recollettes, Tal, Laval de Saint-Chaly, c'est-à-dire des domaines 
considérables dont on ne trouve pas l'origine dans les alliances 
de sa maison, ct cette fortune qui allait toujours grandissant. 
lorsque, d'un autre côté, le gouverneur dépensait des sommes 
énormes, soit à reconstruire le château de Saint-Vidal, soit à faire 


1. P. Anscelme, Histoire des grands officiers de la Couronne, t. III, pp. 817 à 821. 
C'est à lui, en effet, que sont empruntés la plupart de ces détails biographiques. 

2. Nous devons la communication de ce manuscrit, qui est un volume, à l'obli- 
geance de M. l'abbé Cornut, de la ville de Montfaucon. 


MAISON DE LA TOUR 157 


ériger en vicomté la seigneurie de Beaufort, pouvait, on le con- 
çoit, servir de prétextes à de graves accusations. 

En Velay, au contraire, jusqu'au jour où il ne fut plus que le 
chef et aussi le serviteur de la Ligue, son pouvoir ne rencontra pas 
plus de résistances que sa popularité de contradictions. Il y aurait 
régné par le seul besoin qu'on avait de son activité, de ses conseils, 
de ses ressources, du bonheur de ses armes, quand même quelque 
don de Dieu, caché dans les rudesses de sa personne et deviné de 
la multitude, n’en eut pas fait un de ces hommes prédestinés à la 
séduire par leurs défauts aussi bien que par leurs qualités. 

Pour ces chefs de parlisans, soigneux à l'excès de s'éviter en 
rase campagne, sc surprendre dans un défilé, avoir un peu d'artil- 
lerie et savoir s’en servir, forcer une place ou s'y défendre, était 
tout l’art de la guerre, et Saint-Vidal y excellait. Sans avoir besoin 
d'être du métier, on reconnait en lui, sinon la scicnce, au moins 
la pratique de l'ingénieur et de l’artilleur. Pendant la longue durée 
de son commandement, mais surtout lorsque la ville du Puy se 
crut menacée de Merle, de Chambaud, de Barghac, de Châtillon, 
il sut si vite et si bien la fortifier et la défendre ‘ que lorsque. ce 
danger passé, elle se trouva en face d'autres ennemis, la juste con- 
fiance qu'elle eut dans ses murailles et dans ses canons, autant 
peut-être que son exaltation ligucuse, lui inspira le courage et la 
ferme résolution de braver jusqu'au bout les attaques incessantes 
des royalistes. 

Quant aux armes et aux munitions de guerre, le gouverneur, 
qui ne se contentait pas de ce que le pays lui en pouvait fournir, 
non plus que de ce qu'il prenait aux religionnaires en s'arrangeant 
pour n'en guère laisser dans leurs mains, en tirait encore de Lyon 
et en remplissait son château, de même que celui de Bouzols dont 
il s’était emparé pour en faire, on ne sait dans quelle prévision, 
une sorte d’arsenal et de place de sûreté *. Ce goût, cette aptitude 
spéciale lui firent donner le titre de Grand-Maïtre de l'artillerie de 
France; mais, entendons-nous, par Mayenne et pour la Ligue, car 
cette charge, avant même d’être érigée en office de la Couronne 
en faveur de Sully, attribuait une très grande autorité et était 


1. Arnaud, Histoire du Velay, t.1, pp. 3178, 387, 419. 
2. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, pp. 459 et 506. 


158 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


réservée aux personnes de la plus haute distinction. Un Antoine 
de la Fayette en avait été pourvu par Louis XII pour le service 
d'au-delà les monts, et, en temps réguliers, Saint-Vidal, tout bon 
gentilhomme qu'il était, ne se serait jamais élevé jusque-là. Il 
avait cessé de vivre à la pacification du pays par le traité de Folem- 
brai, en 1596 ; Henri IV, qui devait y regarder avant de confirmer 
tous ces titres un peu facilement accordés par Mayenne, n'eut donc 
pas à s'occuper de celui-ci ‘; ce qui prouve qu'il né faut pas alta- 
cher trop d'importance à ces fortunes d'interrègne, le nom d'An- 
toine de la Tour n’a pu être retrouvé, malgré toutes nos recherches, 
dans la liste des Maïtres de l'artillerie de France ?. 

Saint-Vidal, qui empruntait à la ville de Lyon une partie de ses 
ressources *, en rapportait aussi de l'influence et le secret de sa 
politique. Toutes ses relations de famille étaient là. Elles firent sa 
destinée peut-être plus qu'il ne la fit lui-même. Par son oncle ct 
son frère, archidiacres, comtes de Saint-Jean, par les d'Albon 
surtout, il dut vivre dans la confiance de Pierre d'Apinac que, 
malgré son jeunc âge, Henri IIT, dans son voyage de 1574, avait 
nommé archevèque, en remplacement de son oncle, Antoine 
d'Albon, qui venait de mourir. Ce Pierre d'Apinac, d'ailleurs 
propre parent de Saint-Vidal, dès qu'il eut vu la cour, ne tarda pas 
à se donner aux Guise, et fut, comme on sait, quelque chose de 
plus, dans la Ligue, que le cardinal de Retz dans la Fronde. Pendant 
sa première faveur auprès du roi, il en obtint sans peine, pour 
Antoine de la Tour, la confirmation du titre de gouverneur du 
Velay qn'il tenait de Montmorency, ct au préjudice de d'Apchier, 
le gouvernement du Gévaudan. De même, lorsqu'il devint l'âme 
du parti lorrain, il y entraîna avec lui, pour la bonne comme pour 
la mauvaise fortune, cet homme de guerre et de commandement 
qui était une force dans Îles montagnes du centre de la France et 
qui, un peu malgré lui peut-être, subit cette influence jusqu à la 
dernière heure de sa carrière. Le temps a détruit les témoignages 
publics ou confidentiels qui justificraient ces conjectures ; mais il 
n'en est pas besoin, car les dates parlent assez : on voit de Chaste, 


1. Dans son testament du 16 juillet 4589, environ dix-huit mois avant sa mort, 
Saint-Vidal prend le titre de Grand-Maîitre de l'artillerie de France. 

2. P. Anselme, Histoire des Grands officiers de la Couronne,t. VIT. 

3. Arnaud, Histoire du Velay,t. 1, p. 441. 


MAISON DE LA TOUR 159 


sénéchal depuis le 1° mars 1587, pressentant avec l'évêque que 
la tragédie de Blois, suivie du meurtre de Duranti, à Toulouse, 
allait dessiner toutes les positions, commencer, dès les premiers 
jours d'avril 1589, à disputer le pouvoir à Saint-Vidal, un instant 
déconcerté par la gravité des événements, et recevoir du roi, le 
titre de gouverneur du Velay, dès que la ville eut solennellement 
juré la sainte union ‘. Ainsi, Saint-Vidal prend le pouvoir avec 
Pierre d'Apinac, royaliste, le perd avec Picrre d’Apinac, ligueur, et 
le retrouve lorsque, échappé par miracle au sort d'Henri et du car- 
dinal de Guise, l’archevèque, qu'une rançon de 300,000 écus avait 
rendu à la liberté, dirigea, comme garde des sceaux, les conseils 
du duc de Mayenne :. 

Il semble que dans ce dernier commandement, obligé de com- 
battre non plus les religionnaires venant assaillir son pays, mais 
ses propres frères d'armes, mais cette noblesse du Velay restée 
royaliste et lui reprochant d’être devenu rebelle au roi, embarrassé 
de ces confréries turbulentes, de ces prédicateurs furibonds, de ce 
conseil des vingt-quatre qui, à l’exemple du conseil des seize de 
Paris et des dix-huit de Toulouse *, suspectait son dévouement à la 
cause et lui imposait ses résolutions, il ait eu quelque trouble de 
conscience sur les fins de cette guerre civile, quelque pressentiment 
du sort qui l'attendait. Le vieux gentilhomme se demandait peut- 
être, en s’agitant dans son armure trouéc par les balles hugue- 
noles, si le Puy était la France, si Dieu était pour la Ligue; et ce 
ne fut pas toujours sa faute si toutes les transactions cssayées 
entre les deux partis échouèrent. 

Nous n’écrivons ni l’histoire du Velay ni mème la biographie 
du baron de Saint-Vidal, et c’est assez pour marquer le sens des 
événements et faire connaître l'homme qui y attacha son nom. Sa 
destinée le trahit, il aurait dû trouver la mort sur la brèche d'une 
place et la recevoir de la main de Blacons ou de Chambaud, il la 
trouva dans un duel de quatre contre quatre, aux pieds de la ville 
de Notre-Dame, le 25 janvier 1591, et la reçut de la main de Pierre 
de la Rodde, moins digne adversaire que de Chaste et que ne l’eût 


1. Arnaud, Hisloire du Velay, t. 1, pp. 430, 443, 441. 

2. A. Péricaud, Notice sur P. d’Apinac ; — Arnaud, Histoire du Velay, t. J, pp. 443, 
447, 496. 

3. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, p. 449. 


160 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


été Chalençon avec lequel, sans l'intervention de leurs amis com- 
muns, il aurait couru le même risque en 1584 *. 

Sa mort lui rendit une popularité qui échappait à sa vie. Celle 
ville étrange, oubliant que, le matin même, elle l'avait contristé de 
ses défiances, tomba tout entière à genoux devant son gouverneur 
rapporté inanimé du pont d'Estroulhas et, du milieu de ses sanglots, 
lui voua un souvenir éternel. Par une faveur qui n'arrive quà 
bien peu d'hommes, le pays se reconnut et s'aima en lui, en fit le 
héros des gucrres civiles, et aujourd'hui que deux siècles auraient 
pu épuiser celte admiration sans réserve, elle est toujours la même: 
quelques protestations au nom de la vérité ct de l'humanité ny 
feront rien, la légende s'est imposée à l'histoire. 

Tout n’était pas fini en Velay, parce que le chef et son liculenant 
Rochette avaient succombé dans cette fatale rencontre. René 
d'Autefort, baron de l'Estrange, vint y prendre le commandement 
de Ja Ligue et la guerre continua cinq ans encore. Elle fut même 
d'abord plus implacable, car ces familles et ees amis en deuil pro- 
voquèrent des poursuites contre les meurtriers de Saint-Vidal, el 
le Parlement de Toulouse mit ses arrêts au service de cette ven- 
geance ?; des décrets de prise de corps, datés du mois d'avril, 
devaient rester impuissants; c'est tout au plus si l'huissier chargé 
de les signifier au sénéchal de Chaste, osa, accompagné d'un 
trompette et suivi de la garnison de la ville, s'avancer jusqu'à la 
vue de Polignac *, et nul assurément n'aurait été si téméraire que 
d'aller porter au redoutable cadet de Séneujols, retiré dans le 
château de Montbonnet, ces vaines menaces de la justice ligueuse. 
Son coup de dague au gouverneur, dont les lettres patentes données 
à Monceaux par le roi, en 1598, le déchargèrent sans le laver, ne 
cessa pas néanmoins de peser sur sa vie, quoique pour apaiser tant 
de haines, il eût changé de parti sous le nouveau nom de seigneur 
de Châteauneuf, bâti une église au Bouchet-Saint-Nicolas et fondé 
trois lampes d'argent à l'église de Notre-Dame *. 


1. Arnaud, Jlistoire du Velay, t. 1, pp. 505 à 594, 410 ; — Mandet, Guerres civiles du 
Velay, p. 307. Le récit est emprunté par les deux historiens aux manuscrits de 
Burel. 

2. Mandet, Guerres civiles du Velay, pp. 320 à 323. 

3. Arnaud, Histoire du Velay, t. }, p. 511. 

4. Arnaud, Hisloire du Velay, t. W, pp. 45, 71, 78. 


ES nn. = me - = 


MAISON DE LA TOUR 461 


À l'audace de la Tour-Gouvernet, si connu sous le nom de 
Chambaud, on vit bien qu'Antoine de la Tour n'était plus, car, 
appelé par de Chaste à Polignac, il partit de là à la tête de près de 
deux mille hommes pour assiéger le château mème de Saint-Vidal, 
menaçant ceux qui le défendaient de les incendier s'ils ne se ren- 
daient pas, tandis que, de son côté, l'Estrange les menaçait de les 
faire peñdre s'ils avaient la lâcheté de livrer la place ‘. Trois cents 
coups de canon tirés pendant huit jours ne furent qu'une insulle 
du vaincu de Saint-Agrève au berceau de son vainqueur; l'ombre 
de Saint-Vidal protégeait les tours qu'il avait élevées. N'y pouvant 
rien, Chambaud leva le siège et vint ravagcr les environs du Puy*. 

En ce temps de désordre et de confusion, toute administration 
régulière était impossible. Le pays souffrait de tous les maux, car 
la peste ajoutait ses calamités à celles de la guerre civile. La jus- 
tice corrompue ou désarmée devenait un instrument de spoliation 
ou de vengeance aux mains du plus fort. Les États, en général du 
même tempérament politique qu'Antoine de Saint-Nectaire, leur 
président, auraient voulu pacifier ce pauvre pays haletant ct 
épuisé et ne savaient comment solder tant de dépenses, comment 
cicatriser tant de plaies. Mais ils n'en avaient pas le pouvoir; les 
trèves qu'ils parvenaient à conclure entre ces chefs hautains et 
passionnés étaient rompues le lendemain. Ils ne se divisèrent pas 
en deux assemblées comme les États-Généraux de Languedoc, 
seulement la Ligue y fit presque toujours défaut, et, au reste, les 
sessions devinrent si rares que, de 1569 à 1598, on n'a pu recueillir 
que quatre procès-verbaux *. C’est à Espaly, à Brives, au Monastier, 
à Yssingeaux et mème à Polignac, que se tinrent ces assemblées, 
pendant que la Ligue régnait au Puy, et privées d'une partie de 
leurs membres, elles ne volèrent que des ressources insuffisantes 
et contestées. Les impôts, comme les moissons, furent au pillage 
et pris par les gens de guerre quand on ne les leur donnait pas. 
Quoique de Chaste, comme baron de la Brosse, ct Antoine de la 
Tour, comme baron de Saint-Vidal, eussent entrée aux États, nous 
doutons qu'ils s'y soient rencontrés pendant ces troubles, les épées 
seraient sorties du fourreau, et aussi l'assemblée réunie à Brives, 


4. Mandet, Guerres civiles du Velay, p. 326. 
2. Arnaud, Histoire du Velay, pp. 514 à 519. 
3. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaux des États, t. 1. 


462 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


le 1° août 1590, décida-t-elle, par son premier acte, que ni l'un 
ni l’autre n'y assisterait : elle prescrivit que Saint-Vidal se tien- 
drait au couvent des Carmes, et de Chaste à Chadrac ‘. Ajoutons 
que, d'habitude, le chef des Ligueurs préférait l'action au conseil, 

et que. dans les trente années de sa vie publique, sa présence aux 
États, mème lorsque Les circonstances l'auraient permis, ne dut 
être qu'un fait exceptionnel et sans importance. Accoutumé à 
prendre ailleurs le premier rôle, à ne prononcer que de brèves 
paroles de commandement, il se serait senti mal à l'aise dans ces 
assemblées où présidait l'évêque, où siégeaient les dignitaires de 
l'Église, le vicomte de Polignac, en tète des dix-huit barons et les 
élus des villes consulaires. 

Par les mèmes causes, le pays, durant ces tristes années, ne fut 
jamais régulièrement représenté aux États-Généraux de Languc- 
doc, car, si quelquefois l'évêque ct le vicomte se rendirent aux 
assemblées tenues par Montmorency, et les consuls du Puy aux 
assemblées tenues par Joyeuse, cette division même rendait leur 
présence illusoire et sans profit. Dom Vaissète (Histoire de Lanque- 
doc, t. V, p. 477) nous fournit un exemple de ces déchirements : 
« On reçut le député d'Yssingeaux, à la place des consuls de la 
« ville du Puy, occupée par les ligueurs.. Les habitants du Velay, 
«s'étant soumis pour la plupart à l'autorité du roi, s'assemblèrent 
« en corps d'États et firent tout leur possible, par leurs députés, 
« pour engager ceux du Puy à en faire de mème. Ils eurent avec 
« eux une conférence dont ils rendirent compte, le 10 de janvier 
« (1596), aux États assemblés à Pézenas : ils marquent dans leur 
« lettre, qu'espérant mettre fin au trouble et à la désolation du 
« pays par la conférence qu'ils avaient eue depuis quelques jours 
«avec les habitants du Puy, ils les avaient trouvés si opiniâtres et 
«si cndurcis dans leur rébellion, que ne pouvant s'attendre qu'à 
« la continualion de la guerre, la plupart des peuples du pays, 
« réduits au désespoir, étaient résolus de l'abandonner, si les Etats 
« Généraux n'avaient la générosité de Les secourir. Ils ajoutaient 
«qu'enfin les habitants du Puy avaicnt député deux d’entr'eux 
«vers le roi, dans le dessein de le reconnaître, mais dans l'espé- 
« rance que par le moyen du traité du duc de Joyeuse avec le roi, 


1. Arnaud, Histoire du Velay,t. 1. p. 499. 


MAISON DE LA TOUR 163 


«ils pourraient être distraits du commandement du connétable, du 
« duc de Ventadour, et de l'union du corps du pays, pour se sou- 
« mettre avec tous ceux du Velay audit scigneur de Joyeuse et au 
«commandement du sieur de l'Estrange. Les États du Velay 
«prièrent les États de Pézenas de s'opposer à cette poursuite, ct 
« d'empècher qu'ils ne fussent distraits du corps du pays et livrés 
« à leurs ennemis. » 

En s'engageant dans cette mêlée furieuse du xvi° siècle, Saint- 

Vidal, blessé au siège d'Espaly en 1574, plus grièvement encore 
en 1580, au siège de Saint-Agrève où il perdit un œil, savait bien 
qu'il y périrait, et espérant prévenir entre les sicns des contesta- 
lions qui n'éclatèrent que trop, le 16 juillet 4589, à la veille d’aller 
rejoindre Mayenne, dans un voyage resté obscur, il fit un testa- 
ment secret dans lequel l’homme public et l'homme privé posent 
en quelque sorte, vivant et mort, devant nous. Ce testament trouvé 
dans un coffre de la chambre basse de sa maison (celle où il cou- 
chait) près de la cathédrale, produit par Claire de Saint-Point, sa 
veuve, ouvert par le Juge-Mage, le vendredi 15 février, en pré- 
sence de Françoise d'Albon, douairière du Villar, de l’abbesse 
de Bellecombe ct de quelques autres membres de la famille repré- 
sentés par des mandataires, devint le programme des magnifiques 
funérailles (Arnaud parle ainsi) que lui firent les habitants du Puy, 
le 3 du mois de mars. Son corps fut inhumé dans l'église de Saint- 
Agrève où il avait été déposé depuis sa mort !. 

Après avoir exprimé de graves et picuses réflexions sur la briè- 
veté de la vie, le testateur ee ainsi : 

« Premièrement, je veux et ordonne qu'on m'’enterre au couvent 
«des Cordeliers dans la chapelle de mes ancètres, du côté du 
. «grand autel, laquelle chapelle sera, à cet effet, enfoncée en de- 
_“ dans de cinq ou six pas jusqu’à la muraille où se poscra l’autel 
«et au-dessous duquel mon tombeau sera dressé, mon héritière 
«universelle, connaissant à cet égard mes intentions; pour le cas 
«“ où la construction de ce tombeau ne serait pas terminée de mon 
«vivant, mon corps sera mis dans un cercueil de plomb revètu 
“ de bois et déposé en lieu convenable de ladite église. Et s’il ade- 
« venait que Dieu me voulut appeler hors la présente ville, mon 


!. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1, p. 509. 


164 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL . 


« dit corps serait apporté par les prètres de toutes les églises 
« paroissiales de mes terres du Velay, accompagné de tous les 
« pauvres du lieu où je serais décédé, et de tous les autres pau- 
« vres qui s y Joindront auxquels il sera donné à chacun trois sols, 
«et, arrivés à l'une des croix qui sont les plus proches des quatre 
«avenues de la ville, ils attendront que tous les autres prêtres, 
« religieux ou religieuses de ladite ville et du dehors, viennent 
« prendre mon corps, pour le porter, la face découverte, depuis Ja 
« porte par laquelle il entrera jusqu'à l'église de Notre-Dame, au 
« cœur de la croix, où je prie Monseigneur l'évêque et messieurs 
« les chanoines de permettre qu'il soit déposé pendant qu'il sera 
« célébré, au grand autel, une messe de mort à haute voix, ct 
« deux autres messes à voix basse, aux autels latéraux, chargeant 
« très expressément ma dite héritière de leur faire mème prière en 
« considération de ce que j'ai employé toute ma vie, et depuis 
« l'année 1561, tous mes moyens, peines et travaux pour la con- 
« servation de ce pays de Velay, sous l'obéissance du roi, ct 
« réduit beaucoup de villes et forts occupés, tant dans ledit Pays 
« qu'aux limites d'icelui, par les huguecnots et hérétiques qui 
« tiennent le parti contraire de la Sainte Église catholique apos- 
« tolique ct romaine, à la prise desquelles villes et lieux occupés 
«j'ai perdu un œil et plusieurs fois ai été blessé et offensé, en 
« ma personne en danger de ma vie, comme chacun sait; en mé- 
« moire de quoi, Je prie les dits scigneurs évèque et chanoines. 
« permettre que mes armes entières, épée et éperons, avec mon 
« enseigne et guidon et un tableau de mon effigie soient mis el 
« posés ensemble à côté du grand autel de la dite église contre la 
« muraille de la chapelle du crucifix. 

« Veux aussi ct ordonne que pendant le temps que mon corps 
« demeurera en l'église de Notre-Dame, tous les autres prêtres, 
« religieux ou religicuses, tant de mes terres que de la dite ville, 
« restent autour de mon dit corps, priant Dieu pour mon àme, 
« et qu'après ils l'accompagnent avec les dits chanoines jusques 
« dans l'église de Saint-Agrève ct à la chapelle de feue made- 
« moiselle de Mons, ma tante, où il séjournera jusqu'à ce que les 
« préparatifs des honneurs de mon enterrement auront été faits, 
« voulant cependant que mon dit corps demeure accompagné jour 
«et nuit par douze prètres et deux de mes serviteurs, lesquels 


MAISON DE LA TOUR 165 


« prêtres seront, outre leur nourriture, payés à raison de chacun 
« dix sous, etc. 


« 


« Veux qu'il y ait jour et nuit quatre grands cierges ardents 
de deux livres chacun, avec mes armoiries et écusson, autour 
de mon corps. 

« Aussi veux qu'en cas de décès dans.ce pays de Velay, mes 
entrailles soient portées dans l’église paroissiale de Saint- Vidal 
et mises au même lieu que celles de feu Bertrand de La Tour, 
mon frère, comte et archidiacre de Saint-Jean de Lyon. 

« Veux que mon enterrement soit fait aussitôt que possible après 
mon décès, mes parents et exécuteurs testamentaires appelés. 

« Veux que mes dits sieurs de la grande église de Notre-Dame 
du Puy et autres religieux, religieuses et prêtres de la dite ville, 
avec les prêtres des églises de mes terres de ce pays de Velay 
soient appelés et que tous ensemble accompagnent mon corps 
depuis la dite église de Saint-Agrève jusqu'au couvent des Cor- 
deliers où il doit être enterré ; que le lendemain se fasse la qua- 
rantaine, et le jour après, en suivant le bout de l'an, à l'assistance 
de tous les dits prêtres, avec la chapelle ardente et autres 
luminaires dehors et dans la dite église, comme il est de cou- 
tume, en donnant aux dits chanoines pour chaque jour ce qui 
sera avisé avec eux par mon héritière, aux quatre ordres men- 
diants également pour chaque jour, deux écus à ceux de Saint- 
Laurent, deux écus à ceux des Carmes, deux écus à ceux des 
Cordeliers, deux écus à ceux de Sainte-Claire, deux écus aux 
religieuses de Vals, un écu aux religieuses de Saint-Pierre-le- : 
Monestier, deux écus aux prêtres séculiers dudit Saint-Pierre, à 
chacun présent trois sols, deux écus à ceux de Saint-Pierre-la- 
Tour, à ceux qui seront présents, trois sols, à ceux du collège 
présents, trois sols, à ceux de mes terres, cinq sols, aux étran- 
gers, cinq sols, six deniers. 

« Veux que pendant les dits trois jours de mon enterrement, 
trois cents pauvres, hommes ou femmes y assistent, et qu'on 
donne à chacun d'eux quatre aunes de drap, en outre ce, aux 
mâles, un bonnet, et aux filles, une aune de toile pour un couvre- 
chef. Chacun de ces trois cents pauvres portera un cicrge avec 
mes armoiries, et recevra chaque jour un pain d'un sol ou 
l'argent. 


166 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


« Veux aussi que les dits trois jours de mon enterrement, il soil 
« distribué aux pauvres, cent setiers de seigle, savoir : quinze 
« setiers à ceux de Saint-Vidal ct de Blanzac, six setiers à ceux du 
« Villar et d'Eynac, dix setiers à ceux de Montusclat ct de Mont- 
« vert, dix setiers à ceux de Mons, Saint-Quentin et Vals, six 
« setiers à ceux de Beaufort et Barges et le surplus à ceux qui: 
« assisteront aux aumônes pendant les dits trois jours. » 

Ici, le testateur fonde pour chaque jour de l'année, et perpé- 
tuellement dans l'église des Cordeliers, une messe de morts avec 
quelques autres prières pour son âme ct celle de ses parents, à la 
charge par ses héritiers de servir aux R. P. religieux, une rente 
de 40 écus; lèguc 20 écus une fois payés, au couvent de Sainte- 
Claire, pour qu'on prie pour lui et pour les siens, fait quelques 
dispositions rémunératoires ou charitables en faveur d'anciens amis 
ou serviteurs de sa maison ct de pauvres qui lui ont été particulière- 
ment recommandés ; puis venant à sa famille, il continue ainsi : 

« Item, Parce que Je désire, comme le devoir veut, que demoi- 
« selle Françoise d'Albon, ma mère, au cas qu'elle me survive, 
« soit honorée, servie ct respectée par mes hériticrs, tout de mème 
« comme J'ai fait et désire faire toute ma vie et mieux s’il m'est 
« possible, veux, entends et ordonne qu'on lui porte honneur, 
« obéissance ct humble servitude, et qu'on s'aide dans l'occa- 
« sion, de ses bons avis ct conseil, et s’il advenait, que Dieu ne 
« le veuille! qu'elle tombât en nécessité, à l'occasion des gucrres 
« ou autrement, qu'elle soit par mes dits héritiers, nourrie, entre- 
“tenue, servie selon sa qualité. 

« Item, Donne et lègue à Henri de la Tour, dit de Saint-Vidal, 
« mon frère, la somme de deux mille écus pour une fois outre le 
« légat à lui laissé par feu Antoine de la Tour, notre père, et ce 
“au cas où Je décéderais sans enfant mâle, laquelle somme lui 
« sera payée par mon héritier, trois ans après mon décès pour lui 
« tenir licu de tous les droits de légitime et autres quelconques 
« qu'il pourrait prétendre, soit sur les biens dudit feu notre père, 
« soit sur ceux de nos frères et sœurs, et sans qu'il puisse deman- 
« der autre chose, révoquant dès à présent le susdit légat s'il 
«ne s'en contente. Et au cas où je délaisserais un ou plusieurs 
« enfants mäles, veux qu'il se contente de cent écus pour tous 
« les droits qu'il pourrait prétendre sur mes biens. 


MAISON DE LA TOUR 467 


« Veux ct ordonne que toutes et quantes fois qu'il plaira à dame 
« Françoise de la Tour, dite de Saint-Vidal, abbesse de Belle- 
« combe, ma sœur, venir dans nos maisons avec notre héritière 
« ou ses successeurs, elle y soit reçue, chérie et honorée comme 
« y était notre propre mère; ordonnons qu’on soit tenu de lui 
« obéir en toutes occasions qui se présenteront pour les affaires 
« de nos maisons et de nos biens, et de prendre son avis et 
« conseil. Et en cas que son abbaye, fruits et revenus d'icelle, 
« soient occupés par guerre ou autrement et qu'elle n’en puisse 
« jouir librement, veux et ordonne qu’elle puisse se retirer auprès 
« de notre héritière et de ses successeurs avec lesquels elle sera 
« nourrie et entretenue honorablement selon son état et qualité 
« et révérée comme dit est. Et si elle ne pouvait s’accorder avec 
«eux, voulons qu'il lui soit baillé habitation commode de deux ou 
«trois chambres, et cuisine, meublées, aisées et accommodées, 
« selon sa qualité, de tout ce qui lui serait nécessaire, et que pour 
« ses aliments et entretenement, elle jouisse de la somme de cent 
« trente-trois écus et un tiers de revenu annuel qu’elle prendra sur 
« le revenu de la maison où elle habitera. » 

Semblables recommandations sont faites aux héritiers de rece- 
voir, nourrir et entretenir honorablement Claire de la Tour, 
veuve du sieur de la Tourrette, Antoinette de la Tour, femme de 
Louis de Roquelaure, ses sœurs, dans le cas où, soit les guerres, 
soit quelque autre nécessité, les obligeraicnt à s’y retirer, voulant 
d'ailleurs qu'elles se contentent de cela sans pouvoir demander 
autre chose sur ses biens. 

« Item, Pour le devoir de proximité et par l'amitié que j'ai tou- 
«jours envers feue damoiselle Louise de la Tour, ma sœur, 
« femme en son vivant du seigneur de Servissas, et envers Îles 
« enfants qui sont descendus d'elle, veux et ordonne que son fils 
« Henri Béraud que j'ai mis à l'étude, y soit continué aux dépens 
« de mes successeurs jusqu’à l'âge de seize ans, qu'on pourra juger 
« à quoi son naturel se donnera le plus, soit aux armes ou aux 
«lettres, pour après l'aider et assister dans sa vocation, comme ils 
«aviseront, et tenir l'œil à ce que le droit qu'il aen la maison de 
« son père lui soit rendu, s’il était délaissé par son dit père, en 
« bas âge. 

«Je donne ct lèguc, par droit d'institution particulière, à Gil- 


168 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


« bert de la Tour, mon fils naturel et légitime, la somme de cinq 
«cents écus, pour une fois, ou telle autre somme qui sera adjugée 
«par mon héritière universelle qui, en outre, sera tenue de le 
«nourrir et faire apprendre aux études jusqu'à l'âge de quinze, 
«seize ou dix-sept ans, et après, lui donner la compagnie de 
« quelque gentilhomme, vieux, sage, et complectionné, pour 
« demeurer avec train et équipage honnète à lu suite de la cour, 
« ou bien pour le conduire en pays étranger, afin de se dresser, 
« apprendre les langues ct se faire honnête homme, suivant la 
«trace de ses prédécesseurs, en se maintenant en la foi catho- 
« lique, apostolique et romaine ct au service de son roi, vivant 
« aussi dans [a méme Loi, et au cas où mon dit fils ferait autre- 
« ment, je le prive et destitue de tous ct chacun mes biens. 

« Et s'il plaît à Dicu me donner un ou deux fils posthumes, je 
« leur fais à chacun pareil légat qu’à mon fils Gilbert, savoir de 
« cinq cents écus, avec semblable charge à ma dite héritière de 
«les nourrir, élever, entretenir selon leur qualité en la vocation 
«qu'ils voudront prendre jusqu'à ce qu'ils seront en âge d'être 
« colloqués en mariage, ct lors, trouvant parti ensemble, qu'il 
« leur soit baillé la susdite somme de cinq cents écus avec telle 
« autre qui sera avisée par mon héritière universelle. » 

Quant à ses filles, le testateur lègue à Claire de la Tour, 
femme de noble Claude de Rochefort-d’Ally, et de Jozerand, la 
somme de 100 écus, outre la dot qui lui a été constituée au con- 
trat de mariage; et 5,000 écus à Marie et Anna de la Tour, 
ses deux autres filles, qui leur seront payés, lors de leur établisse- 
ment, jusque là l’héritière universelle devant les nourrir, entre- 
tenir et endoctriner selon leur qualité. 

« Et comme l'institution d'héritier est le fondement de tout bon 
« testament, moi Antoine de la Tour, institue et nomme pour 
« mon héritière universelle, ma bien-aimée et chère épouse, Claire 
« de Saint-Point, dame dudit lieu et de la Forêt, pourvu qu'elle 
« demeure et se conticnne en viduité, et ce en tous mes biens meu- 
« bles, noms, droits et actions, à la charge de les rendre si elle se 
«remarie ou autrement, et quand bon lui semblera, à celui de 
« mes enfants mâles qui me survivrait, ou bien si bon lui semble, 
«à un des mâles de Claire de la Tour, ma fille, femme dudit 
« Claude de Rochefort-d'Ally, tel qu'il lui plaira de choisir, 


MAISON DE LA TOUR 169 


« venant à convoler en secondes noces, ou à la fin de ses jours, 
« pourvu que celui desdits enfants de ma fille d’Ally, qui sera élu 
« à ma succession, prenne tout incontinent mon nom et armes, 
« et autrement non. » 

Prévoyant ensuite le cas où ni lui ni sa fille Claire ne laisse- 
raient d'enfant mâle, il veut que sa femme puisse élire un des 
enfants mâles de sa fille Marie, et à défaut un de ceux de sa fille 
Anne, toujours à la condition de prendre incontinant son nom et 
ses armes et qu'ils suivront la religion catholique, apostolique et 
romaine. 

« Et pour la bonne amitié et affection que j'ai toujours reconnue 
«et expérimentée en mademoiselle de Saint-Vidal, ma mère, 
«dame Françoise de Saint-Vidal, abbesse de Bellecombe, ma 
«sœur, madame de la Tourette, aussi ma sœur, monsieur de 
«Lyon (Pierre d'Apinac, son cousin), monsieur et madame de 
« Chévrières, monsieur de Fougières, oncle de ma femme, mon- 
«sieur d'Adiac, mon frère par amitié, et M° Godefroi Villar, notre 
«avocat, Je les fais mes exécuteurs testamentaires, les priant 
« d'en accepter la charge et faire office de bons parents et amis 
«à ma bien-aimée femme Claire de Saint-Point, mon héritière 
« universelle, et à mes enfants, comme ils ont toujours fait en 
« mon endroit, ct que par adresse et bons avis ils se rendent 
«imitateurs de leurs prédécesseurs. » 

Tel est ce testament solennel où le baron de Saint-Vidal, 
essayant d’enchaîner l'avenir, écrit à toutes les pages son acte de 
foi religieuse et politique, rappelle avec un légitime orgueil les 
services qu'il a rendus à sa cause ct à son pays, se prépare un 
tombeau privilégié dans l’église des Cordeliérs, convie à ses funé- 
railles, ordonnées avec une pompe sans pareille, tous les prêtres 
de la ville et de ses terres et presque tous les pauvres de la contrée, 
mais dans lequel il cache, sous des dispositions incohérentes et 
suspectes, des secrets domestiques qui, à l'heure suprême, durent 
être lourds à sa conscience. 

Qu'est-ce, en effet, que ce legs presque dérisoire, de 100 écus à 
son frère Henri, qu’il nomme sans le moindre mot d'affection, et 
qui doit s'en contenter pour toutes ses prétentions ? 

Qu'est-ce que ce fils Gilbert, assez sèchement déclaré naturel et 
légitime, destiné à suivre la cour ou à voyager en pays étranger, 


L 1 
471) LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


à qui il fixe, comme à un cadet de bonne maison, une légitime de 
500 écus, et qui, de la part du père le plus jaloux de son sang et 
de son nom, n'est pas institué pleinement et directement héritier? 

Qu'est-ce que cette opulente succession d'un homme qui a des 
enfants et des petits enfants, placée sur la tête de sa veuve qui peut 
contracter un nouveau mariage, et qui, malgré ce cas prévu et 
qui s’est réalisé, reste maîtresse de la transmettre, à son choix, 
ou au fils Gilbert ou à un fils de Claire de Saint-Vidal, femme de 
Claude de Rochefort-d'Ally ? 

C'était une fraude, et un Jurisconsulte, honnêtement indigné, va 
nous en donner l'explication : 

« Antoine de la Tour, scigneur de Saint-Vidal, ayant perdu un 
« fils unique, nommé Gilbert, dans l'âge de six au sept ans, ct 
« fäché, étant chargé de substitutions, de ne pouvoir disposer de 
« ses biens, résolut de supposer un autre enfant et de le subroger 
«au mort. L’avant donc pris en quelque endroit, il lui donna le 
« nom de Gilbert, il l'élève comme sien et le fait passer pour tel; 
« qui plus est, il décède sans découvrir sa fourbe. 

« Ilest vrai que la nature ne peut pas entièrement s'oublier ct 
« que la providence divine permit que ce seigneur ne fit point cet 
« enfant son héritier, mais institua sa femme héritière et lui laissa 
« le pouvoir de remettre son hoiric, ou à cet enfant qu'il nommait 
« son fils ou à l’un des enfants de sa fille, Claire de la Tour, 
« femme du seigneur d'Ally. 

« Mais au lieu qu'il y avait apparence que le fils dût être préféré 
« au fils d'une fille, la veuve qui savait la fourbe, ou en avait du 
« moins quelque créance, au lieu de nommer ce fils prétendu héri- 
«tier, nomma le fils de sa fille. Ainsi ces deux considérations 
« furent autant de présomptions qui, outre l'ombrage qu'on en 
« avait déjà, firent soupconner la supposition. 

« Ce fils supposé ne laissa pas pour cela d'agir, et, étant assisté 
« de personnes puissantes, de disputer la succession et d'opposer 
« les substitulions des devanciers de cette famille. Il lui fut pourvu 
« de tuteurs, il obtint des provisions, mais étant décédé au milieu 
« de la carrière, le scigneur vicomte de Polignac, au profit duquel 
«il avait testé, reprit le procès ct le poursuivit jusqu'à l’arrèt qui, 
« en conséquence des preuves et des présomptions, déclara que 
« cet enfant avait été supposé. Ainsi la vérité l'emporta et fut plus 


MAISON DE LA TOUR 171 


« forte que l'artifice, par lequel un frère irrité, ou par un caprice, 
« avait voulu s'opposer à la nature, à la force du sang, à l'autorité 
« des lois et à la disposition de ses prédécesseurs, pour faire tom- 
«ber leurs biens à un étranger, à un inconnu, et peut-être de 
« quelque extraction infâme *. » 

Nous reviendrons plus tard sur ce scandaleux procès et sur l’ar- 
rèt souverain du 43 mai 1616, qui déclara Julien n'être qu’un faux 
Gilbert. Mais il faut dire dès à présent que cette substitution d’un 
enfant pris à l’Hôtel-Dieu de la ville du Puy, au fils légitime du 
baron de Saint-Vidal, eut de telles chances d'être sanctionnée au 
moins au Parlement de Toulouse où les parties contestèrent long- 
temps, que cet enfant supposé étant décédé durant l'instance, il fut 
décidé qu'il serait enseveli au tombeau de feu Antoine de la Tour 
et de ses prédécesseurs! La minute de cet arrêt n'a pu ètre retrou- 
vée aux archives du parlement de Toulouse, mais il est cité par 
Cambolas *. 

Et Claire de Saint-Point en qui Saint-Vidal avait placé une 
entière confiance et qui, veuve d'un tel homme, n'aurait jamais 
dû quitter sa robe de deuil, que devint-elle ? 

On la vit d'abord ardente à tirer vengeance de la mort de son 
mari, ct pour associcr la ville même du Puy à ses poursuites, con- 
sentir à lui livrer les cent vingt charges de poudre ou de boulet, 
renfermées dans le château de Bouzols *. En 1594, lorsque le duc 
de Ventadour, lieutenant du connétable de Montmorency, s'avança 
vers le Velay, à la tête d'une armée royaliste, elle ne fit aucune 
difficulté de lui ouvrir son château de Mons où ce duc établit son 
quartier-généra]l, datant de là les ordonnances ou les dépèches 
qu'il adressait à la ville ligucuse. Mais à la fin de cette année, elle 
épousa Marcelin de Hautvillar qui s'était signalé contre les roya- 
listes, tenant contre eux la place de Roche-en-Regnier, et dans le 
cours de ces gucrres, retenu assez longtemps prisonnier au château 
de Polignac. Peu après ce mariage, il quitta le parti de la Ligue et 
fut nommé lieutenant de Chevrières. Lui-même était veuf et avait 
un fils, car Arnaud raconte que lorsque la vicomtesse fit demander 


1. Œuvres de Claude Henrys, t. II, p. 950. Édition de 1738. 
2. Décisions du droit, liv. AI, ch. xt, in-$°, p. 198, édition de 1671. 
3. Mandet, Guerres civiles du Velay, p. 321; — Arnaud, Histoire du Velay. t. 1, p. 06. 


472 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


à la ville du Puy les restes de Chaste et de Chalencon, ce fils 
répondit, du haut des murailles, que ces restes seraient rendus 
lorsqu'on rendrait son père, prisonnier à Polignac. Ces Hautvillr 
devaient ètre du Gévaudan, au moins les trouve-t-on en la com- 
pagnie de d’Apchier, lorsque celui-ci, le 44 septembre 1593, tenta 
de surprendre la ville de Saint-Paulien *. Marcelin représenta aux 
États de ce pays, Claire de Saint-Point, sa femme, baronne de 
Cénaret, aux années 1600 et suivantes ; mais les procès-verbaux de 
ces assemblées apprennent qu'il était décédé en 1606. 

Ces derniers faits dépassent la limite naturelle de cette étude, 
car avec Antoine de la Tour finit la première race des barons de 
Saint-Vidal, race qui serait aujourd'hui bien oubliée, si le travail 
obscur, mais providentiel de ces dix générations n'avait préparé un 
homme pour son pays et un nom pour l'histoire. 


1. Arnaud, Histoire du Velay t. Il, pp. 8, 14, 29, 45. 


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MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 


De queule à la bande ondée d'argent 
accompagnée de six merlettes de sable 


II 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 


Dieu n'avait donné qu'un fils à Antoine de la Tour deuxième 
du nom, et ce fils, venu tard, d'enfance maladive, n'était pas 
destiné à vivre. De là l'importance que le baron de Saint- Vidal 
dut attacher au mariage de Claire, sa fille aînée, qui pouvait être 
el qui fut, en effet, tout l'avenir de sa maison. | 

Les Rochefort d'Ally tirent leur nom d'une terre située en 
Auvergne et voisine du Velay. On a dit qu'ils descendaient des 
sires de Mercœur, ce qui peut être une flatteric; mais presque 
tous les généalogistes s'accordent à faire remonter leur notoriété 
au commencement du xu° siècle. Ils sont inscrits à /’Armorial de 
41450 ‘ et ont fourni des hommes distingués dans les armes, dans 
la prélature et mème dans la diplomatie. 

En 1453, Hugues I‘ de Rochefort d'Ally était conseiller et 
chambellan de Charles VIT; Hugues IT fut, à son tour, conseiller et 
chambellan de Louis XI, et capitaine gouverneur de Saint-Flour. 
Guillaume, lieutenant d'une compagnie de cinquante hommes 
d'armes sous le duc de Lorraine et de Mercœur, mourut au siège 
de Naples en 1528. Jean-Baptiste de Rochefort d’Ally, de la 
branche de Saint-Point, écuyer d'écurie de Louis XIV, cut l’hon- 
neur d’être aide de camp du maréchal de Turenne. Ils donnèrent 
toute une série de chanoines-comtes, à l’église de Brioude de 1270 


1. Bouillet, Nobiliaire d'Auvergne, t. V, pp. 365 et suivantes. — Le grand diction- 
naire de Moréri, édition de 1759, t. IX, pp. 265 et suivantes, contient une généa- 
logie développée de la maison de Rochefort d'Ally, sur laquelle on peut voir encore 
d'Aubais, t. 11, pp. 253, 254. 


174 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


à 1728, un évèque au diocèse de Bayonne en 1519, transféré à 
Toul en 1524, et un autre évèque au siège de Chälons, de 1728 à 
4753. L'évèque de Toul, Hector de Rochefort d'Ally, mourut à 
Nancy en 4532. Il avait ét& ambassadeur de France à Venise ct 
chef du conseil d'Antoine, duc de Lorraine, qui le chargea de plus 
d'une négociation importante auprès du pape Clément VII et de 
l'empereur Charles-Quint. 

C'est une question de savoir si le célèbre Pierre d'Ally, arche- 
vèque de Cambrai, puis cardinal, dans le xiv° siècle, appartenait 
à la maison de Rochefort. Il avait été placé sur le siège du Velay 
de 4595 à 1597, et en souvenir de son passage en cette église il lui 
laissa en mourant un legs considérable ‘. Les nouveaux historiens 
de Notre-Dame, de même que les auteurs de la Bibliothèque sacrée, 
le font naître à Compiègne; mais Odo de Gissey * le déclare gen- 
tilhomme d'Auvergne, ce qui devait être la tradition au temps où 
il écrivait. 

Celui qui, le 1‘ août 1582, s'était uni par mariage à Claire de 
la Tour de Saint-Vidal, était Claude de Rochefort d'Ally, capitaine 
de cinquante hommes d'armes, gentilhomme de la Chambre du 
duc d'Alençon, baron et comte d'Ally, de Jozcrand ct autres 
scigneurics. On ne sait presque rien de sa vie, ni même de sa 
mort quoiqu elle ait été tragique : les recherches les plus persévé- 
rantes ont seulement appris qu'en 1604, il avait été assassiné près 
du Puy, par un de ses bâtards. 

Il laissa six enfants : 1° Jean-Antoine, né le 22 avril 1589, nommé 
en 4595, par son aïcule Claire de Saint-Point, pour succéder aux 
biens de la maison de la Tour Saint-Vidal, selon le pouvoir qu'elle 
avait reçu de son mari dans le testament du 16 juillet 1589, mais 
qui n'en profila point, étant mort sans alliance en 1625 ; 2° Aimar 
de Rochefort d' Ally, baron de Jozcrand, qui porta aussi le nom de 
la Tour, puisque son père avait dù le prendre, ou du moins son 
frère aîné, depuis 1595, mais qui, en fait, continua la branche 
ainée des Rochefort d'Ally, en restant étranger à la baronnic de 
Saint-Vidal et autres bicns du côté maternel; 3° Pierre-Antoine. 
qui fut véritablement le premier de la seconde maison de la Tour 


1. Le P. Caillau, Les gloires de Nolre-Lame du Puy, p. 332. 
2. Le P. Odo de Gissey, Discours historiques de la très ancienne dévolion à Notre- 
Dame du Puy. p. 518, édition de 1020. 


MAISON DE ROCHEFORT D ALLY 175 


Saint-Vidal ; 4 Claude de Rochefort d'Ally, qui forma la tige des 
barons de Saint-Point et de Cénaret, en Gévaudan ; 5° Claire de 
Rochefort d’Ally, née le 140 novembre 1598, mariée en premières 
noces, le 8 juillet 1618, à Philibert de Vergezac, et en secondes 
noces, le .....…. 14645, à Balthazard de Dienne, seigneur de Cha- 
vagnac ; 6° Marie, qui contracta alliance avec Jacques de Séve- 
rac. | 

Dans les premières années qui suivirent la mort d'Antoine de 
la Tour, second du nom, divers arrangements réglèrent, au moins 
d'une manière provisoire, la situation de la famille. 

Par unè transaction faite au château de Saint-Vidal, le 12 août 
1595, entre Claude de Rochefort d'Ally, procédant au nom de 
Jean-Antoine, son fils, que Claire de Säint-Point avait élu pour 
recueillir l’hérédité de son mari, et messire Henri de la Tour, 
seigneur de Montvert, qui se disait en droit de succéder aux biens 
délaissés par son frère, en vertu des substitutions dont les biens 
étaient grevés à son profit, il fut accordé : 1° que pour toutes ses 
prétentions soit du chef des ascendants, soit du chef des collaté- 
raux, Henri de la Tour se retiendrait les places et seigneuries du 
Villar, Eynac, Jalès, Montusclat, Montvert et leurs dépendances 
avec les meubles qui les garnissaient, moins cependant les acqui- 
sitions que le baron de Saint-Vidal y aurait faites; 2° que réci- 
proquement tous les autres biens de la maison de la Tour, en quels 
lieux qu’ils fussent assis, et en particulier les places et scigneuries 
de Saint-Vidal, Blanzac, Goudet, Beaufort et Barges, resteraicnt 
audit Rochefort d'Ally, lequel demeurerait chargé des légitimes 
et des dettes dont toute la masse des biens pourrait être grevée; 
3° qu'ils se tenaient quittes respectivement à l'égard de la succes- 
sion de Françoise d’Albon la douairière ; 4° et enfin qu'Henri de 
la Tour ne pourrait rien réclamer de certaine somme de 2,000 écus 
que Claire de Saint-Point devait lui payer à raison desdits droits, 
dont elle et le sieur d’Ally se trouvent ainsi déchargés. 

Voilà donc Henri de la Tour prenant pour sa part la seigneurie 
du Villar et ses annexes, où l'on sait, d'ailleurs, qu'il n'avait jamais 
cessé d’habiter, et les Rochefort d’Ally conservant pour la leur la 
baronnie de Saint-Vidal et ses dépendances, telles que Blanzac et 
la maison de la ville, plus les terres provenues de la maison de 
Goudet, et que feu le gouverneur du Velay avait fait ériger en 


476 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


vicomté de Beaufort, au prix d’une dépense de 40,000 livres, sil 
en faut croire les énonciations de l'arrêt du 13 mai 4616. 

Mais des terres du Gévaudan dont cette transaction du 19 août 
4595 ne dit mot, qu'en était-il arrivé ? 

Depuis la mort de Saint-Vidal, Claire de Saint-Point, sa veuve, 
se sentait fléchir sous le poids des plus grosses affaires et de la 
plus grave responsabilité. La fraude qui avait substitué Julien à 
Gilbert était déjà soupçonnée, et ces 2,000 écus dont parle la tran- 
saction du 19 août 1595, étaient peut-être un premier sacrifice pour 
désarmer Henri et obtenir son silence. En tous cas, reconnaître ce 
mensonge c'était déshonorer la mémoire du gouverneur, la livrer 
en pâture à ses ennemis et avouer devant le public sa propre com- 
plicité. Puis, comment se résoudre, après avoir élevé cet enfant 
comme l'héritier d'une grande maison, à le rendre aux misères 
et aux obscurités de l'hospice où on l'avait pris pour en faire un 
innocent instrument de spoliation? Ni ces perplexités, ni ces 
remords de conscience ne sont écrits dans le peu d'actes qui nous 
restent, mais la situation mème les révèle et il ne faut qu'y regarder 
pour les comprendre. 

D'abord, elle cherche un conseil et un appui dans un second 
mariage : elle épouse Marcelin de Hautvillar et se retire avec lu 
en Gévaudan, retenant cette baronnie de Cénaret, ces terres de 
Montferrand, Recollettes, Laval de Saint-Chély, etc., ou comme 
lui étant propres, ou comme la représentation de ses reprises sur 
la succession d'Antoine de la Tour, son premier mari. Et, soit 
pour rassurer sa fille Claire et son gendre, Claude de Rochefort 
d'Ally, contre les conséquences que pourrait avoir cette déplo- 
rable supposition d'enfant, soit pour leur rendre moins pénible 
le fait de son second mariage, clle s'empresse, comme on l'a vu, 
de fixer, sur la tête de son petit-fils, Jean-Antoine de Rochefort- 
d'Ally, l'hérédité de la maison de Saint-Vidal, selon le droit 
qu'elle en avait reçu par le testament de 1589. 

Tout cela fut-il volontaire et spontané? N'y fut-elle pas con- 
trainte par l'éclat des dissensions domestiques et des contestations 
judiciaires? ce qui est certain, c'est que la transaction du 20 oc- 
tobre 1598, dont nous allons indiquer l'objet, suppose un procès 
et vise même des jugements rendus au sénéchal et des arrèts du 
Parlement de Toulouse. Par cette transaction, Claude de Rochefort 


MAISON DE ROCHEFORT D ALLY 177 


d'Ally, comme père et légitime administrateur de Jean-Antoine 
de Rochefort d'Ally de la Tour, héritier du défunt baron de 
Saint-Vidal, abandonna à Claire de Saint-Point la baronnie de 
Cénaret et Montferrand, donnant entrée aux États de Gévaudan, 
ensemble les autres terres de ce pays, pour lui tenir lieu de tous 
les droits qu'elle avait à prétendre à un titre quelconque sur les 
biens de la maison de la Tour, à la charge par elle de payer à sa 
fille, Anna de Saint-Vidal, lorsqu'elle serait colloquée en mariage, 
jusqu'à concurrence de la somme de 11,000 écus. 

En devenant des la Tour, les Rochefort d'Ally étaient entrés 
dans les voies litigieuses, non pour s'y arrêter, mais pour s'y 
perdre, et de cette baronnie de Saint-Vidal, naguère montée si 
haut, il ne reste plus à raconter que des procès et des démem- 
brements. 

Veuve, Claire de la Tour était revenue contre l’arrangement 
que son mari avait fait avec sa mère, le 20 octobre 1598, et un 
jugement au souverain du 27 septembre 1612, tout en maintenant 
celte transaction, autorisa néanmoins la dame d’Ally pour Jean- 
Antoine de Rochefort, son fils, au nom duquel elle agissait à 
s'en affranchir, en payant à Claire de Saint-Point une somme de 
72,000 livres pour le montant de ses reprises, ou en lui expédiant 
des terres de la succession pour un revenu annuel de 2,400 livres; 
et à défaut par le dit Jean-Antoine de Rochefort d’Ally, d'user 
de cette faculté un an après sa majorité, les biens expédiés à 
l'aïeule par la transaction lui demeureraient définitivement acquis. 
Des arrêts postérieurs du 6 mai 16145 et 21 mai 1619, déclarant le 
Jeune héritier de la maison de Saint-Vidal, déchu de cette sorte 
d'option, avaient purement et simplement maintenu la dame de 
Saint-Point en propriété et jouissance de tous les biens du Gévau- 
dan. Il semblait donc qu'à cet égard tout prétexte à de plus 
longues incertitudes eut disparu ; mais le 7 août 1623, Claire de 
Saint-Point remetlait elle-même ses droits en question en aban- 
donnant au profit de Jean-Antoine de Rochefort-d’Ally, son petit- 
fils, l'effet des décisions judiciaires qui lui attribuaicnt la propriété 
incommutable de ces biens, se contentant d'en avoir l’usufruit sa 
vie durant. Sérieux ou non, ce traité ne devait durer que quelques 
mois, car le 25 mars 1624, par une nouvelle transaction qui met- 
tait à néant la précédente, le même Jean-Antoine de Rochefort 


12 


4178 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


d'Ally revenait à l'entière exécution de l'arrangement fait par 
son père en 1598, et renonçait, en faveur de Claire de Saint-Point, 
son uïcule, à tous droits et prétentions sur ces biens du Gévaudan. 

Si ce nest pas encore là une solution définitive, c'est au moins 
une halte, et nous en profiterons pour suivre la seconde maison 
de Saint-Vidal dans une autre arène judiciaire. 

Le baron de Saint-Vidal n'avait pu si bien emporter avec lui, 
dans Ja tombe, le secret de son foyer domestique que les dissen- 
sions qui suivirent sa mort n'en eussent trahi quelque chose. Il 
parait même que Claire de Saint-Point, dès le 1°" février 1591, 
c'est-à-dire dans les premiers jours de son veuvage, avait, par 
quelque déclaration, plus ou moins explicite, soulagé sa conscience 
ct mis quelques personnes, sinon le public, sur la trace de la 
vérité. Henri de la Tour, qu'on nommait le sieur de Montvert, 
sachant enfin de quelle fraude il avait été victime, par honneur 
pour son nom et aussi par intérêt, se décida à la dénoncer à la 
justice, sans ménagement pour la mémoire de son frère et sans 
se croire lié par la transaction faile au chätceau de Saint-Vidal, le 
12 août 1595 entre lui et Claude de Rochefort-d'Ally. Dans ce 
grand procès, qui commença au mois de Janvier 4596, et dont le 
dernier arrêt est du 13 mai 1616, successivement porté au Séné- 
chal du Puy, à Nîmes, à Toulouse et à Paris, s'il était arrivé en 
enticr'}usqu à nous, nous y trouverions comme parties ou comme 
témoins avec les passions diverses qu'ils y apportèrent, les per- 
sonnages les plus considérables du pays, car la demande ayant le 
double objet de faire déclarer Julien enfant supposé et d'obtenir, 
en conséquence, les biens de la maison de Saint-Vidal, grevés de 
substitution, Henri de la Tour dut la diriger à la fois contre Claire 
de Saint-Point, contre ses trois sœurs et contre les tuteurs de ce 
Gilbert prétendu. 

Des incidents variés et des moins prévus compliquèrent la pro- 
cédure ct y Jouèrent presque au hasard la fortune des parties. Dix 
arrêts peut-être du Parlement de Toulouse préjugèrent la ques- 
tion d'état dans un sens, ct dix arrèts dans un autre. On a vu déjà 
celui que rapporte Cambolas el qui accordait à Julien, mort pen- 
dant le feu de ces débats, l'honneur de recevoir sa sépulture dans 
le tombeau de la maison de la Tour. 

Marcelin de Hautvillar était en cause et ne se bornait pas à 


MAISON DE ROCHEFORT D’ALLY 179 


assister Claire de Saint-Point, sa femme. Il demandait qu'on lui 
remboursät tout ce qu'il avait dépensé pour la nourriture, l’entre- 
tien et l'éducation de cet enfant. 

Des deux tuteurs donnés au soi-disant Gilbert, l’un, Claude de 
Saint-Haon, n'était rien de moins qu'un des dix-huit barons du 
Velay, ct le mème sans doute, bien que ces changements de situa- 
tion soient difficiles à expliquer, que ce commandant pour le roi, 
au château de Naussac, à qui, en 1585, Saint-Vidal et sa fémime 
écrivaient des lettres de confiance ct d'amitié. Or, ce rôle de 
tuteur d'un enfant d'origine suspecte, il l’excrçait de la manière 
la plus agressive, car, non seulement il soutenait par tous les 
moyens sa légitime filiation et demandait en son nom, au prin- 
cipal, l'hérédité d'Antoine de la Tour, et, au provisoire, de grosses 
sommes d'argent et la jouissance des biens, mais encore il s'était 
emparé du château de Saint-Vidal, des meubles et des titres qui 
s y trouvaient, ct avait mis des saisies sur les terres et revenus 
du Gévaudan. Il fit autre chose encore pour donner à la préten- 
tion de cet enfant un argument qui pouvait être comme le témoi- 
gnagc du pays lui-même, il demanda aux États du Velay, dans 
leur session de 1606, que l'envoyé de son pupille y fut reçu ; mais 
les États comprenant le parti qu'on tirerait de ce préjugé, s'y 
refusèrent, sinon en déniant franchement à Julien sa qualité de 
fils légitime et d’héritier d'Antoine de la Tour, ce qui eut été un 
préjugé inverse, au moins en voilant leur véritable pensée der- 
rière une de ces fins de non recevoir, familières aux assemblées 
délibérantes de ce temps, en déclarant informe la procuration 
donnée par Gilbert, à Toulouse, le 22 octobre précédent !. 


4. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaux des États; — Arnaud, Histoire 
du Velay,t. IE, p. 93. Nous n'avons pas voulu répudier l'analyse d'Arnaud, mais la 
délibération, d'après l'extrait qu'en fit pour nous, M. l'archiviste, en 1857, est beau- 
coup plus significative : « Les États délibérant sur la séance requise et demandée 
« par les sieurs de Saint-Haon et Chanderasse, sieur de Soleillac, tuteur du sieur 
« Gilbert de la Tour, sieur de Saint-Vidal contre noble Jehan-Antoine de la Tour, dit 
« de Saint-Vidal de Rochefort-d'Ally, héritier de feu Messire Antoine de la Tour, sei- 
« gneur de Saint-Vidal, son grand-père, et après les avoir fait sortir ensemble, Jean Ber- 
« hard, docteur et avocat, commis du sieur de Lardeyrol, et que chacun d'eux a eu re- 
«a présenté toutce que bon lui a semblé, ont arrêté que, attendu que ledit noble Jehan 
a Antoine de la Tour dit de Saint-Vidal avait ci-devant toujours assisté aux dits 
« États, et envoyé son Corhwis et Député, il demeurerait en sa séance accoutumée 
« devant les présents États, et ce sans préjudice du droit des parties, octroyant au 


180 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Et comme s'il n'y avait pas encore assez de noms honorables 
compromis dans cette affaire, on y attire le plus grand nom du 
pays. L'enfant allait mourir et avec lui le scandale aussi bien que 
l'intérêt du procès. Mais non, on imagine, chose incroyable si elle 
n'était la vérité judiciaire! de lui faire choisir pour héritier, à lui 
pris à l'Hôtel-Dieu de lu ville du Puy, Gaspard-Armand, vicomte 
de Polignac, qui consent à Jouer son rôle dans cette triste comédie, 
qui accepte cette étrange succession, ce legs d’un odieux men- 
songe, non pas par cupidité évidemment, mais pour satisfaire les 
ressentiments de sa maison contre la maison de Saint-Vidal! 
Ceux qui conçurent l'idée de ce testament ne pouvaient avoir, en 
effet, d'autre but que d'abriter la fraude sous une haine et de four- 
nir des représailles contre les condamnations dont de Chaste avait 
été l'objet, en 1591, après la mort d'Antoine de la Tour. 

Tout vint finir devant les maîtres des requètes ordinaires de 
l'hôtel du roi. L'arrêt du 27 septembre 1612 déclare que Julien 
avait été supposé par le baron de Saint-Vidal, après le décès de 
son fils Gilbert, en l'absence de Claire de Saint-Point, sa femme, 
et néanmoins condamna celle-ci, pour avoir fu et célé la dite sup- 
position d'enfant, d aumuüner la somme de trois cents livres, appl- 
cable à la nourriture des enfants de l'hôpital du Puy, et trois cents 
autres livres en œuvres pirs, releva Henri de la Tour, sieur de 
Montvert, de toutes les reconnaissances qu'il aurait pu faire dudit 
Julien, en déboutant les tuteurs et le vicomte de Polignac, héritier 
sous bénéfice d'inventaire, de toutes leurs prétentions; maintint 
Claire d’Ally, comme tutrice de Jean-Antoine de Rochefort, son 
fils, dans la propriété et possession de tous les biens dont le baron 
de Saint-Vidal avait pu disposer lors de son décès, en condamnant 
les tuteurs ct le vicomte de Polignac à se désister de tout ce qu'ils 
auraient trouvé ou pris dans cette hérédité, meubles, créances, 
titres et papiers, et cependant sans restitution de fruits ni dom- 
mages-intérèts ". Hälons-nous d'ajouter que par une transaction 


“ surplus acte aux susdits sieurs tuteurs des réquisitions par eux faites tant pour 
« leur décharge, que leur servir en ce qu'ils verront à faire; ayant Monseigneur le 
« Vicomte Président fait venir le dit noble Jean-Antoine de la Tour et les tuteurs, 
« et fait entendre la délibération, auraient, les dits tuteurs, dit qu'ils se pourvoiraient 
«“ contre icelle comme bon leur semblerait, s'étant, le dit sieur de Saint-Vidal assis. » 

4. Voir pour les autres dispositions de l'arrét les Œuvres d'Henrys. Édition de 1738, 
t. 11, p. Jav. 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 181 


du 25 janvier 1621, la veuve d'Ally et le vicomte se réglèrent 
amiablement à cet égard. 

D’autres intérêts non moins sérieux entre le sieur de Montvert 
et ses neveux, les Rochefort d’Ally, étaient aussi engagés dans ce 
procès. Depuis le testament fait par Guillaume, le 7 avril 1488, 
une partie des biens de la maison de la Tour se trouvait grevée de 
substitution, et après avoir chassé de la famille l'étranger que la 
fraude y avait introduit, il s'agissait de savoir de quelles terres le 
dernier baron de Saint-Vidal avait pu disposer en faveur des 
enfants de sa fille Claire et au préjudice de son frère Henri. C'est 
ce que décident l'arrêt déjà cité et un arrèt postérieur également 
rendu aux requêtes de l'hôtel, le 13 mai 1616, mais par des dis- 
positions compliquées et obscures dont l'analyse serait difficile et 
reste sans importance historique ‘. Il suffit d'en retenir que cette 
substitution ne portant pas sur la baronnie même de Saint-Vidal, 
les Rochefort d'Ally n'avaient rien à craindre pour elle, et que le 
démembrement de l'hérédité qu'obtenait le sieur de Montvert, ne 
pouvait affecter que ces seigneuries d'Eynac, le Villar et autres 
annexes, qui déjà lui avaient été expédiées par la transaction du 
12 août 1595. Seulement, pour arriver au partage et à une liqui- 
dation définitive sur ces bases à peine indiquées, pour opérer le 
prélèvement des légitimes des cadets, payées par les aînés des 
deux générations, pour se régler sur les dots des deux Françoise 
d’Albon, pour distraire des biens substitués les acquisitions qui y 
avaient été jointes, les grosses réparations qui y avaient été faites, 
il fallait y mettre une bonne volonté bien rare après de si vifs 
débats et à une époque -où les affaires contentieuses n'avaient 
jamais de fin. Nous supposons cependant que dans une transaction 
du 1‘ octobre 1640 *, Henri de la Tour, très avancé dans la vie, 
à qui il ne restait qu'une fille mariée dans la maison de Bonne- 
ville, consentit à ce que la seigneurie du Villar rentrât après lui 
aux mains de Pierre-Antoine de Rochefort d'Ally, son petit neveu, 
car on ne saurait expliquer d'une autre manière comment cette 


{. On trouve ce dernier arrêt dans Henrys, t. IIF, p. 471. 

2. Cette transaction, visée, mais sans aucune indication de son objet, dans un 
arrêt du 2 juillet 1703, confirmerait ou détruirait nos conjectures. Nous en recom- 
mandons la recherche aux jeunes érudits qui s'intéressent à ces études. 


182 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


seigneurie serait revenue aux barons de Saint-Vidal, de la maison 
de Rochefort. | 

Pendant que se débrouillait peu à peu la trame de tant de rui- 
neuses procédures, la mort faisait des vides dans cette maison. 
L'aieule maternelle, Claire de Saint-Point, surv'vait à Marcelin 
de Hautvillar, son second mari décédé vers 1606. Sa fille, Anna de 
Saint-Vidal, s'était séparée d'elle, non pour le monde, mais pour 
devenir religieuse au Puy, en lui laissant sa fortune par un testa- 
ment du 16 juillet 4602. En 1595, elle avait, usant de la liberté 
que lui avait donnée son premier mari, appelé son petit-fils Jean- 
Antoine à recueillir l'héritage des la Tour, et celui-ci parait avoir 
terminé sa carrière en 1625 sans avoir contracté d'alliance, mais 
non sans avoir pris quelque part, comme baron de Saint-Vidal, 
aux affaires publiques du pays, puisque les procès-verbaux des 
États du Velay ‘ constatent sa présence aux assemblées des années 
1606, 1617, 1620 ct 1624. 

Il eut pour successeur, un cadet, Pierre-Antoine, que Claire de 
Saint-Point, l'aicule, par un second exercice de son droit d'élire, 
investit de l'hérédité, en vertu d'un acte du 18 juillet 1625 et qui, 
pour se conformer à la volonté si formellement exprimée dans 
le testament du gouverneur, dut prendre, comme avait fait son 
frère, le nom ct les armes de la Tour Saint-Vidal. Les généalo- 
gistes lui donnent le titre de gentilhomme ordinaire de la Chambre 
du Roi ct ne donnent à sa vie qu'une durée d'un peu moins de 
soixante ans, car ils fixent sa naissance au 26 juillet 1600 et sa 
mort, au cours de l’année 1659. Il assista aux États en 1627, en 
1633, en 1658 *, mais sans y laisser de grandes traces, et c'est 
plutôt dans les affaires de la baronnie qu'il a dépensé son exis- 
tence. De son premier mariage, contracté le 16 septembre 1628” 


1. Voir ces procès-verbaux aux archives de la Haute-Loire. — Arnaud, Histoire du 
Velay, t. U, pp. 93, 105, 113 et 123. — Le procts-verbal de l'année 1606 constate que 
Jean-Antoine avait déjà siégé, ce qui suppose qu'il avait été recu bien jeune aux 
États, puisqu'il n'était né que le 22 avril 1589. 

2. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaux des États; — Arnaud, Histoire du 
Velay, t. I, pp. 125, 151, 194. 

3. Parle contrat de mariage de Pierre-Antoine de la Tour, dit de Saint-Vidal, et 
de Rochefort d'Ally, seigneur et baron de Saint-Vidal et vicomte de Beaufort, avec 
Marguerite de Chäteauneuf, fille de Hugues, baron de Rochebonne, et de dame Fran- 
coise des Serpens, il fut constitué à l'épouse une dot de 30,000 livres, et Claire de 
la Tour fit remise à son fils, futur époux, de l'entier fideicommis de la maison de 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 183 


avec Marguerite de Châteauneuf, fille de Hugues. baron de Roche. 
bonne (au diocèse de Viviers), et de Françoise des Serpens, il eut 
un fils, Hugues-Joseph, qui continua la lignée des barons de Saint- 


Saint-Point qui lui avait été transmis à elle-même par Claire de Saint-Point, sa 
mère, suivant acte du 10 juin précédent. De plus, Claire de Saint-Point donne audit 
Pierre-Antoine de la Tour, son petit-fils, une somme de 10, 000 livres payable dans 
les deux années qui suivront son décès. Et Claude de Rochefort d'Ally (branche de 
Saint-Point) se départit en faveur de son frère Pierre-Antoine de tous droits dans la 
succession de la maison de Saint-Vidal, la dame Claire de Saint-Point s’obligeant à 
faire valoir cet abandon. — Enfin, Ysabeau de Rochefort d'Ally, sa tante, lui LL dona- 
tion d'une somme de 12,000 livres payable après son décès. 

Nota. — Parmi les personnes présentes, le contrat de mariage mentionne messire 
Claude des Serpens, comte de Gondras, Rochebaron, seigneur de Saint-Pal, Ambert, 
Tiranges et autres places. | 

21 février 1656. — Contrat de mariage de Hugues-Joseph de la Tour de Saint-Vidal, 
fils de haut et puissant seigneur messire Pierre-Antoine, seigneur et baron de Saint- 
Vidal, d'Ally, la Rochette, vicomte de Beaufort, et de défunte Marguerite de Château- . 
neuf, demeurant présentement au château de la Rochette, avec Jeanne-Simonne 
d’Apchon, fille de défunt Guillaume d'Apchon, seigneur de Tournouelle et autres 
places, et de vivante Alix d'Entroche. Sur la dot de la future fixée dansle contrat de 
mariage de Gabrielle d'Apchon, sa sœur Germaine avec messire Charles de Mont- 
chalat, 25,000 livres seront payées à Laurent de La Vauhé, scigneur de Chévrières, 
pour les droits légitimaires de Francoise de Rochefort d'Ally, sa femme. — Hugues 
Joseph, pour remplir les conditions de son mariage avec Marguerite de Châteauneuf 
qui étaient de laisser la terre de Saint-Vidal et ses dépendances à celui des enfants 
mäles nés de ce mariage qu'il voudrait choisir, la donne au futur son fils en toute 
propriété en y comprenant ce qui lui est dû sur la maison de Soleilhac pour raison 
de quoi il y a procès au parlement de Toulouse. Il se départ au profit de son dit fils 
de tout usufruit sur ladite terre de Saint-Vidal, de même que sur celle d'Ally, en 
s'engageant à garnir de meubles l'une des deux pour que les époux y puissent habiter. 
Et au surplus des biens qu'il délaissera il institue ses deux fils héritiers par égales 
portions, à condition que s'il peut partager, celui du second lit rapportera ce qu'il a 
déjà recu. 

{cr octobre 1640. — Transaction faite au Puy, dans la maison et en présence de 
messire Hugues Pradier, conseiller du roi et magistrat en la sénéchaussée du Puy, 
entre messire Bertrand de la Tour de Saint-Vidal, seigneur et baron de Montvert, le 
Villar, Eynac, Montusclat et autres places, fils et héritier sous bénéfice d'inventaire de 
feu messire Henri de la Tour et messire Pierre-Antoine de la Tour de Rochefort 
d'Ally de Saint-Vidal, seigneur et baron de Saint Vidal, Ally, la Rochette ct vicomte 
de Beaufort, petit-fils et héritier substitué de feu messire Antoine de la Tour de Saint 
Vidal, vivant gouverneur du pays de Velay et Gévaudan, et frère dudit Henri, par 
laquelle il est accordé sur l'exécution des arrèts rendus aux requêtes de l'hôtel les 
271 septembre 1612 et 13 mai 1613 et même sur les testaments de feus messires Gim- 
bert et Lambert de Goudet, Hugues et Dragonnet de la Tour : 1° que le seigneur de 
Montvert demeurera en possession, comme il a été ci-devant, des terres du Villar, 
Eynac, Montusclat et Montvert, telles qu'elles se composent actuellement, mais sans 
ÿ comprendre les seigneuries de Barges, Goudet, Petit Goudet, Beaufort, lesquelles 
avec les lerres de Saint-Vidal, Blanzac et Fontanes, avec leurs dépendances, restent 


184 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Vidal, et quatre filles : Françoise, mariée en 1656 à Laurent de la 
Vauhé, seigneur de Chévrières, en Lyonnais ‘; Marie, religieuse à 
Brioude; Claire, religieuse, à la Vaudieu; Isabelle, religieuse au 
couvent de Notre-Dame du Puy; et de son second mariage, con- 
tracté le 14 novembre 1648, avec Margucrite de Genestoux, un 
seul enfant, Claude-Vidal de Rochefort, qui forma la branche des 
seigneurs de Prades. 

Cette seconde femme qui traversa près d’un siècle, car, née en 
1607, elle ne mourut qu'en 1706, était fille de Guillaume Thier de 
Génestoux, seigneur de la Bastide, et de Marie de Presle de 
Vausche, dame de La Tourctte. Elle était veuve de Gabriel Ber- 
trand, scigneur de La Prade, le Pradel, le Thiolent et Pompéran, 
qui lui avait laissé tous ses biens. C'était donc un riche mariage 
pour Pierre-Antoine de Rochefort d'Ally; mais cette fortune ne 
. devait profiter qu'à son fils du second lit, c’est-à-dire à la branche 
de Prades, et n'ajoutait rien à celle du fils du premier lit appelé 
naturellement à la baronnie de Saint-Vidal. Lui-même ne semble 
pas y avoir beaucoup pris pendant ce second mariage pour les 
nécessités de sa maison, puisqu'il vendit, en 1645, à Robert Jour- 
dain, ces seigneurics de Barges et de Beaufort, berceau des la 
Tour ou provenues de l'ancienne maison de Goudet et que le 
gouverneur avait fait ériger en vicomté *. 

On sait bien qu'avant la Révolution, l'égalité absolue entre les 
enfants n'était pas, dans les familles, la règle des partages; maisil 
n'est vrai, ni pour les la Tour, ni pour les Rochefort d’Ally, que 
tous les biens passassent au fils aîné. Si Pierre-Antoine eut, pour 
sa part, la baronnie de Saint-Vidal et, en général, les terres du 


audit Picrre-Antoine, seigneur de Saint-Vidal ; 2° qu'il sera payé audit messire Ber- 
trand de la Tour pour toutes ses autres prétentions, même en ce qui concerne la 
succession de Francoise d'Albon, sa grand'mère, dont ils se tiennent quittes, une 
somme de 3,000 livres sans que le seigneur de Saint-Vidal puisse rien réclamer du 
seigneur de Montvert à raison des légitimes d'Antoinette et Louise de la Tour, non 
plus que de ce qui pourrait être dù à Claire de la Tour, dame de Vauzeilhes; 3 qu'ils 
se tiennent également quittes pour tous les frais... 

{. Ils eurent pour gendre Audrant de Langiron, marquis de Maulevrier, père du 
maréchal de Maulevrier. 

2. Le fait de cette aliénation est attesté par le Réperloire général des hommages 
rendus aux évèques du Puy, feuillet 34, aux Archives de la Haute-Loire. La vente est 
du {1 septembre 1645, par conséquent antérieure au second mariage de Pierre- 
Antoine avec Marguerite de Génestoux; elle est au prix de 25,000 livres. 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 185 


Velay, Aimar succéda aux seigneuries patrimoniales d'Auvergne 
et y continua la branche aînée sous leur titre ordinaire de barons 
de Jozerand. Et Claude, le troisième fils, auteur de la branche de 
Saint-Point et des barons de Cénaret, fut le grand héritier de son 
aïeule et eut à peu près tous les biens du Mâconnais et du Gévau- 
dan. Ce règlement, auquel travaillèrent, ensemble ou séparément, 
Claire de Saint-Point et Claire de Saint-Vidal qui vécurent, ce 
semble, jusqu’en 1636, obtint la sanction définitive de la justice 
après de nouveaux procès dont on ne peut avoir l'intelligence 
qu’en passant par l'aridité de quelques détails généalogiques. 

Ce Claude de Rochefort d’Ally, deuxième du nom, né seulement 
en 14604, l’année même de la mort tragique de son père, fit son 
testament, le 22 mars 1660, et mourut le 27 juillet 1668. Claire de 
Saint-Point, qui l'avait sans doute élevé, manifesla de bonne heure 
sa prédilection pour ce petit-fils. Elle le maria, le 13 avril 1633, 
avec Anne de Lucinge, et on peut penser que si elle ne lui assu- 
rait pas par ce contrat même une partie notable de sa fortune, elle 
y pourvut par son testament du 16 juillet 1668. Déjà, en 1652, il 
avait siégé en personne, comme baron de Cénaret, aux États de 
Gévaudan, ce qui suppose qu'il tenait de son aïeule un titre aux 
biens qu'il possédait dans ce pays. Il était chevalier de l'ordre du 
roi et laissa sept enfants, dont nous mentionnons deux filles : 
Marie-Victoire, qui épousa Charles de La Garde, marquis de Cham- 
bonas ; Marie-Françoise, mariée, en 1690, à Pierre de Laurencin, 
comte de Bussière, et un fils, Jean-Baptiste, comte de Saint- 
Point, marié le 12 novembre 1664 à Catherine Brulard de Sil- 
lery, en faveur de laquelle il fit son testament, le 13 juin 1672. 
Les enfants de Jean-Baptiste furent : Charlotte-Félicie, mariée à 
Claude Ferrière de Montcoil, président de la Chambre des comptes 
de Franche-Comté, ct Jean-Amédée, mort le 2ÿ décembre 1734, 
mais qui, de son mariage avec Jeanne-Marie Charrier, contracté 
le 25 juillet 1690, laissa Claude-Gabriel-Amédée, dont il n'est pas 
nécessaire de suivre la postérité. 

Telle était cette branche des Rochefort d'Ally de Saint-Point, à 
laquelle la veuve du gouverneur, arrivée à un âge très avancé, 
transmit les terres du Gévaudan, et que la branche des Rochefort 
de Saint-Vidal leur disputa par tous les moyens judiciaires dont 
elle crut pouvoir se servir. 


: 486 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Mais au temps où commença et se poursuivit ce nouveau pro- 
cès, par qui était représentée cette branche de Saint- Vidal? 

À la mort de Pierre-Antoine, arrivée en 1659, la baronnie pas- 
sait au fils du premier lit au moins quant à la propriété; mais 
peut-être ne se montrait-il pas très empressé d’en partager la jouis- 
sance avec Marguerite de Génestoux, cette riche veuve qui, tout à 
côté, possédait de son propre chef de beaux domaines, auxquels 
elle ajouta encore le Thiolent, . acquit, le 143 mai 1667, de 
Pierre Bernard, baron de Jalavoux ‘. Quoi qu'il en soit, Hugues- 
Joseph de Rochefort résida au château du Villar bien plus qu'au 
château de Saint-Vidal, et s'il se fait représenter aux États du 
Velay en 1661, il n'y siège en personne, sous le titre de comte 
d'Ally, qu'en 1667 *. Jamais homme de sa race ne semble avoir 
vécu plus paisiblement. Il avait cependant, le 27 février 1676, 
pris sa femme d'une grande maison, Jeanne-Simone d'Apchon, 
fille de Guillaume, scigneur de Tournoëlle, et d’Alix d’Auteroche, 
et de ce mariage naquirent cinq enfants : Pierre-Antoine, qui suc- 
céda à la baronnie de Saint-Vidal: Jean-Antoine, chanoine à 
Brioude; Philiberte, mariée en 1680 à Gaspard d'Estaing; Mar- 
gucrite, mariée à Gabricl de Dicnne; marquis de Chavagnac; 
Charlotte, mariée à Jean d’Aurelle, marquis de Colombines et à 
qui resta la seigneurie du Villar. Hugues-Joseph l'avait ainsi pres- 
crit ct recommandé à sa femme par son testament fait au château 
même du Villar, le 23 janvier 1669, ct dans lequel testament on 
lui donne assez mal à propos le prénom d'Henri. Il mourut le 
1e" mars 1670. 

Pierre-Antoine de Rochefort d Ally, à la mort de son père, 
devint baron de Saint-Vidal et en prit le nom ct les armes ; on le 
sait, c'est à cette condition rigoureuse que se transmettait l'héri- 
tage du gouverneur. Sa présence aux Etats n'est guère signalée 
que pour la session de 1696 et celle de 1709 *. Tout entier à son 
grand procès contre la branche de Saint-Point, il passa probable- 
ment une partie de sa vie en voyages à Toulouse et à Paris. À la 
différence de son père, il résidait dans la baronnie de Saint-Vidal, 


1. Ce fait nous a été indiqué par M. Paul Le Blanc, et il est douteux puisque sn 
mariage de 1648 est fait au Thiolent. 

2. Arnaud, Histoire du Velay, t. K, pp: 196 et 200. 

3. Arnaud, Jistoire du Velay, t. Il, pp. 232, 244. 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 187 


car, un fait de misère publique prouve qu’en 1709, la seigneurie 
du Villar appartenait à sa sœur, Charlotte de Rochefort, marquise 
de Colombine. Le pays élant menacé d’une grande disette, ses 
administrateurs décidèrent, suivant leur usage, en pareil cas, qu'on 
achèterait une certaine quantité de blé pour le revendre ensuite 
aux habitants dans de meilleures conditions, et comme le plus 
riche grenier des environs était celui de Michel Arnaud, fermier 
de la terre du Villar, ordre fut donné au syndic Jean Jerphanion 
de s’y transporter, en compagnie du vicaire-général de l'évêque, et 
s’il vous plaît, du prévôt des archers. Arnaud ouvrit les greniers 
du château, il le fallait bien, et on y trouva deux mille cinquante 
mesures de seigle, pour seize cents desquelles on entra en marché, 
le reste devant lui être laissé soit pour sa propre consommation, 
soit pour celle de la marquise châtelaine jusqu'à la récolte. Mais 
comme il n'y eut pas moyen de tomber d'accord du prix, on con- 
vint que le fermier ferait porter aux prochains marchés du Puy 
et du Monastier une charge de ce seigle, dont la vente servirait 
de règle; et néanmoins, très expresse défense lui fut faite de 
déplacer le blé jusqu'à convention définitive sur le prix, sous peine 
d’être déclaré responsable par toutes les voies de droit ‘. Arnaud, à 
qui nous empruntons cette anecdote, ne dit pas comment se termi- 
nèrent les choses. 

Pour n'avoir plus à revenir sur cette terre du Villar qui avait 
été pendant si longtemps le douaire des veuves, l'apanage ou la 
légitime des cadets de la maison de la Tour, el qu'habitèrent 
même par occasion les barons de Saint-Vidal, où se trouvent 
presque sur toutes les pierres du château Îles armes des la Tour 
et celles des d’Albon, nous ajouterons seulement que Charlotte de 
Rochefort, marquise de Colombine, la transmit à sa fille Hen- 
rielte, laquelle la porta par mariage dans la maison de Montaigu- 
Bouzols. | | 

Le château de Saint- Vidal n'eut pas une plus brillante destinée, 
car lorsque, en 1632, au cours de la dernière guerre de religion, 
Machault vint exécuter en Velay les ordres du grand cardinal pour 
raser toutes ces forteresses, dernier refuge de la féodalité expi- 
rante, l’intendant se contenta d'en retirer trois pièces de campagne 


1. Arnaud, Jlistoire da Velay, t. 11, pp. 246 et 247. 


188 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


assez inoffensives et d'y mettre une garnison, ne lui faisant pus 
l'honneur, quoique bâti par le capitaine de la Ligue, de le croire 
dangereux pour la tranquillité de l'État’. Après avoir essuyé ce 
dédain, le château tomba dans une sorte d'obscurité. Revenons 
donc aux misérables querelles de ses possesseurs. 

Les manœuvres procédurières datent de loin. Tous ces gentils- 
hommes, si braves l'épée à la main devant l'ennemi, étaient, devant 
la justice, des plaideurs rusés et tenaces, comme le sont encore 
aujourd'hui quelques montagnards du Velay. Pour se préparer un 
procès sérieux contre les Rochefort de Saint-Point, les Rochefort 
de Saint-Vidal commencèrent par en simuler un avec les Rochefort 
de Jozerand. Il s'agissait, en mettant à l'écart les arrèts et les tran- 
sactions qui avaient attribué à Claire de Saint-Point les terres du 
Gévaudan, d'en déposséder les comtes de Saint-Point, ses héritiers, 
en soutenant que ces terres ne pouvaient qu'appartenir aux barons 
de Saint-Vidal, comme leur ayant été données et substituées par 
le testament d'Antoine de la Tour, du 16 juillet 1589. Or, comme 
les cousins de Jozeran voulaient bien s'y prèter, on fit décider avec 
eux la question, comme on voulait qu'elle le fût, il y eut un sem- 
blant de litige, suivi d'une sentence arbitrale, à la date du 31 octo- 
bre 1697, confirmée par un arrêt du 2 septembre 1700 qui, co/lu- 
sionnairement, sclon l'expression même de ces vieux papiers, 
donnèrent gain de cause à Pierre-Antoine de Saint-Vidal, car 
c'était lui qui renouvelait ces anciennes prétentions. Plein de con- 
fiance dans ce préjugé, arme assez fragile pourtant, il traduit, dès 
le 7 novembre, le cousin Jean-Amédée, comte de Saint-Point, 
devant le Parlement de Toulouse, pour le faire condamner à se 
désister des terres de Montferrand, Cénaret, Recollettes, Laval, 
Culture, etc., en lesquelles il se serait immiscé sans droits valables. 
à lui en restituer les fruits et revenus depuis son indue possession 
et à lui en remettre tous les titres et documents conformément à 
la transaction passée le 7 août 1623, entre feue dame Claire de 
Saint-Point, veuve et douairière de messire Antoine de la Tour, 
et Jcan-Antoine de Rochefort-d'Ally de Saint-Vidal, son petit-fils. 
Le comte de Saint-Point ne voulant pas courir seul les risques de 
ce procès, appela immédiatement en garantie la dame Catherine 


1. Arnaud, Histoire du Velay, t. 1 p. 159. 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 189 


Brulard de Sillery, sa mère, laquelle, d'ailleurs, comme héritière de 
son mari, jouissait en tout ou en partie, de ces biens du Gévau- 
dan, objet de la contestation. Quelques demandes incidentes furent 
jointes à la demande principale, et le Parlement de Toulouse allait 
avoir à se déjuger, car lorsque Île baron de Saint-Vidal voulut 
s'autoriser de la sentence et de l'arrêt rendus précédemment avec 
la branche de Jozerand, la douairière de Saint-Point et le comteson 
fils y formèrent opposition, en produisant une pièce qui leur ôtait 
toute valeur et qui n’était autre chose qu'une copie de contre- 
lettre à la date du 18 février 1698, par laquelle Picrre-Antoine 
reconnaissait qu'à sa prière, le comte de Jozeran, son cousin, lui 
avait fait passer com promis et sentence arbitrale à l'égard de l’ou- 
verture de la substitution et promettait de ne s’en point prévaloir 
contre lui; mais les Brulard de Sillery et les de Saint-Point avaient 
des amis puissants à Paris et s’en servirent pour faire attirer tout 
ce procès aux requêtes de l'Hôtel, où un arrêt du 30 avril 1706 
débouta le baron de Saint-Vidal de toutes ses prétentions !. 

Cette fois, les Rochefort du Mäconnais restèrent paisibles posses- 
seurs de ces terres du Gévaudan, et si bien qu'Anne-Claudine, la 
dernière de cette branche, porta, par mariage, le 3 octobre 1752, 
la baronnie de Cénaret à Charles-Louis Tètu de Balincourt. 

Ainsi, de cette opulente succession du gouverneur échue aux 
enfants de Claire de la Tour et de Claude de Rochefort d’Ally, 
Pierre-Antoine, après la perte de ce procès en 1706, n’en conser- 
vait plus que la baronnie de Saint-Vidal. Le sang même de 
Hugues-Joseph commençait à s'appauvrir dans sa postérité, puisque 
le petit-fils, Guillaume, né à Saint-Flour le 9 décembre 1694, marié 
en 1716 à Maric-Suzanne de la Volpilière, mourut sans enfant, le 
4 juin 1742. Il entra, le 31 mars 1716, aux États du Velay, où fut 
célébré un service pour son père, assista à ceux de 1724 et se con- 
tenta d'y envoyer un mandataire dans les années suivantes *. En 
1743.les États, selon leur usage, assistèrent à un service, soit pour 
lui, soit pour l’'évèque François-Charles de Béringhen, mort aussi 
dans le courant de l’année *. 

Pendant que cette lignée de barons de Saint-Vidal, sortie du 


1. Documents particuliers. 
2. Arnaud, Histoire du Velay, t. I, pp. 256, 264, 282, 283, 294. 
3. Archives de la Ilautc-Loire, Procès-verbaux des États. 


190 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


premier lit de Pierre-Antoine de Rochefort, l'élu de son aïeule, 
Claire de Saint-Point, en 1625, finissait ainsi sans bruit et sans 
grande distinction, le rameau de Prades, sorti du second lit, pros 
pérait au château du Thiolent. 

Claude-Vidal de Rochefort d'Ally, né en 1649, marié le 12 mars 
1674 à Marie de Julien, cul la fortune de sa mère, Marguerite de 
Genestoux, qui était considérable, et, par acte du 6 mai 1693, 
acquit de Sidoine-Apolinaire, vicomte de Polignac, les entiers 
villages de Mauriac et de la Bauche ‘, voisins de ses autres terres 
dans la paroisse de Chaspuzac. Son fils, Pierre de la Tour de Roche- 
fort, seigneur de Prades el du Thiolent, épousa, le 15 octobre 1707, 
Thérèse de Vogué qui mourut en 1715, et lui-même fit son testa- 
ment le 20 janvier 1724. Ils laissèrent plusieurs enfants : Ilenri, 
qui devint évèque de Châlons; Charles, dit le Chevalier, colonel 
d'infanterie, qui hérita du Thiolent ; Pierre-Joseph, marquis d'Ally, 
qui, de son mariage avec Irène-Marie-Ursule de La Vayssière, 
laissa deux filles, Maric-Irène, épouse d'Antoine de Beauclair et 
morte sans postérité; Henriette, morte jeune aussi, mais lais- 
sant, de son mariage avec Jean-Joscph de Randon de Châteauneuf, 
marquis d'Apchier, des enfants qui furent les derniers barons de 
Saint-Vidal de la maison de Rochefort d’Ally. 

Ceci a grand besoin d être expliqué, car ce n’est pas par succes- 
sion que la baronnie de Saint-Vidal était arrivée de Guillaume, 
décédé le 4 juin 1742, à Pierre-Joseph du rameau de Prades, décédé 
au Puy en 1766. Il y eut de l’un à l’autre un intermédiaire. 

Guillaume n'avait ni enfant, ni frère, ni même neveu de son 
nom, et n’allant pas chercher son héritier dans les branches de 
Saint-Point et de Jozeran, avec lesquelles son père avait été en 
procès et qui ont toujours reproché à sa mémoire cet acte de der- 
nière volonté, il laissa tous ses biens au fils de sa sœur Marguerite, 
à Pierre de Dienne, marquis de Chavagnac, après tout son cousin, 
quoique d'un autre nom que les Rochefort d'Ally. 

Ce Pierre, comte de Dienne, marquis de Chavagnac, devenu 
baron de Saint-Vidal, par le testament de Guillaume, en 1742, nc 
se fit jamais recevoir aux États du Velay, ou du moins rien n'éla- 
blit qu’il s’y soit présenté en personne. Nous ne connaissons de lui 


1. Renseignement fourni par M. Paul Le Blanc. 


MAISON DE ROCHEFORT D'ALLY 191 


‘qu'une lettre autographe, scellée de ses armes, datée d'Ally, le 
30 juillet 14743, ct adressée au R. P. Syndic des Cordeliers du Puy, 
par laquelle il le prie, en assez bons termes d'ailleurs, de lui 
accorder quelques jours pour s'acquitter de ce qu'il doit au couvent. 

La baronnie de Saint-Vidal, pour lui possessionné en Auvergne, 
n'était qu'une terre d'un plus ou moins grand produit. C'était 
autre chose pour un Rochefort de Prades, déjà bien posé en Velay 
par ses domaines du Thiolent et dont les ancêtres avaient siégé aux 
États; c'était ramener dans sa maison la baronnie que Guillaume, 
le dernier descendant du premier lit, en avait fait sortir. Donc 
Pierre-Joseph, marquis d'AIly, par contrat du 22 juillet 1748, l'ac- 
quit de Pierre de Dienne, marquis de Chavagnac, et, en 1754, c'est- 
à-dire six ans après, vint prendre séance aux États, en qualité de 
baron de Saint-Vidal ‘. Le procès-verbal le constate, 2/ remercra 
l'assemblée par un nnliniene et personne n'y siégea plus exac- 
tement dans toutes les sessions qui suivirent. 

Mais la résidence du Thiolent avait pour lui plus de charmes que 
celle de Saint-Vidal. Il tenait au titre de baron du Velay et n'avait 
que faire du fief devenu, par suite de démembrements, moins 
considérable que ses terres patrimoniales. IL vint donc annoncer 
aux États de 1765 qu'il était dans l'intention de vendre Saint- 
Vidal, mais qu’il désirait en retenir le titre de baronnie pour le 
transporter sur sa terre de la Bauche, si l'assemblée y consentait. 
Une commission, dont le doyen du chapitre fut l'organe, donna 
un avis favorable ct les États « empressés de se conserver, parmi 
« les membres de la noblesse, Monsieur le marquis d'Ally, dont 
« la naissance, les talents ct l'attachement au bien du pays sont si 
« généralement connus, déclara qu'elle consentait à ce qu'il se 
« pourvût devant qui de droit pour faire transférer le titre de la 
« baronnie de Saint-Vidal sur la terre de la Bauche ? 

Ce transfert n’eut pas lieu à cette date el de cette façon : mais le 
vieux fief de la maison de la Tour n était pas moins condamné. 
Par contrat passé au Puy, dans son hôtel, le 21 mai 1765, aux 
minutes d'Assézat, Pierre-Joseph de Rochefort, marquis d’Ally, 
seigneur du Thiolent, Vergezac et autres places, avait vendu à 
noble Louis-Augustin Porral les terres et seigneuries de Saint-Vidal 


1. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaux des États. 
2. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaur des États. 


192 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


et Blanzac avec haute, moyenne et basse justice de toutes leurs 
dépendances consistant en un château, deux moulins à blé, prés, 
champs, jardins, vergers, bois, rentes constituées, sans en rien 
retenir si ce n estle droit d'entrée aux États du Velay, qui demeure 
expressément réservé au vendeur, pour le prix et somme de 
130.000 livres payables, partie à divers créanciers indiqués, partie 
au marquis d'Ally lui-même, et à la charge pour l'acquéreur de 
servir deux fondations, l'une de 60 livres à l'église paroissiale de 
Saint-Vidal, l'autre de 40 livres aux Pères Cordeliers. 

Il était né le 10 octobre 1708, il mourut au Puy en 1766, n'ayant 
acquis la baronnie de Saint-Vidal que pour en jouir pendant 
quelques années et la revendre en s’en réservant le titre. 

Ce titre ainsi séparé du domaine utile ne pouvait conserver sa 
valeur qu'à la condition d’être transféré d'après des règles propres 
aux pays d'État, sur une autre terre noble également située en 
Velay et d'un revenu au moins égal. Les filles et les gendres du 
marquis d'Ally, ou, pour mieux dire, les enfants d'Henriette à qui 
il était échu, n'ayant pas intérêt à s'en servir dans ces condi- 
tions, leur père, Jean-Joseph Randon de Châteauneuf, marquis 
d'Apchier, baron des Etats de Gévaudan et des États-Généraux de 
Langucdoc, mestre de camp de cavalerie, le vendit, par contrat 
reçu Assézat, notaire au Puy, le 29 février 1787, au prix de 
&,000 livres. à haut et puissant seigneur Jacques-Charles de Pol- 
lalion, chevalier, seigneur de Glavenas, Mortesaigne, Meyssiniac, 
Le Pertuis, Le Champ et autres places . 

Lorsque, résumant cette durée historique de cinq siècles, on voit 
la baronnie de Saint-Vidal sur laquelle vivait Hugues de la Tour, 
peu après 1269, élevée à un si haut degré de puissance et d'orgueil 
pendant les guerres civiles et, après le redoutable gouverneur qui, 
par tous les moyens, l'avait voulue éternelle, traverser tant de 
scandales judiciaires sous la maison de Rochefort d’Ally, pour 
venir ensuite, seule entre toutes les baronnies du Velay, perdre 
jusqu’à son nom et mourir avant l'heure, on est saisi d'une pro- 
fonde tristesse et on se demande, eu s'inclinant devant la justice 


4. La minute de cette vente est au Puy, et quant aux droits des enfants du marquis 
d'Apchier sur la succession de Pierre-Joseph de Rochefort, marquis d'Ally, leur aïeul 
et, par conséquent, sur le titre de la baronnie de Saint-Vidal, nous en devons l'expli- 
cation à M. Paul Le Blanc. 


; La 
_ MAISON DE ROCHEFORT D ALLY 193 


de Dieu, si une semblable humiliation ne serait pas un châtiment, 
l'expiation, quoique à long terme, de la fraude de Julien, du sac 
de Marvejols et des sanglantes vesprées de Tence ct de Saint-Pal- 


de-Monts. | 


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MAISON DE POLLALION 


l''azur à trois bandes d'or au double chef, l'un d'azur 
a trois étoiles d'or, l'autre de queule au lion d'or. 


III 


MAISON DE POLLALION 


À vrai dire, ce n’est pas la baronnie de Saint- Vidal qui continue, 
cest la baronnie de Glavenas qui commence. Mais comme l’une 
se substitue à l’autre dans un milieu d'institutions provinciales 
qui ne permettaient pas d'en augmenter le nombre, leurs desti- 
nées doivent rester réunies pour le peu de temps qu’elles ont à 
vivre. 

Le roir massif de rochers ct de sapins qui, de Bonneville et de 
Queyrières s'étend jusqu’à l'ancienne commanderie de Bessamorel, 
divisait le Velay, dans la géographie du moyen âge, en deux 
régions : celle d'en dec et celle d'au delà les bois, ainsi nommées 
dans les vieux titres, et qui aujourd'hui forment à peu près les 
deux arrondissements du Puy ct d'Yssingeaux. Au point où ce 
relief d’une forèt qui renaît sans cesse sous la hache incline vers 
là Loire ses versants mouvementés. s’attriste sur ses ruines le vil- 
lage de Glavenas, dont l’église paroissiale était à la collation des 
seigneurs. Cette seigneurie, à laquelle le péage du Pertuis donnait 
une grande importance en la rendant en quelque sorte maîtresse 
du col, couvrait un vaste territoire et ne s'arrètait guère au nord 
qu'aux limites du fleuve. Trois frères, Maurice, Pons et Guigon de 
Glavenas, en rendirent ensemble l'hommage à l'évèque Bernard 
Cn 1234, et on les retrouve presque à la même date établis dans la 
baronnie de Lardeyrol, leur résidence préférée. Ce délaissement 
devint fatal au ficf patrimonial : on y taillait à chaque génération 
des dots pour les filles, des légitimes pour les cadets, afin de con- 
Server plus entière la nouvelle baronnie, et c'est ainsi qu’en allant 
PAT mariage dans la maison de la Tour Saint-Vidal, Girine de 


196 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


Glavenas y porta au xun° siècle une pagésie dépendante de cet 
ancien fief, laquelle, dit un hommage de 1389, va du chdleau 
Jusqu'à la Loire, pagésie ou parérie et ensemble leur part dans le 
péage du Pertuis, pour lesquels stipulait Antoine de la Tour dans 
une transaction du 30 juin 1567 entre lui, le baron de Lardeyrol 
et les seigneurs d'Eynac, au sujet des limites de ces divers mandc- 
ments ‘. En 1628, Marc de Polignac, baron de Lardeyrol, vendait à 
César de Sanhard tout ce qui lui restait dans la terre de Glavenas, 
à l'exception de certaines parties de bois; et, de morcellement en 
morcellement, ce ficf était sorti tout entier de la maison de ses 
ancicns possesseurs. La première maison de Glavenas elle-même 
s'élait éteinte dans la baronnie de Lardeyrol un jour où elle élait 
tombée en quenouille. 

Mais un de ces débris avait été recueilli on ne sait à quel titre 
par une famille Cottcl, noble peut-être, qui en tous cas portait 
d'asur, à la fasce d'or, accompagnée de trois étoiles de méme et en 
pointe de trois croissants d'argent *, et dont nous avouons à regret 
n'avoir pu découvrir l'origine. Pierre Cottel n'en était pas moins 
scigneur de Glavenas ou d'une partie de Glavenas vers la fin du 
xvi' siècle, et c'est en épousant Catherine, sa fille unique, que Claude 
Pollalion vint faire une nouvelle maison de Glavenas en Velay. 

Les Pollalion sont sortis de Bouzols en Gévaudan. Sans rien 
demander aux nobiliaires * qui déroulent leur généalogie, on peut 
s’en tenir au procès-verbal des États de l'année 1788, où ils curent 
à faire et où ils firent, sur production de litres, une preuve de 
noblesse de neuf degrés excédant de beaucoup toutes les exigences 
réglementaires *. Le rédacteur de ce procès-verbal ou du moins 
l'honorable syndic Jerphanion qui le dictait devait s’y complaire, 
puisqu'il y retrouvait une alliance de sa propre maison : Anne de 
Pollalion, fille de Claude et de Jeanne de Sanhard, s'était mariée, 
lc 28 octobre 1665, à Antoine Jerphanion, écuyer, seigneur de 


1. Archives de l'Empire, Inventaire des litres el papiers relatifs à la seigneurie du 
Villar. Lettre n° 1860, Voir pour tous ces faits la Monographie de Lardeyrol. 

2. Lainé, Archives de la noblesse de France, tome IFE. 

3. Lainé, Archives de la noblesse de France, tome HI. — D'Aubais, tome 11, p. 234. 
— Dominique Garde des Fauchers, Cataloque de la noblesse du Velay, p. 159, — 
Bouillet, Nobiliaire d'Auvergne, tome V, p. 151. 

4. Archives de la Haute-Loire, Procès-verbaux des Élats. Ce procès-verbal de 178$ 
a d'ailleurs été imprimé, et nous en possédons un exemplaire. 


MAISON DE POLLALION 497 


Saint-Julien et de la Chazotte, fils d'Hector, docteur ez-droit, 
châtclain de la baronnic de Saint-Maurice-de-Lignon ct de Marie 
de Brossier de Darnapsal. 

Dans ses deux branches, la maison de Pollalion a suivi à la fois 
la carrière des armes et celle de la magistrature, donnant à l’une 
des officiers distingués, des commandants de place, des chevaliers 
de Saint-Louis, et à l’autre des conscillers de la sénéchaussée du 
Puy, des secrétaires du roi, des échevins de la ville de Lyon, des 
membres de la cour des comptes de Grenoble. 

Gervais, un des fils de Pierre de Pollalion, I‘ du nom, et de 
Marguerite de la Gohère ou de la Gouhire, suivant quelques-uns, fut 
l’auteur d'une branche établie dans l'Ile-de-France que nous lais- 
serons à l'écart, puisqu'elle devint étrangère au Velay. Mais peut- 
être était-ce de ce Gervais qu'était veuve en 1585, ainsi que le dit 
Arnaud‘, Catherine de Colomb, à la piété de laquelle les religieuses 
de Catherine de Sienne durent leur établissement dans la ville du 
Puy, en 1605. 

L'aîné des fils de Picrre, qui porte le nom dlstendee, avait 
épousé, en 1547, Catherine Crouset, et c'est probablement par 
suite de cette alliance qu'il fit partie. de l’échevinage de la ville de 
Lyon en 1576 et en 1577. François, un de leur fils, qui s'était marié 
avec une dame d'honneur de la duchesse d'Orléans, était gentil- 
homme de Louis XIII avec rang et séance dans ses Conseils, car le 
roi, les Turcs menaçant alors la chrétienté, l'avait envoyé à Raguse 
en 1626, pour remplir une mission épineusc ct dans laquelle il 
réussit, mais pour mourir à Rome à son retour. 

Claude I‘ du nom, qui avait succédé à son père Alexandre 
comme seigneur de Villar et de Bouzols, fait prisonnier dans les 
gucrres civiles, dut, pour payer une rançon de 10,000 livres, se 
résigner à vendre ses terres, et quittant alors le Gévaudan, il vint 
se relever de cet échec en Velay, en épousant, le 28 septembre 1588, 
Catherine Cottel, dame de Glavenas. En 1607, il avait été avec 
Christophe d'Apchier et Courton de Chabannes, un des trois tuteurs 
honoraires du jeune de Beaufort, marquis de Canillac, et en cette 
qualité avait rendu hommage à la princesse de Lorraine, duchesse 
de Mercœur. Une pièce historique constate sa présence au Puy le 


1. Arnaud, /lisloire du Velay, t. WH, p. 90. 


198 LA BARONNIE DE SAINT- VIDAL 


16 juillet 1589, puisqu'il fut au nombre des témoins qui assistèrent 
à l'acte de souscription du testament mystique d'Antoine de la 
Tour, ce qui suppose qu'il vivait en termes d'amitié et de confiance 
avec le gouverneur des deux pays de Velay et de Gévaudan. Un de 
ses fils, Jean de Pollalion, avait été nommé aumônier de la reine 
en 1623 ct sa fille Gabrielle, par une règle de conduite qui devint 
héréditaire, s'unit à Picrre de Chastel de Condros, un des seigneurs 
du voisinage. 

La noblesse, quand elle échappait aux périls de la guerre, reve- 
nait bien aux foyers domestiques se refaire et puis mourir, Mais 
aux jeunes années et mème à l'âge mür, elle était plus souvent 
en Flandre, en Alsace, en Catalogne ou en Italie, selon la fortune 
des armes et la volonté du roi. Claude de Pollalion, IF du nom, 
qui, le 43 décembre 1627, avait épousé Jeanne de Sanhard, dont le 
père Picrre de Sanhard était co-seigneur du beau domaine de Mor- 
tesagne, ne servait pas moins à l'armée d'Italie, dans l'escadron 
de volontaires que commandait le comte de Roussillon, et une lettre 
du comte de Schomberg, du 18 juin 1638, l'appelait près de lui au 
siège de Saluces. Le 27 août 1616, il recut un brevet de capilaine 
d'infanterie. Un de ses fils, Jean-Baptiste, capitaine au régiment 
d'Enghien, se fit bravement tuer à la bataille de Senef, en 1630. 

Claude T° entra en possession de plus de terres que n'en avai 
son aïeul. 11 se qualifiait seigneur de Glavenas, de Mortesagne, du 
Champt, de Condros et autres lieux. Pourvu d'abord d'une compa- 
gnie de cent hommes, il tourna bientôt à la toge et devint conseiller 
à la sénéchaussée du Puv. Il avait épousé Antoinette de Bernard, 
par contrat du 27 octobre 1658, et ses deux fils cadets, l'un, le 
chevalier de Glavenas, l'autre le chevalier de Mortesagne, furent 
‘capitaines de cavalerie dans les régiments de Narbonne et de 
Châtcaumorand, majors même dans le régiment de Villar, cheva- 
liers de Saint-Louis, et moururent au service. 

L'ainé, Dominique-Claude-François de Pollalion, courut moins 
de hasards. 11 épousa, le 47 août 1685, Louise de Beaulieu du Mazel, 
fort ancienne maison du pays ‘. Noble Jacques Mijolas, qui tenait 
de lui quelque bien en franc fief, lui en fit hommage le 21 août 1689. 


1. Cette maison est, croyons-nous.la môme que celle indiquée sous le non de Baulieu 
par D'Aubais, tome 1er, p. 50, par Garde des Fauchers, p. 142 et par le P. Goussencourt 
dans le Marlyrologe de l'Ordre de Malte, tone I°r, p. 53. 


MAISON DE POLLALION 199 


Son fils Jean-Antoine, cornette dans un régiment de cavalerie 
en 1709, après une ou deux campagnes quitta le service à Ja paix 
et, par contrat passé au Puy, le 27 décembre 1712, épousa Marie- 
Anne de Fillère du Charrouil, fille du seigneur du Charrouil, 
chevalier de l'ordre de Saint-Louis. Son fils, le chevalier de Gla- 
venas, officier en 1734 au régiment de Limousin, capitaine en 1747 
au régiment de Montmorin, s'était trouvé à la bataille de Fontenoy 
et se retira du service en 1757, avec la croix de Saint-Louis. 

Charles-Bénigne de Pollalion, héritier de sa maison, élevé parmi 
les cadets gentilshommes de Metz, nommé lieutenant au régiment 
de Ponthieu en 1734, se maria le 20 février 1747, avec Anne- 
Claudine de Veyrac de la Valette, fille du baron de Lardeyrol. 

Jacques-Charles, car nous touchons aux contemporains, entra 
comme sous-licutenant au régiment d'Auvergne, y servit comme 
lieutenant en 17175, et fut nommé licutenant des Maréchaux de 
France au Puy le 1° juin 1781. Le 6 août de la même année, il 
épousa Marguerite-Marceline de Pastourel de Baux, comtesse et 
chanoinesse du chapitre noble de Largentière, en Forez, fille de 
Louis-Armand de Pastourel, seigneur de Baux, Boilong et Saint- 
Jeure de Bonas, ancien officier au régiment d'Auvergne, et de dame 
Marie-Antoine de Charbonnel du Betz. 

Par des alliances bien entendues, par le travail de cinq ou six 
générations, les Pollalion en étaient venus à reconstituer, mais en 
partie, avec des domaines nouveaux, l’ancienne seigneurie de Gla- 
venas dont ils portaient le nom depuis 1600 et dont l’héritière de 
Pierre Cottel leur avait transmis les prérogatives. Le vieux manoir 
n'avait cependant pas été relevé, mais un château moderne à Saint- 
Hosticn, plus central pour leurs terres ct sous un ciel plus doux, 
aujourd'hui découronnéde sesbcauxombragesetdeses maîtres, était 
leur résidence de campagne dans les années qui précédèrent la 
révolution. Il ne leur manquait que de faire ériger en titre de 
baronnie cette seigneurie si habilement et si largement recom- 
posée et par elle de s'ouvrir l'entrée des États; mais l'occasion 
se présentait, et ils en profitèrent en achetant au prix de quatre 
mille livres, des hériticrs d'Ally, le titre de la baronnie de Saint- 
Vidal qui, séparé du domaine utile, ne portait plus qu’à faux. 

Pour les baronnics de Languedoc, il y avait des exemples de 
semblable mutation, et les lois de la province les autorisaient en 


200 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


en déterminant avec soin les rigoureuses conditions. L'article 43 du 
règlement délibéré par les États le 28 décembre 1768 et approuvé 
par arrêt du Conseil du 28 juillet 1769 ‘ portait en effet : « Comme 
« les baronnies qui donnent le droit d'entrer aux États doivent être 
« de nature à donner aux seigneurs barons, par leur étendue ou 
« par Je nombre des habitants qui les composent, et par le revenu 
« qu'ils en retirent, un intérêt au bien général de la province, qui 
«_est l'objet de l'administration des États, nul titre de baronnie 
«_ non encore acquis ne pourra être assis à l'avenir sur aucune terre 
« qu'elle ne soit de la qualité requise pour être susceptible de ce 
« titre; et si elle n'est en conséquence en toute justice, haute, 
« moyenne et basse, si elle n'a trois paroisses qui en dépendent 
« ou si, à ce défaut, le lieu dont elle porte le nom ne renferme 
« quatre cents feux au moins, ct si elle ne rapporte un revenu 
« annuel de quatre à cinq mille livres. » Mais en Velay le cas 
était nouveau; après quatre siècles de régime d'États dont quelques 
formes avaient à peine varié, les dix-huit baronnies primitives s'y 
retrouvaient sans aucun changement de nom, et la question, inté- 
ressanie pour ceux qui eurent à la résoudre, puisqu'elle se pré- 
sentait pour la première fois dans la vie politique du pays, ne 
l'est guère moins pour nous qui recherchons historiquement ce 
qu'élaicnt ces anciennes institutions provinciales. 

Le Velay, annexé au Languedoc sous la réserve de ses usages 
particuliers, se gouvernait généralement dans l'esprit des lois de 
la province et l'assemblée de 1787, saisie de la demande de Jacques 
de Pollalion, scigneur de Glavenas, en l'absence de tout précédent, 
instruisit l'affaire en s'inspirant du règlement délibéré aux États- 
Généraux en 1768. M. Jerphanion fils, syndic-adjoint, prépara le 
travail, ct l'abbé de Laval, prévôt du chapitre, rapporteur de la 
commission, CXpOsa : 

« Que M. de Pollalion avait produit un acte du 21 février der- 
« nier, par lequel M. le comte d'Apchier lui avait vendu le titre 
« de baronnie donnant entrée aux États du pays, qui était assis 
« sur la terre de Saint-Vidal; 

« Que pour établir sa propriété sur la seigneurie de Glavenas, 
« siluée en Velay, il avait également produit 4°... 2°... 3° une 


1. Albisson, Lois municipales et économiques du Languedoc, tome 1cr, page 595. 


MAISON DE POLLALION 201 


investiture de l'entière terre de Glavenas donnée à Claude de 


« Pollalion par MF Jacques de Serres, évêque du Puy, seigneur 


suzerain, 4°... Dis 


: « Que quant à l'étendue, au revenu et aux droits utiles et hono- 


rifiques qui y sont attachés, il résultait des titres produits que 
celte terre était composée de deux mandements ou communautés, 
avec paroisse, savoir Glavenas comprenant deux fiefs considé- 
rables, à dix-huit villages ou hameaux, et Condros de Glavenas; 
qu'elle avait toujours été possédée en toute justice, haute, moyenne 
el basse, avec droits de lods au quatrième denier, taillabilité au 
cinqg-cas, corvées, telles que celles reconnues au seigneur par 
ses amphitéotes de faucher sa prairie du Mesnil ct charrier le 
foin dans sa grange, le tout confirmé sur les anciens titres par 
arrêt du Parlement, en date du 9 août 1720; qu'à ladite sei- 
gneurie était encore attaché le droit de patronage et de col- 
lation de la cure de Glavenas, ainsi que de deux chapellenies 
enclavées dans l'étendue de la terre, ainsi qu'il résulte des nomi- 
nations faites par les seigneurs de Glavenas, et de celle qu'il 
avait faite lui-même de la personne de M. Aulagne à ladite 
cure, le 44 août 1781; qu'enfin, il existait au lieu du Pertuis, 
toujours dans l'étendue de la seigneurie, sur le chemin du Puy 
à Lyon, établi par titre ab antiquo, un droit de péage, confirmé 
en faveur des seigneurs de Glavenas, par arrêt du conseil du 
29 août 1728, et par ordonnance de M. l’Intendant du 5 décem- 
bre 1776, péage qui est un des trois seuls conservés dans le 
pays; 

« Qu'à tous ces titres, M. de Pollalion a joint plusieurs terricrs 
qui remontent aux temps les plus reculés, dont les derniers sont 
des années 1717, 1722 ct 1738, et enfin plusieurs hommages 
rendus aux seigneurs de Glavenas par les seigneurs de la Roue 
et du Chambonnet, à raison des cens et rentes qu'ils possédaient 
dans ladite terre; 

« Qu’après avoir pris connaissance de toutes ces pièces, il avait 
paru à la commission que la terre de Glavenas élait assez considé- 
rable pour recevoir un titre de baronnie, et, en conséquence, elle 
propose à l'assemblée d'accorder son consentement à ce que le 
titre de baronnie assis sur la terre de Saint-Vidal, et donnant droit 
d'entrée aux États du Velay, soit transporté sur la terre et sci- 


202 LA BARONNIE DE SAINT-VIDAL 


« gneuric de Glavenas, à la charge par M. de Pollalion d'obtenir 
« du roi les lettres-patentes sur ce nécessaires, et de justifier en 
« forme de sa noblesse, lorsqu'il se présentera pour être admis en 
« qualité de baron. » 

Le procès-verbal constate que ces conclusions furent unanime- 
ment adoptées ‘. Messire de Pina, doyen du chapitre, présidait 
l'assemblée en l'absence de M“ l'évêque, appelé par Sa Majesté à 
la réunion des notables du royaume. 

Dans la session de 1788, ouverte sous la présidence de l’évêque, 
le mardi 27 mai, le public s'élant retiré, car il n'assislait pas à la 
partie de la séance donnée aux affaires, le mème rapporteur de la 
comnussion qui s'était réunie la veille, après avoir rappelé la déli- 
bération prise à ce sujet l'année précédente, exposa que pour y 
satisfaire, M. de Pollalion rapportait des lettres-patentes ? signées 
par le roi à Versailles, au mois de mars dernier, et plus bas le 
baron de Breteuil, dûment scellées avec le visa de M. le Garde des 
Sceaux, par lesquelles Sa Majesté ordonnait que le titre de baronne 
assis sur la terre de Saint-Vidal, et donnant entrée aux États par- 
ticulicers du Velay, scrait transporté et assis à l'avenir sur la terre 
et seigneurie de Glavenas, voulant que M. de Pollalion jouit, en 
qualité de propriétaire de ladite terre el seigneurie de Glavenas, du 
droit d'entrée auxdits États particuliers, ainsi que de tous les 
autres droits, honneur, rang, séance ct prérogatives altachées 
audit titre. 

Et qu'il résultait des actes produits par M. de Pollalion pour 
établir sa noblesse, que, etc., 

Que d'après l'examen de tous ces titres MM. les commissaires 
avaient reconnu que M. de Pollalion avait parfaitement établi, 
d'un côté, le transport et l’assise du titre de baronnie de Saint- 
Vidal sur la terre et scigneuric de Glavenas, et de l’autre sa no- 
blesse, au-delà même du désir des règlements; qu'en conséquence, 
ils croyaient devoir proposer à l'assemblée de l'admettre en qua- 
lité de baron de Glavenas, et de lui accorder rang, séance et voix 
délibérative. 

« Ce qui ayant été ainsi délibéré, M. de Pollalion à été introduit 


4. Archives de la Haute-Loire, collection des Procès-verbaux des États. 
2. Cette pièce n'a pu ètre retrouvée ni à la Bibliothèque de la rue Richelieu, ni aux 
Archives impériales. 


MAISON DE POLLALION 203 


« par le syndic du pays, et Monseigneur le Président lui ayant 
« annoncé sa réception, il a remercié l'assemblée et pris sa place‘. » 

Voilà sous quelles conditions et par quelle procédure, à la veille 
de la grande Révolution qui allait les emporter toutes, la baronnie 
de Glavenas fut substituée à la baronnie de Saint-Vidal, et l’écus- 
son des Pollalion mis dans la salle des États à la place du vieil 
écusson des la Tour. 

Et comme les États du Velay n'avaient plus eux-mêmes qu’un 
jour à vivre, le nouveau baron de Glavenas vint à l'assemblée le 
30 juin 1789, qui devait être la dernière, et tout fut dit ?. 

Mais un de ces deux châteaux a laissé quelques pages à l’histoire 
et fait encore rêver du passé ceux qui le visitent, c'est celui que 
Saint-Vidal, le héros des guerres civiles en Velay, avait construit 
aux rives de la Borne *. | 


4. Procès-verbal imprimé d® la session de 1788. 

2. Ces récits s'arrêtent naturellement au seuil des temps nouveaux. Nous ajouterons 
cependant que tous les domaines de la baronnie de Glavenas ont été vendus, et que 
la famille qui en portait le nom n'est plus aujourd'hui représentée dans la Haute- 
Loire. Jacques-Charles de Pollalion, qui avait recu la croix de Saint-Louis en 1815, 
termina sa vie cn 1823. La douairière baronne de Glavenas est morte au Puy, dans ces 
dernières années. Les deux fils, après avoir servi l'empire, l'un dans le 4° régiment 
des gardes d'honneur, l'autre dans le 4° régiment de chasseurs, entrèrent dans les 
gardes du corps sous la Restauration et sont ofliciers de cavalerie en retraite et che- 
valiers de la Légion d'honneur, le cadet dans le département de la Loire, l'aîné dans 
le Cantal. 

3. La Société agricole ct scientifique de la Haute-Loire exprime sa vive reconnais- 
sance à M. Élie Collard, possesseur du manuscrit de la baronnie de Saint-Vidal, qui 
a bien voulu s'en dessaisir et en permettre l'impression. 

(N. D.L.R.) 


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TABLE DES MATIÈRES 


EMITOANCHON SEE NP ad nd Ur 103 
É. Maison de le Tout. os cure Gi AE MR A en 109 
Il:  Muson dé Rochefort AM isa ns sas se dede reed 173 


IIT. Maison de Pollalion..........,.............. uses ses soso. 195 


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LISTE DES MEMBRES 


DE LA 
SOCIÉTÉ AGRICOLE ET SCIENTIFIQUE DE LA HAUTE-LOIRE 


AU 1‘ JANVIER 1898 


BUREAU DE LA SOCIÉTÉ. 


MM. Morez (Camille), #, &, &, président. 
Corrrier (Henri), &, vice-président. 
GUEYFFIER (Louis), vice-président. 
Lascouse (Adrien), &, secrétaire. 
Henpe (Philippe), #, secrétaire. : 
CanaRD (Auguste), trésorier. 
SKLÉNARD, trésorier-adjoint. 
Lascouse (Adrien), & , bibliothécaire-archiviste. 


CONSEIL D’'ADMINISTRATION. 


MM. O’FaARRELL (Arthur). 
GATILLON (Alexandre). 
JACOTIN (Antoine), &. 
CuaAuUDIER (#8, O.). 
Vino (Joseph), avocat. 


Les membres du bureau font également partie du conseil d'admi- 
nistration. 


208 LISTE DES MEMBRES 


BUREAU DU COMICE AGRICOLE. 


MM. Jacorin (Antoine), &, président. 
CHaupiEr (Jean), & O., vice-président. 
GAZANION (Francisque), vice-président. 
JOUFFRE, secrétaire-trésorier. 


MEMBRES RONORAIRES. 


MM. 
CHANTEMESSE, #%, docteur en médecine à Paris. 
CoRNEVIN, professeur à l’école vétérinaire de Lyon. 
Roux, %, docteur en médecine, directeur du laboratoire de 
M. Pasteur. 


MEMBRES TITULAIRES. 


AuniAL, docteur en médecine, au Puy. 

AcHaRpD (Hippolyte), fabricant de dentelles, au Puy. 

AcHanD (Paul), sous-chef de bureau au ministère de l'Intérieur, à 
Paris. 

ALIROL (Hippolyte), #, ancien maire du Puy. 

ANDRIEUX (Antoine), notaire, à Craponne. 

ANTIER (Joseph), avocat, au Puy. 

ARNAUD-DELAIGUE, ancien notaire à Saint-Vincent. 

ASSÉZAT-FAURE, propriétaire, au Puy. 

AULANIER (Maurice), ancien nolaire, au Puy. 

Baniou-BanNier, négociant, au Puy. 

Baviou pe LA TRoNCHÈRE (Émile), propriétaire, à Valence (Drôme). 

Bernicter (Louis), &, négociant, au Puy. 

_ BERNARD, avoué, au Puy. 

BERNARD (Claude), &, percepteur, à Villeurbanne (Rhône). 

BERTRAND-VALLON, négociant, au Puy. 

BiNacnoN, %, directeur des usines, à Pont-Salomon. 

BLaxc, conducteur des ponts et chaussées, à Saint-Paulien. 

BLANC (Henri), dépulé de la Haute-Loire. 

BLANC (Hippolyte), #, &, ancien maire du Puy. 

BoxXhouxE, fabricant de passementeries, à Lempdes. 


LISTE DES MEMBRES 209 


Bonneroux (Eugène), &, conseiller général, à Saint-Paulien. 

BonneroY (Georges), 3, Cours Sablon, Clermont-Ferrand. 

Bosc, maire, à Saint-Front. 

Boupon, vétérinaire, à Brioude. 

Boyer, professeur d'agriculture, à Marvéjols. 

Boyer (André), pharmacien, au Puy. 

Boyer (Florimond), avocat, au Puy. 

Boyer (Louis), notaire, à Craponne. 

Boyer (Pierre), docteur en médecine, à Brives-Charensac. 

Braup (Théodore), ancien maire, au Puy. 

BRESCHET (Julien), notaire, au Puy. 

Brux (Pierre de), surnuméraire de l’enregistrement et des domaines, 
au Puy. 

CanaRD (Auguste), industriel, au Puy. 

CaRLE-BÉRAUD, propriétaire, au Puy. 

CasaTI (Jean), propriétaire, à Brioude. 

CELLERIER, chef de section de chemin de fer au P.-L.-M., au Puy. 

CHACORNAC, censeur au lycée de Constantine. 

CHapuc, directeur de la succursale du Crédit Foncier, au Puy. 

CaawBauD, conducteur principal des ponts et chaussées, au Puy. 

CHAMPAVÈRE (Léopold), sous-préfet à Saint-Marcellin (Isère). 

Cuapuis (Camille), conducteur des ponts et chaussées, à Ain-Temou- 
chen (Algérie). 

CHATILLON (Frédéric), &, conseiller général, à Brioude. 

CHAUDIER (Jean), & O., directeur de la Ferme-École de Nolhac. 

CHAURANT (Louis), &, avoué, au Puy. 

CHauviN(Auguste), directeur de la Ferme-École des Plaines (Corrèze). 

Cnossecros, notaire, à Allègre. 

CorFFIER, &, docteur en médecine, au Puy. 

CoLzLarp (Camille), &, ancien maire, à Bas-en-Basset. 

CorCcELLE, professeur agrégé au Lycée d'Annecy (Haute-Savoie). 

CorTeT (Auguste), propriétaire à Berthier, commune de Collat. 

CourcivaL (de), au château de Courcival, par Bonuetable (Sarthe). 

CRouzET-GENDRIAC, employé au chemin de fer P.-L.-M.,au Puy. 

DopEL, expert, à Craponne. 

DosFAnNT (Gustave), &, propriétaire, à Amblard, près Paulhaguet. 

Douce (Laurent), propriétaire, au Puy. 

DreYrus (Samson), 5, $, professeur au Lycée du Puy. 

Dumas, propriétaire, à Ronzet, commune de Séneujols. 

Duronr, professeur d'agriculture, au Puy. 

Dupuy (Charles), 5, député de la Haute-Loire. 

Duran», conseiller général, au Puy. 


210 LISTE DES MEMBRES 


ExJoLrAS (Francisque), négociant, au Puy. 

ENJOLVY-ALIROL, négociant, au Puy. 

EsPreL, trésorier de la Caisse d'Épargne, au Puy. 

ExPERTON, notaire, au Puy. 

Eyraup (Pierre), ancien avoué, au Puy. 

Fagre (Émile), #, docteur en médecine, au Puy. 

Fasre (Polydore), propriétaire, au Puy. 

FALGCoN (César), propriétaire, à Saint-Marcel. 

FaLcoN (Régis), négociant en dentelles, au Puy. 

FarIGOULE (Pierre), #, négociant en dentelles, au Puy. 

Faune (Émile), industriel au Puy. 

FERRET-DEscHAMPS, propriétaire, à Serville, commune de Beaulieu. 

ForEsTiER (Jules), entrepreneur, au Puy. 

FouRNIER-LATOURAILLE, propriétaire, à Brioude. 

GALLIEN, conducteur des ponts et chaussées, au Puy. 

GarvbE (Gabriel), ancien notaire, au Puy. 

GATILLON (Auguste), propriétaire, au Puy. 

Gazaxion (Édouard), &, propriétaire, au Puy. 

Giraup (Auguste), juge au tribunal civil du Puy. 

GirauD (Henri), boucher, au Puy. 

GIRE (Jules), &, commis des ponts et chaussées, au Puy. 

GRATUzZE (Louis), &, conseiller à la Cour de Grenoble. 

GUELLE, &, docteur en médecine, à Allècre. 

GUEYFFIER (Edmond), conseiller d'arrondissement, au Puy. 

GueYFrier (Louis), ancien notaire, au Puy. 

HaBRiAT (Michel), vétérinaire, au Puy. 

Heure (Philippe), #%, ancien lieutenant de vaisseau, au Puy. 

Hénisso (Étienne), & O., professeur d'agriculture. 

Hiczaire, marchand de bestiaux, au Puy. 

JACOTIX (Antoine), &, archiviste départemental, au Puy. 

JouFFre (Louis), sous-chef de bureau à la préfecture de la Haute. 
Loire. 

LACHENAL (Jacques), #, ancien receveur particulier des finances, à 
Brioude. 

Lascoyse (Adrien), &, conservateur de la Bibliothèque de la ville du 
Puy. 

LAVASTRE (André), juge au tribunal civil du Puy. 

Le BLaNc (Paul), homme de lettres, à Brioude. 

LEBLoND, %, & I, préfet de la Haute-Loire. 

Liocier (Waldeck), propriétaire, au Puy. 

LIOGIER nE SEREYS (Alexis), propriétaire, au château de Sereys, com- 
mune de Chomelix. 


LISTE DES MEMBRES 211 


MaALLAT (Louis), %, directeur des contribulions directes en retraite, 
au Puy. 

Marcuessou (Léon), &, #, ancien préfet. 

MarcHEssou (Régis), :, éditeur, au Puy. 

MaRrsSEIN, & 1, maire de Langeac. 

MARTIN, architecte, au Puy. 

MARTIN (Germain), secrétaire du Musée social, à Paris. 

MÉNAND, directeur de l’usine à gaz, au Puy. 

Meyer (Léon-Émile), #, architecte, au Puy. 

MoreL (Camile), #, 5, &, docteur en médecine, au Puy. 

Mosxier (Henry), &, juge au tribunal civil de Clermont-Ferrand. 

MourGuEs (de), procureur de la République, à Brioude. 

NÉRox (Édouard), propriétaire, à Monistrol-sur-Loire. 

NËRoN (Émile), &, &, député de la Haute-Loire. 

NicoLas, professeur à l’École Normale du Puy. 

O'FARRELL (Arthur), avoué, au Puy. 

PAGËs (Henri), notaire, au Puy. 

PascaL (Louis), %, homme de lettres, à Paris. 

PascaL (Régis), vétérinaire, au Puy. 

PELLISSIER, ingénieur agronome, au laboratoire de Tours (Indre-el- 
Loire). 

PEyroCHE, maire, à Craponne. 

Picquer, conducteur des ponts-el-chaussées, au Puy. 

PLANCHET, notaire, à Saint-Vincent. 

Ranc (Florimond), ancien conseiller général, à Cayres. 

REPIQUET, vétérinaire, à Firminy. 

ReyNaup (Baron), propriétaire, au Puy. 

Risoup (Eugène), architecte départemental, au Puy. 

Ricnar», conducteur des ponts-et-chaussées, au Puy. 

RICHARD DE RIBAINS, €, capilaine en retraite, à Chadernac, commune 
du Brignon. 

RiouroL, ancien notaire, au Puy. 

Rocxer, juge de paix, au Puy. 

Rocues-BoYer, négociant, à Espaly-Saint-Marcel. 

RonE, sous-inspecteur des enfants assistés. 

RoussEeL (Antonin), propriétaire, à Saint-Paulien. 

RUMILLET-CHARRETIER, %#, ancien député, à Vals-près-le-Puy. 

SACHER, directeur de la malterie Franco-Suisse, au Puy. 

SAMARD, avoué, au Puy. 

SKLÉNARD, conducteur principal des ponts-et-chaussées, au Puy. 

SOLVAIN-PLANTÉ, conseiller municipal, au Puy. 

TERRASSE (Édouard), négociant, au Puy. 


212 LISTE DES MEMBRES 


THiozLiEr (Noël), archéologue, à Saint-Étienne. 

TRiouLEYRE (frère Marie-Pierre), directeur des sourds-muels, au Puy. 
TAUCHET, à Siaugues-Saint-Romain. 

VACHER (ainé), négociant, au Puy. 

Vaissié, archiviste municipal, au Puy. 

VALLÉRY-MicuEL (Albert), propriétaire, à Espaly-Saint-Marcel. 
VALLETTE, secrétaire général de la préfecture. 

VARENNE (Théodore), propriétaire, au Puy. 

VAZEILLE, peintre-photographe, au Puy. 

VERNIÈRE (Antoine), avocat, à Clermont-Ferrand. 
VEYSSEYRE, Commissaire-priseur, au Puy. 

VEYSSEYRE (Jean), ancien conseiller général, à Brioude. 

ViaLA (Odilon), vétérinaire, au Puy. 

ViaLLET (Antoine), maire, à Aiguilhe. 

ViserT (Léon), procureur de la République, à Murat, 

Vi8erT (Paul), docteur en médecine, au Puy. 

VibAL-GALLAND (Eugène), négociant au Puy. 

VicNon (Joseph), avocat, au Puy. 

VissacurxT (Ernest), sénateur de la Haute-Loire. 


MEMBRES CORRESPONDANTS. 


AcHaRp (Joseph), instituteur, à Vazeilles-Limandre. 


BEsT (Louis), id. à Malrevers. 

BorrFy, 1d. à Saint-Haon. 

DucaAT, 14. à Lavaudieu. 

MARTIN (Joseph), id. à Brives-Charensac. 
MazaT, id. à Coubon. 

MosNier (François), #4. à Monistrol-sur-Loire. 
POUILLE, id. à Nolhac. 


MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ LÉCÉDÉS EN 1896 ET 1897. 


MEMBRES HONORAIRES. 


M. CorNEvin, professeur à l’école vétérinaire de Lyon. 


MEMBRES TITULAIRES. 


MM. Aciroz (Hippolyte), ancien maire du Puy. 
BERBIGIER (Louis), négociant, au Puy. 


LISTE DES MEMBRES 213 


MM. Boyer (Florimond), avocat, au Puy. 
Douce (Laurent), propriétaire, au Puy. 
FABre (Polydore), propriétaire, au Puy. 
FoURNIER-LATOURAILLE, propriétaire, à Brioude. 
Hérisson (Étienne), professeur d'agriculture, au Puy. 
MéÉNaRD (Léon), greflier du tribunal civil de Saint-Étienne. 
SOLVAIN-PLANTÉ, Conseiller municipal, au Puy. 
TRUCHET, propriétaire, à Siaugues-Saint-Romain. 
VARENNE (Théodore), propriétaire, au Puy. 


SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 


Académie de Reims. 

Académie du Gard, à Nimes. 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Bordeaux. 

Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. 

Académie des sciences, belles-lettres et arts de Clermont-Ferrand. 

Académie delphinalse, à Grenoble. 

Académie chablaisienne, à Thonon (Haute-Savoie). 

Académie d'Hippone, à Bône (Algérie). 

Académie de La Rochelle, société des sciences naturelles de la Cha- 
rente-Inférieure. 

Académie de Stockholm (Suède). 

Comice agricole et société de viticulture de Brioude. 

Comice agricole central de la Loire-Inférieure, à Nantes. 

Institution géologique de l’université royale d’Upsala (Suède). 

Société de la Diana, à Montbrison. 

Société d'Émulation de l'Allier, à Moulins. 

Société des antiquaires du centre, à Bourges. 

Société nivernaise des sciences, lettres et arts, à Nevers. 

Société d'agriculture de la Lozère, à Mende. 

Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, à Chambéry. 


2141 SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 


Société impériale des naturalistes de Moscou (Russie). 

Société scientifique, historique el archéologique de la Corrèze, à 
Brives. 

Société des sciences naturelles de l’ouest de la France, à Nantes. 

Société florimontane, à Annecy. 

Société nationale d'agriculture, sciences et arts, à Angers. 

Sociélé botanique des Deux-Sèvres, à Niort. 

Société des archives historiques, à Saintes. 

Société d'études scientitiques et archéologiques, à Draguignan. 

Société de géographie de l'Ain. 

Société d'Émulation de l'Ain. 

Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, à Auxerre. 

Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles lettres du 
département de la Loire. 

Sociélé d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-lettres du 
département de l'Ardèche. 

Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse. 

Sociélé historique, littéraire, artistique et scientifique du Cher. 

Société départementale d'archéologie et de statistique de la Drôme. 

Société archéologique et historique de l’'Orléanais. 

Société académique de Brest. 

Société archéologique et historique du Limousin. 

Société d'émulation, à Abbeville. 

Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers. 

Société d’éludes des Hautes-Alpes, à Gap. 

Société académique de Laon. 

Société archéologique de Tarn-et-Garonne à Montauban. 

Société académique de la Loire-Inférieure, à Nantes. 

Sociélé de statistique de l'Isère. 

Société Neuchâteloise de géographie à Neuchâtel , Suisse). 


TABLE DES MATIÈRES 


DU NEUVIÈME VOLUME 


des Mémoires et Procès-verbaux de la Société agricole et scientifique 
de la Haute-Loire. 


Notice historique sur les dominicains de Pradelles, par M. F. Mosnier........ 77 
La flore bryologique des environs de Borne (Haute-Loire), par M. Lyotard. . 86 
Notes sur quelques mousses des environs du Puy (Hte-Loirce), par M. Lyotard. 95 
La baronnie de Saint-Vidal, par M. Truchard du Molin...............,.. ..... 103 
Liste des membres de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire au 

1 janvier 1999... sense ces deretee EN CT TT 207 
Liste des Sociétés correspondantes.................. Fraises 213 
Bibliographie du Velay et de la Haute-Loire. Deuxième partie : Sciences et 

AFIN CU) ends Diane terres ie ia ieneteetilen ts 127-386 


PROCÈS-VERBAUX 


Séance de janvier 189%. — Emploi du sulfate de fer en agriculture, etc., etc. 4 
Séunce de février. — L'industrie dentellière en Auvergne, en 1778. — Étude 

sur l'architecture religieuse à l'époque romane dans l'an- 

cien diocèse du Puy. — Roche grenatifère des environs de 

Pradelles. — Découverte d’ossements fossiles à Mariols et 

d'anciennes tombes à Vergonges et à Changeac, etc., etc. 5 
Séance de mars. — La fin de la carrière militaire du général Lafayette. — 

Réunion à la manse du prieuré conventuel de Lavaudieu 

du prieuré de Toulx, 12 décembre 1768. — Découverte de 

monnaies du moyen âge à Chosson près le Puy. — Projet 

de création d’une école de laiterie dans la Haute-Loire, etc. 14 
Séance d'avril. — Destruction sur place du microbe du croup, — Le Lysima- 

chia thyrsiflora. — L'acétylène. — Les rayons Rœntgen. 

— Rapport sur le concours d'animaux gras du 24 mars 

1990, CIC CIC ste nine eee trees 21 
Seance de mai. — Les oculistes gallo-romains au ie siècle. — Peintures sur 

les poutres d’un plafond du xv'° siècle au Puy. — Le champ 

dolent, — Fouilles sur l'emplacement de l'ancien prieuré de 

Saint-Picrre-le-Monastier, ete., etc...........,....,....... 30 


216 


TABLE DES MATIÈRES 


Séance de juin. — Remède etticace contre la gomme du pêcher. — Conserva- 


tion des semences. — Destruction des courtilières. — Em- 
ploi des feuilles de cassis pour la guérison des blessures. — 
Empoisonnement du bétail par les pommes de terre ver- 
dies, les pousses printanières et les tiges. — Expériences 
agricoles. — Engrais chimiques, etc..............,.,,.... 


Séance de juillet. — Conservation des arbres mutilés, etc................... 
Séance d'août. — Découverte de deux inscriptions, l'une à Saint-Marcel près 


le Puy, et l’autre à Saint-Paulien. — Sceau d’Augustin de 
Mailhet, évêque de Tulle. — Mesures à prendre contre la 
morsure des vipères, etc., EC. .......ssssssssssossss sous 


Séance de novembre. — La race bovine du Mézenc. — Protection des bordsdes 


rivières. — L'orge de Hanna, etc.,etc.............. ...... 


Séance de décembre. — Renouvellement du bureau de la Société............ 


79 


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